Budget 2026 : l’optimisme des députés sur les superdividendes
Les députés ont laborieusement examiné une centaine d’amendements ce mercredi 29 octobre 2025. Si certains adoptés précédemment avaient bien creusé le trou dans la caisse, ceux de la dernière journée ont permis de la renflouer.
Néanmoins, il n’est pas impossible qu’ils aient été trop optimistes. Explications.
La taxation des superdividendes : un signal de justice sociale
L’amendement 2392 du président de la commission des finances, Éric Coquerel a été adopté. Son objectif est assez simple : taxer les grandes entreprises sur les dividendes records qu’elles ont pu réaliser au moment de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine.
D’après les signataires de l’amendement — en l’occurrence, l’ensemble du groupe de La France Insoumise — les actionnaires du CAC 40 auraient perçu « près de 100 milliards d’euros en dividendes et rachat d’actions ».
Plus précisément, selon nos confrères de BFM Bourse, en 2024, les groupes du CAC 40 ont rendu plus de 98 milliards à leurs actionnaires.
Afin de rétablir une forme de justice fiscale, les députés souhaitent taxer ces superdividendes, en portant leur contribution exceptionnelle entre 20 % et 33 % selon les cas. L’amendement n’indique pas dans son exposé des motifs le montant espéré. Les députés ont adopté l’amendement.
Néanmoins, il existe un risque juridique.
Le risque juridique de la taxation des superdividendes
Il faut remonter en arrière et se pencher sur la décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017 Société Layher SAS du Conseil constitutionnel.
Un dividende n’est pas un profit en tant que tel, c’est un revenu distribué. Le projet de loi de finances rectificative pour 2012 proposait dans son article 6 une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés de 3 %, au titre des montants distribués.
Une entreprise avait porté l’affaire devant la justice. S’il est possible de taxer les superdividendes, cela doit répondre à certains critères objectifs et surtout, il ne doit pas y avoir de doubles impositions.
Il n’y a pas non plus de clause de neutralisation afin de rendre le texte conforme au droit de l’Union européenne. Dès lors, comme sa rédaction n’est pas optimale, il est possible qu’il soit retiré par les sénateurs lors de la navette parlementaire.
Le risque financier de la taxation des superdividendes
Dans l’hypothèse dans laquelle l’amendement 2392 survivrait à la navette parlementaire et échapperait à l’attention du Conseil constitutionnel lors de son examen, avant la promulgation du projet de loi de finances pour 2026, au Journal officiel, il reste un gros risque.
En effet, la plupart des entreprises qui sont ciblées par cet amendement disposent d’équipes juridiques, qui porteront l’affaire devant les différentes juridictions, comme ce fut le cas en 2017.
Quelle a été la conséquence ? Il faudra rembourser les entreprises. C’est ce qu’expliquent nos confrères d’Actu-Juridique qui ont décortiqué méthodiquement le cas. Combien cela a-t-il coûté aux finances publiques ? D’après Joël Giraud, ancien rapporteur général du budget durant la XVe législature, dans son rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2017, cela a pesé pour 10 milliards, pour une contribution de 3 %.
De fait, une contribution, qui ne devait cibler qu’une toute petite partie des contribuables les plus aisés, en l’occurrence, les entreprises les plus aisées, a fini par peser sur l’ensemble des contribuables, car cela fut absorbé dans le déficit public. Par la suite, une loi est venue corriger le tir, en créant des contributions exceptionnelles, cette fois-ci, juridiquement plus solide.
L’amendement Coquerel part d’une bonne intention : rectifier une situation, au nom de la justice fiscale et sociale. Mais, le risque juridique semble assez important, sans même parler du rendement qui n’est pas estimé.
La libération de la taxe Zucman
S’il y a bien une question que la moitié des internautes de France et de Navarre ont posé depuis vendredi dernier, c’est bien celle de savoir quand la taxe Zucman allait enfin arriver en séance publique.
Ce sont nos confrères de l’Opinion qui ont eu l’information, avant les députés. Alors que les députés en sont toujours aux amendements après article 12, la discussion s’arrête sur cette section du texte. Dès vendredi 31 octobre 2025, à 9 h, les députés vont entamer l’examen de l’article 3 et donc des amendements qui vont avec, dont l’amendement socialiste sur une taxe Zucman allégée.
Pourquoi ne pas débuter jeudi ? Tout simplement parce que le jeudi 30 octobre 2025 est la journée d’initiative parlementaire — les fameuses niches parlementaires — du groupe Rassemblement National. Les dates sont arrêtées très longtemps en avance, il n’était pas possible de la bouger, sans casser tout le calendrier.
À la levée de séance à minuit, il restait 2528 amendements en discussion.
