Ritchy Thibault, collaborateur parlementaire d’Ersilia Soudais a déposé plainte contre Bruno Retailleau pour dénonciation calomnieuse. Copyright : AFP / Julien de Rosa
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Bruno Retailleau visé par une plainte pour dénonciation calomnieuse

L’actuel ministre de l’Intérieur – reconduit à son poste hier soir – s’est surtout distingué par sa capacité à saisir la justice contre le personnel politique depuis qu’il a fait son entrée à la place Beauvau.

Un ministre très attentif sur les réseaux sociaux

En septembre 2024, il avait saisi le parquet au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale, contre Raphaël Arnault. Motif : un tweet du député du Vaucluse, membre de LFI, sur l’« assassinat de Kanaks par les forces policières » en Nouvelle-Calédonie.

Puis, en octobre 2024, il avait déposé plainte pour injure publique à l’encontre de l’administration publique contre Ritchy Thibault. Ce dernier avait tweeté « La collaboration entre les enfants de Pétain de la police nationale et les torchons de Bolloré est logique. Rien d’étonnant dans le fait d’être fiché par un régime en cours de fascisation », en commentaire d’un article d’Europe 1, portant sur sa personne.

L’article en question n’est plus disponible sur le site d’Europe 1 mais, le message sur X (anciennement Twitter) est toujours en ligne et mentionne « INFO EUROPE 1 – Dans le viseur de la justice, Ritchy Thibault, attaché parlementaire d’Ersilia Soudais, inscrit dans au moins deux fichiers de police ». Le JDD en a repris les grandes lignes.

Ayant décidément beaucoup de temps libre, Bruno Retailleau avait indiqué – toujours sur X – « Je ne tolèrerai aucune insulte contre les forces de l’ordre. Ceux qui mettent des cibles dans le dos de nos policiers et de nos gendarmes doivent en répondre devant les tribunaux ».

Une violation du secret des fichiers de police qui aboutit à une interdiction de paraître à l’Assemblée nationale

Est-ce cette violation du secret des fichiers de police, qui a abouti à l’exclusion de Ritchy Thibault de l’Assemblée nationale ? En effet, quelques jours après, on apprenait qu’il lui était interdit de se rendre dans l’enceinte du Palais Bourbon. Cette nouvelle avait provoqué un certain émoi à la CGT-CP, qui dénonçait le caractère inédit de cette décision.

Il est loisible de penser que c’est cette violation du secret qui a mené à l’exclusion de Ritchy Thibault. Son employeur, Ersilia Soudais, ne l’a pas licencié et affiche son soutien à son collaborateur parlementaire.

Nouveau rebondissement dans cette affaire en cette veille de Noël : c’est Ritchy Thibault qui dépose plainte contre Bruno Retailleau pour dénonciation calomnieuse devant la Cour de Justice de la République (CJR).

Deux affaires en une

Pourquoi une plainte auprès de la CJR et non devant une juridiction ordinaire ? D’après l’AFP, qui a pu consulter la plainte, c’est la seule juridiction qui est habilitée à poursuivre les membres du Gouvernement pour infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions.

Pour les avocats de Ritchy Thibault, l’affirmation de ce dernier est « tout simplement véridique ».

Quant à son interdiction de venir à l’Assemblée nationale, il entend bien la combattre également. Il a indiqué sur le réseau social X qu’il déposait par ailleurs un recours contre la décision de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, devant le Tribunal Administratif.

Au-delà du cas personnel de Ritchy Thibault, le cas juridique est intéressant. L’interdiction de paraître à l’Assemblée nationale pour un collaborateur parlementaire, qui n’est pas un fonctionnaire, est-elle un acte administratif ou parlementaire ? La revue générale du droit apporte un éclairage « Ces derniers actes, qui sont sans lien aucun avec les fonctions constitutionnelles des assemblées, ont la particularité d’être, sur le plan matériel, purement administratifs, car ils sont détachables des fonctions constitutionnelles du Parlement ».

Dit autrement, les juges administratifs vont devoir regarder quelle est la nature de l’acte et en fonction de la qualification retenue – administrative ou parlementaire – ils pourront examiner le reste du dossier, à savoir l’interdiction de paraître pour un collaborateur parlementaire. La revue générale du droit conclut son article en indiquant que le Conseil d’État n’a pas de lecture automatique des cas, mais semble juger au cas par cas. On ne peut donc pas anticiper la décision du tribunal administratif.

Quant à la plainte devant la CJR, elle peut être consultée sur le compte X de Ritchy Thibault, ce dernier l’ayant mise en ligne.