38 listes aux élections européennes et quelques clowns
On observe une tendance dans les élections : plus on avance dans le temps, plus il y a de candidats ou de listes. Les élections européennes de 2024 n’échappent pas à la règle. En France, 38 listes se présentent.
Il s’agit d’un scrutin à un tour et pour avoir des sièges, il faut récolter au moins 5 % des suffrages. La barre est haute pour les petites listes, d’autant qu’elles n’ont généralement ni état-major, ni élus, ni moyens financiers conséquents.
Pour autant, faut-il les snober et partir du postulat que ce sont des amateurs ? On est en droit de se poser la question pour certains. En effet, toutes les listes n’ont pas de vitrine. C’est le cas de « Pour une humanité souveraine », pour « démocratie représentative » ou encore pour « espéranto, langue commune ». Pour les deux premières listes, il faut se rendre sur Facebook et pour la troisième, il y a plusieurs sites Web concernant l’espéranto, au point qu’on ne sait pas qui se présente ou pas. Attendu que cette élection risque de battre des records d’abstention, il aurait sans doute été préférable d’user de tous les moyens numériques pour se faire connaître.
Si les règles sur la propagande numérique sont assez strictes, notamment au regard du financement, rien n’empêchait de s’y préparer en amont : site Web, comptes de réseaux sociaux, réunions publiques numériques, etc.
Les élections européennes ont ceci de particulier que ce sont les seules durant lesquelles, les petits partis ont un angle de tir auprès des rédactions. Les élections locales sont mieux suivies par la presse quotidienne régionale, qui peut tenir compte de la particularité des territoires. Les élections législatives agrègent trop de candidatures. Pour exister médiatiquement, les élections européennes sont une belle opportunité, pour qui s’en saisit suffisamment tôt.
C’est la grande force des partis installés : ils sont généralement bien implantés sur l’ensemble du territoire et disposent de relais physiques. Les petites listes n’ont pas cet avantage, on s’attend donc à ce qu’elles battent le pavé numérique et médiatique.
Pour les listes qui ont une vitrine sur le Web, la plupart présentent un programme. Pour des élections européennes, on s’attend à ce que le programme corresponde à des prérogatives dévolues au Parlement européen. Là encore, on est surpris. Ainsi, Démocratie Représentative donne un programme à échelle nationale, plus qu’européenne, ce qui n’est donc pas un programme. Décidons par nous-mêmes affiche un tract pour les élections municipales de 2026 et aucun programme pour les élections européennes de 2024. L’UPR n’a même pas changé son lien ni sa page depuis 2017.

Sur 38 listes, 15 n’ont pas de programme ou présentent un programme sans lien direct avec les élections européennes.
Si à l’Assemblée nationale, il est possible de faire « bons coups » en étant « petits » voire non inscrits, au Parlement européen, les choses sont différentes. Ce n’est pas tant le rapport de force face caméra qui compte, que l’influence et le pouvoir de négociation. L’initiative parlementaire est partagée, mais un groupe suffisamment habile peut peser. Il suffit de voir la résolution sur les travailleurs des plateformes, portée notamment par Leila Chaibi pour s’en rendre compte.
Mais, pour cela, il faut accepter de travailler en équipe et donc de rejoindre un groupe ou d’en créer un. Pour cela, il faut 23 membres, comportant des parlementaires représentant au moins un quart des États membres. Donc, 23 personnes de six pays différents de l’Union européenne.
Pour les petites listes, il paraît hasardeux de constituer un groupe. Exception à cette règle : le Parti Pirate, qui est un parti politique par nature transfrontalier et qui a essaimé dans toute l’Europe. Dans les « petites » listes, c’est le seul parti qui peut sérieusement dire qu’il souhaite créer un groupe et qui doit vraiment attendre les résultats pour savoir que faire.
On a demandé à toutes les listes quel groupe elles allaient rejoindre en cas de succès. Du côté du Parti Pirate, les négociations sont en cours et leur sort dépend réellement du résultat au 9 juin 2024.
Pour les partis dont les membres se représentent, il n’y a pas de surprise : LFI restera dans le groupe de la gauche, le RN chez Identité et Démocratie (ID), Renaissance chez Renew, LR au PPE, Pierre Larrouturou n’est pas encore fixé, mais ça se jouera entre S&D et les Verts, le PCF dans le groupe de gauche, les écologistes chez les Verts.
Reconquête avait indiqué que ses députés européens siégeront chez les ECR, information confirmée par le parti.
Et pour les autres ? C’est là que les choses se corsent. Écologie au centre et Non à l’UE et à l’OTAN, communistes pour la paix et le progrès social indiquent qu’ils créeront leurs propres groupes. À ce stade, on ne sait pas avec qui. Forteresse Européen indique qu’ils siégeront « dans la fachosphère », pour finalement indiquer qu’ils iront chez les non-inscrits. Trois listes n’ont pris aucune disposition. Trois autres iront chez les non-inscrits. Dix-sept n’ont tout simplement pas répondu.
Pas de vitrine Web, pas de programme, pas de réponse aux médias, on se demande pourquoi certaines listes se sont présentées. Peut-être pour inclure une nouvelle ligne dans un profil LinkedIn ?
Quant à faire du tractage, du boîtage ou des débats locaux, il ne faut pas trop y compter non plus. Même les « grands » partis n’ont pas tracté sur tout le territoire.
Existe-t-il un vote utile aux élections européennes ? Une chose est certaine : certaines candidatures ne sont pas à prendre au sérieux.
Voici les listes pour lesquelles il n’y a ni programme ni réponse à la question de savoir quel sera le groupe en cas de succès aux élections européennes :
- • Pour une humanité souveraine ;
- • Parti Révolutionnaire Communistes ;
- • Liste Asselineau-Frexit, pour le pouvoir d’achat et pour la paix ;
- • Pour un monde sans frontières ni patrons, urgence révolution ! ;
- • « Pour le pain, la paix, la liberté ! » presentée par le parti des travailleurs ;
- • Non ! Prenons-nous en mains ;
- • Alliance rurale ;
- • Démocratie Représentative ;
- • Espéranto langue commune.
On ne peut s’empêcher de constater qu’Asselineau se plaint constamment d’être boudé par les médias. Pour une fois qu’il y en avait un qui s’intéressait à son sort, c’est dommage de ne pas être capable de consulter une boîte email.