L’Assemblée nationale adopte la proposition de loi contre le narcotrafic
Adoptée par les deux chambres du Parlement, une proposition de loi centrée sur la répression du narcotrafic suscite de vives critiques pour ses atteintes potentielles aux droits fondamentaux.
Une adoption parlementaire sous tension
Après un parcours chaotique à l’Assemblée nationale, la proposition de loi visant à sortir la France du « piège du narcotrafic » a été définitivement adoptée ce mardi 1er avril 2025.
Elle est accompagnée d’une proposition de loi organique relative au statut du procureur de la République national anti-criminalité organisée.
Fait rare : ces deux textes trouvent leur origine dans un rapport d’enquête sénatoriale. Si les commissions d’enquête se multiplient en cette période de cohabitation, peu débouchent sur une initiative législative. Cette loi constitue donc une exception.
Une réponse uniquement répressive
Le texte adopté fait le choix assumé d’une approche exclusivement répressive.
Il ne traite ni de la prévention en matière de stupéfiants ni de la question de la légalisation du cannabis, malgré les nombreuses tentatives du député LFI Antoine Léaument d’ouvrir le débat sur ce dernier point.
Avant sa promulgation, la loi devra passer en commission mixte paritaire, puis être soumise au Conseil constitutionnel.
Une pluie de critiques sur le fond comme sur la forme
Plusieurs organisations, dont la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), ont exprimé de fortes réserves sur la constitutionnalité et l’efficacité du texte.
Dans une déclaration publiée au Journal officiel le 29 mars 2025, la CNCDH s’inquiète des atteintes portées aux droits de la défense, notamment à travers la création d’un « dossier coffre » inaccessible aux avocats, contraire selon elle au principe du contradictoire garanti par la Convention européenne des droits de l’homme.
Elle dénonce aussi un recours imposé à la visioconférence sans consentement du justiciable, la limitation du libre choix de l’avocat, et la centralisation des procédures à Paris, autant de mesures jugées contraires aux exigences d’un procès équitable.
Le Parquet national anticriminalité organisé en question
La création du Parquet national anticriminalité organisée (PNACO) est également critiquée.
La CNCDH pointe l’absence de moyens humains et financiers alloués, ainsi que les risques de désorganisation induits par une articulation floue entre ce nouveau parquet, les juridictions locales et les parquets existants.
Le Conseil national des barreaux monte au créneau
Le Conseil national des barreaux (CNB) s’est, lui aussi, montré très préoccupé par la loi, singulièrement par l’instauration d’un « dossier coffre » et la création d’un Parquet national antistupéfiants (PNAST).
Dans un communiqué, le CNB déplore une atteinte directe aux droits de la défense : « La proposition de loi introduit une série de mesures particulièrement contestées, telles que la création d’un Parquet national antistupéfiants (PNAST), la spécialisation des juges de l’application des peines, et surtout l’instauration d’un dossier coffre. Ce dernier permettrait de soustraire certaines informations sensibles du débat contradictoire, limitant ainsi l’accès des avocats aux éléments d’enquête. Le CNB dénonce une atteinte au principe du contradictoire, pilier du procès équitable, qui pourrait fragiliser les droits de la défense ».
Un point est venu cristalliser les tensions. Lors des débats, aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, plusieurs parlementaires avaient jeté le discrédit sur les avocats, laissant lourdement sous-entendre qu’ils étaient des complices des narcotrafiquants. La déclaration du CNB souligne « les avocats ne sont pas des facilitateurs d’activités criminelles, comme semble l’insinuer l’esprit de cette proposition de loi. Bien au contraire, ils sont les garants des libertés individuelles et des droits de la défense, un rôle central qui se voit ici menacé ».
Une proposition de loi, sans garde-fous
Contrairement aux projets de loi, les propositions de loi ne sont pas soumises à une étude d’impact, ni à l’avis du Conseil d’État, ni à celui de la CNIL lorsqu’elles touchent à des données personnelles. Ce texte a donc échappé à tout contrôle institutionnel extérieur avant son adoption.
C’est désormais au Conseil constitutionnel qu’il reviendra de se prononcer sur la conformité de ce texte aux principes fondamentaux de l’État de droit, après la réunion de la commission mixte paritaire.
La proposition de loi a été adoptée avec 436 voix pour et 75 voix contre, de même que la proposition de loi organique.
Le détail du scrutin sera disponible sur ce lien dans les prochaines minutes.