Absence de budget : les conséquences très concrètes pour les Français
Tandis que les députés continuent d’essayer de se mettre d’accord sur un budget, certains agitent une nouvelle motion de censure, afin de faire chuter le Gouvernement Bayrou. Or, cette absence de budget a des répercussions très concrètes, non seulement pour l’économie, mais, également pour les Français.
Gel des budgets : gel des embauches
Pour les institutions publiques, le calcul est simple. En l’absence de budget, il est impossible d’embaucher, d’accueillir des stagiaires ou des alternants, de passer des commandes et même de prendre en charge des repas, type pots de départ, ou des déplacements.
Ainsi, les CDD sont suspendus jusqu’au 1ᵉʳ avril au moins, seuls les contrats déjà signés sont maintenus. Les stagiaires non rémunérés peuvent être accueillis, mais, pas ceux qui doivent être rémunérés.
Les diverses missions sont suspendues, exception faite de celles qui ont déjà été programmées. Il n’y aura pas non plus d’achats, sauf urgence. Les dépenses « non essentielles » sont carrément interdites au moins jusqu’au second trimestre et elles incluent : les nouveaux besoins, les dépenses de communication, les séminaires, les pots de départ, les nouvelles prestations de service, les travaux d’aménagement des locaux.
Public et privé sont liés dans l’économie française
On peut prendre la chose par-dessus la jambe, en se disant que le problème ne concerne que les administrations et les entités publiques. Ce n’est absolument pas le cas.
D’après le baromètre de la commande publique 2023-2024, 49 % des achats ont été attribués à des PME. Les entreprises de taille intermédiaires comptent pour 27 % et 16 % sont donnés à des microentreprises.
Toujours selon le baromètre, « ces chiffres soulignent le rôle important de la commande publique dans le soutien au tissu économique local, en particulier pour les petites et moyennes structures qui constituent une frange substantielle de l’économie ». En somme, sans budget, les administrations ne peuvent pas faire travailler les entreprises, qui elles-mêmes ne peuvent pas faire travailler les Français, qui ne peuvent plus consommer.
Sonnette d’alarme tirée par les syndicats de patrons
Si Bernard Arnault a fait des émules avec sa déclaration fracassante et pas très fine, le fait est qu’il n’est pas le seul à être inquiet. L’économie française ne va pas très bien : le PIB a reculé de 0,1 % au dernier trimestre, le chômage a grimpé et les défaillances d’entreprises remontent en flèche. En cause : un alignement néfaste des planètes. Les entreprises doivent rembourser les prêts garantis par l’État (PGE), mais n’ont pas fait assez de chiffre pour compenser le remboursement, tout en faisant face à des augmentations de charges, en raison de l’inflation.
Dès lors, les embauches n’ont pas lieu, même dans les entreprises qui connaissent une bonne activité. On ajoute à cela l’instabilité politique, d’abord du fait de la dissolution de cet été, puis de la censure du Gouvernement. Enfin, l’élection de Donald Trump, qui souhaite faire primer l’économie américaine, sans faire de prisonniers, finit de miner les entreprises, qui ne savent plus vers quel Saint se vouer, d’autant que les chefs d’entreprise ne sont pas écoutés.
Le patron du MEDEF, Patrick Martin, s’en émeut auprès de l’AFP « j’ai tiré le signal d’alarme en août, mais la classe politique n’a rien entendu, n’écoute même pas ». Le 17 décembre 2024, trois organisations patronales — le MEDEF, la CPME et l’U2P — ont signé un communiqué de presse avec quatre organisations syndicales, sauf la CGT, pour alerter les élus sur le risque économique de l’instabilité.
Et si les députés s’insurgent, à raison, contre l’expression « sentiment de submersion » à propos de l’immigration lâchée par le Premier ministre en séance de QAG, les organisations patronales ne sont pas exactement du même avis « avoir un budget qui n’est pas voté, juste pour deux mots, c’est mettre en danger la France » dit Amir Reza-Tofighi, président de la CPME.
Les trois organisations patronales ont tenté d’avertir les députés de la commission des affaires économiques sur le danger. Mais, cela a tourné au dialogue de sourds, surtout à gauche.
Dégringolade immobilière
En France, il y a un secteur qui sert aussi de baromètre : la construction de logement.
« L’année 2023 a été une année catastrophique, et 2024 est encore plus catastrophique que 2023. Pour l’instant, on ne constate pas de rebond » souligne Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers.
« L’instabilité politique que nous connaissons depuis juin a provoqué un attentisme total des acquéreurs comme des investisseurs, qui ne savent pas quelle fiscalité s’appliquera » poursuit-il et on le comprend. Dans le budget 2025 de cet automne, il était question de donner une bouffée d’air frais aux propriétaires et en particulier, aux primo-accédants à la propriété.
Or, sans texte, certains dispositifs se sont tout simplement éteints, étant arrivés à expiration. Par ailleurs, la commande de logement neuf permet de financer les logements sociaux, mais aussi, les finances locales, grâce à ce qu’on appelle communément « les frais de notaire », mais qui couvre surtout des taxes pour l’État, le département et la commune, ainsi que par la taxe foncière. Cette dernière est devenue indispensable pour les collectivités territoriales depuis la suppression de la taxe d’habitation. Pas de nouveaux propriétaires signifie qu’il n’y a pas de nouvelles taxes qui rentrent dans les caisses.
Quelle issue ?
De fait, qu’il s’agisse des administrations ou des entreprises, tout le monde attend de savoir à quelle sauce il va être mangé et tout dépend de la commission mixte paritaire (CMP) sur le budget 2025. À 20 h, les parlementaires — sept députés et sept sénateurs — ont levé la séance et la reprendront demain matin. Ils sont sortis à intervalles réguliers pour informer les journalistes hantant la salle des quatre colonnes. De ce qui se raconte à l’intérieur, personne n’en sait rien : les CMP se déroulent à huis clos.
Les socialistes ont indiqué que les engagements sur les recettes étaient tenus, laissant entrevoir une forme de consensus, mais qui n’engagent qu’eux et nul ne peut prédire les votes individuels. Par ailleurs, le RN recommence à montrer les muscles sur l’article 4, concernant les prix de l’électricité. Pour le moment, Jean-Philippe Tanguy temporise. « Ce seront Marine Le Pen et Jordan Bardella qui décideront si le comportement du gouvernement et cette irresponsabilité méritent la censure », indique-t-il. Jeudi soir 30 janvier 2025, on apprenait que la partie recettes avait été adoptée. Reste la partie dépenses.
En fait, on ne connaîtra la conclusion de tout cela que mercredi. Les députés terminent la CMP demain. Si elle est conclusive, elle sera présentée lundi après-midi en séance publique. Si le Premier ministre dégaine l’article 49 alinéa 3, LFI riposte avec une motion de censure, qui sera probablement examinée mercredi. Et c’est à ce moment-là qu’on aura la réponse.
Les Français vont-ils devoir attendre encore un trimestre ou peuvent-ils espérer une remise en route ?