Budget 2026 : coup de rabot pour le Dutreil, bricolage sur les successions et suppression de la fiscalisation des indemnités journalières
Chose rare, les députés ont siégé toute la journée du lundi 3 novembre 2025, pour essayer d’avancer sur le budget 2026. Mais, comme vendredi 31 octobre 2025, les débats se sont enlisés dans des considérations politiques, notamment autour du Dutreil.
En effet, quoiqu’en disent les députés, qui nous ont gratifiés de bavardages à rallonge, le cœur des amendements à après article 3 ne concernait pas la majorité des Français. Ce qui les a occupés durant deux jours entiers de séance ? L’héritage et le pacte Dutreil, le tout enrobé dans un discours de justice fiscale et sociale.
Débats perpétuels
Avant la suspension pour le dîner, les dés étaient jetés : le régime du pacte Dutreil est durci, les règles sur les donations et successions sont ajustées, tandis que des dispositifs en faveur du logement et des start-up sont prolongés ou élargis.
Il convient de rappeler deux éléments essentiels : le Dutreil, comme l’héritage, comme le CIR sont des débats qui reviennent dans tous les débats budgétaires depuis au moins 10 ans. Pour qui suit les débats budgétaires pour la première fois, cela peut être passionnant.
Au bout de la quatrième fois, cela devient lassant d’autant que, comme l’a rappelé la ministre des comptes publics, ces débats ne peuvent être réglés par amendements. Il s’agit d’un véritable politique, qui doit s’inscrire dans une élection présidentielle.
En attendant 2027, voici ce qui a été voté.
Le rabot du Dutreil
Le pacte Dutreil, qui permet une exonération de 75 % des droits de mutation lors d’une transmission d’entreprise familiale, a été revu sur plusieurs points. Désormais, l’allègement fiscal ne concernera plus que la fraction correspondant à l’activité réellement opérationnelle de l’entreprise.
Les biens de gestion ou les actifs personnels logés dans des holdings ne pourront plus en bénéficier. La durée minimale de conservation des titres passe de quatre à six ans, et un critère d’âge a été introduit : au moins un des bénéficiaires devra avoir entre dix-huit et soixante ans. Ces précisions, soutenues par plusieurs groupes, visent à recentrer le dispositif sur la transmission d’entreprises actives et à éviter les montages purement patrimoniaux.
Plusieurs députés ont souligné que ce dispositif était battu en brèche par la Cour des comptes, mais le rapport en question n’est pas encore disponible. Car, si les députés se sont acharnés sur ce dispositif fiscal, c’est qu’il coûte cher. Or, il faut trouver des recettes, pour combler les trous.
Retouche de la fiscalité successorale
La fiscalité successorale a également été retouchée.
Le don familial exonéré est recentré sur l’achat ou la construction d’une résidence principale, avec obligation pour le bénéficiaire d’y habiter pendant cinq ans.
Un sous-amendement adopté maintient la possibilité d’utiliser ces dons pour financer des travaux de rénovation énergétique. En parallèle, une mesure ponctuelle ouvre la possibilité de transmettre un contrat d’assurance-vie avant décès, en bénéficiant du même abattement fiscal qu’en cas de succession, pour les primes versées avant 70 ans et avant octobre 2025.
Enfin, une disposition a rendu déductible des droits de succession l’indemnisation versée aux anciens supplétifs de l’armée française, les harkis. Ce fut introduit par le RN et voté contre l’avis de la commission et du gouvernement.
Ajustements divers
Du côté des mesures plus économiques, plusieurs dispositifs ont été prolongés.
L’exonération de plus-value sur les ventes à des bailleurs sociaux (article 150 U) est reconduite jusqu’à fin 2027, tout comme l’abattement exceptionnel de 85 % pour les cessions à des promoteurs construisant des logements sociaux.
Le régime des BSPCE, les bons attribués aux salariés de start-up, est assoupli : l’âge maximal de l’entreprise émettrice passe de 15 à 20 ans, le seuil minimal de détention par des personnes physiques est abaissé de 25 % à 15 %, et les sous-filiales détenues à 85 % pourront en bénéficier. Les salariés pourront aussi reporter l’imposition de leurs gains en cas d’échanges de titres, dans la limite de dix ans.
D’autres ajustements complètent le tableau : le plafond de déduction pour l’épargne retraite (PER) pourra désormais être reporté sur cinq ans au lieu de trois, et le régime de l’exit tax est durci : un contribuable qui transfère son domicile fiscal à l’étranger devra conserver ses titres quinze ans pour éviter l’imposition immédiate de la plus-value latente.
À l’issue de la journée, le fil rouge des discussions est resté celui de la transmission : transmission d’entreprise, de patrimoine ou d’épargne. Mais, derrière ces débats, c’est essentiellement la fiscalité d’une petite partie des citoyens qui bénéficient d’une certaine aisance.
Suppression de la fiscalisation des indemnités journalières
C’est surtout l’article 5 qui était attendu avec une certaine angoisse par d’autres citoyens. Il prévoit de nettoyer certaines niches fiscales, notamment celles tombées en désuétude. Le diable se cachant dans les détails, c’est aussi cet article qui comportait la fiscalisation des indemnités journalières.
Dans un bel ensemble, les députés ont voté pour la suppression, mais, ce n’était pas à l’unanimité, comme le montre le scrutin public sur l’amendement 1374.
La niche fiscale maintenant la réduction d’impôt sur le revenu pour les familles ayant à charge des enfants scolarisés dans le secondaire ou le supérieur a été sauvée, tout comme certaines dispositions sur les exploitations agricoles.
L’article 5 a été voté in extremis à minuit, mais il reste plus de 2 000 amendements sur la première partie. Le vote n’aura donc pas lieu mardi 4 novembre 2025. Les députés démarrent immédiatement, après la séance de Questions au Gouvernement les débats sur le budget de la Sécurité sociale.
Quant au budget général, il est temporairement gelé et il faut toujours garder en mémoire que tout ce qui a été voté par les députés, peut être défait sans vergogne par les sénateurs.
