Le rapport d’enquête sur les établissements scolaires, en lien avec l’affaire Bétharram, montre que l’État ne sait pas protéger les enfants.
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Affaire Bétharram : le rapport qui montre que l’État est incapable de protéger les enfants

Le rapport d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires a été mis en ligne le 2 juillet 2025. Fruit du travail de Paul Vannier et Violette Spillebout, il s’inscrit dans le sillage des révélations de nos confrères de Mediapart sur l’établissement de Bétharram.

Si la première partie s’arrête longuement sur cet établissement scolaire, d’autres cas sont également évoqués, tous ayant été documentés par la presse avant de tomber dans l’oubli. On dit souvent que la parole s’est libérée avec #MeToo ; en réalité, les victimes n’ont jamais cessé de parler : il n’y avait personne pour les écouter.

Des actes de barbarie dans des écoles

La première partie du rapport est humainement difficile à lire, car les actes mis en lumière ne sont pas de « simples » violences éducatives ordinaires.

On retrouve des gifles, des coups de poing, des coups de règle, de nerfs-de-bœuf, mais aussi des actes que l’on peut qualifier de torture ou de barbarie.

« Il y en a où c’étaient des viols pas violents, c’est débile de parler comme ça mais il y en a d’autres… quand vous avez les mains attachées dans le dos, une ceinture autour du cou et les pieds enchaînés à un tuyau, c’est autre chose. »

Un État défaillant et une omerta généralisée

Pour les rapporteurs, l’État est défaillant dans son contrôle des établissements scolaires privés sous contrat. Les différents témoignages qu’ils ont récoltés ne font que le démontrer : violences, viols, encouragement au harcèlement par d’autres enfants, etc. Les instances religieuses, en particulier catholiques, ont cultivé l’omerta qui régnait dans ces établissements, tout comme les associations de parents d’élèves et les professeurs.

Les rares personnes qui se sont rebellées ont été licenciées, certaines physiquement agressées, comme Mme Gullung : « J’ai vu le surveillant général effectuer un geste et le ballon a été lancé dans ma direction. Le groupe d’adolescents l’a immédiatement suivi. Ils m’ont violemment percutée, je suis tombée au sol, bousculée, écorchée de toutes parts. Je saignais, j’avais mal au visage, et personne ne s’est approché pour m’aider ou simplement me porter assistance. J’ai conduit seule jusqu’à l’hôpital de Pau, situé à environ trente-cinq kilomètres. Après des examens radiologiques, le diagnostic a révélé plusieurs fractures de la face […]. Par la suite, j’étais invectivée dès que je traversais la cour, ma voiture a été endommagée et je recevais des appels téléphoniques menaçants à mon domicile. »

Car, si les professeurs dans le public sont gérés par l’Éducation nationale, dans le privé, ce sont les établissements qui gèrent en direct : parler, c’est aussi risquer de perdre son emploi.

Des enfants ciblés en raison de leur classe sociale, à Bétharram et ailleurs

Un véritable système s’est construit, notamment à Bétharram, mais aussi dans d’autres écoles, comme Notre-Dame de Garaison :
« certains critères protégeaient de la violence :
« – le fait d’être fils de notable, de riche commerçant, d’industriel, d’une personnalité politique et donateur financier à Garaison (en plus du prix de la pension) ;
« – le fait d’avoir des parents plus présents, qui venaient aux réunions de parents d’élèves, qui n’hésitaient pas à contacter l’institution ;
« – le fait d’être impliqué dans le rugby, ce qui donnait une aura de virile considération
».

Cette description revient à plusieurs reprises dans le rapport : des enfants dont on sait qu’ils n’ont pas les moyens de se défendre deviennent des victimes toutes trouvées pour les prédateurs de ces institutions scolaires.

Le système mis en place incite les autres enfants à participer, comme le montre un témoignage au sujet de Sainte-Croix-des-Neiges : « un couvert tombé par terre au réfectoire était un couvert confisqué, à charge de finir le repas avec les doigts ou les dents, comme un animal, celui qui prêtait sa fourchette ou son couteau était puni lui aussi ».

C’est Ayda Hadizadeh, députée du groupe socialiste, qui résume le mieux la situation : « Ce qui transparaît de Bétharram et des autres affaires, c’est une culture du laxisme, de la lâcheté et du conformisme. On préfère protéger une réputation, celle d’une école, d’une Église, de notables, avant de protéger les enfants ».

Une proposition de loi à venir avec une défense gouvernementale incertaine

Le rapport porte cinquante recommandations, et les rapporteurs ont indiqué qu’une proposition de loi visant à les traduire législativement serait déposée.

À ce stade, l’inconnu reste la date de ce dépôt, tant les recommandations sont nombreuses et denses. Reste aussi à savoir si le gouvernement, actuellement dirigé par François Bayrou — directement mis en cause dans l’affaire de Bétharram — acceptera de la faire passer en procédure accélérée pour éviter qu’elle ne prenne la poussière dans un placard.

François Bayrou, à la suite de son audition chaotique, avait promis de mettre en ligne des preuves de sa bonne foi. Il a surtout montré qu’il ne savait pas gérer cette crise.

Paul Vannier souhaite lancer des poursuites à l’encontre du Premier ministre, cette demande a été refusée par la Présidente de l’Assemblée nationale.

Depuis l’ouverture de la XVIIᵉ législature, les commissions d’enquête se sont multipliées, en raison de la fragmentation croissante des groupes parlementaires. Cette commission d’enquête, créée au sein de la commission des affaires culturelles, a redonné une certaine crédibilité à un outil qui avait été politiquement dévoyé ces derniers mois. Elle a permis d’associer deux parlementaires que tout oppose, et qui ont mené, en trois mois, un travail d’enquête que l’État n’a pas fait en cinquante ans.

Le rapport est disponible ici.