Les sanctions des députés

les sanctions
Les sanctions des députés en cas de mauvais comportement ou d'absentéisme

Article mis à jour le vendredi 4 novembre 2022 à 17 h et 18 h 50. 

N’allez pas croire que les députés peuvent faire tout ce qu’ils veulent à l’Assemblée Nationale. Les députés ont des droits, mais aussi des devoirs et lorsqu’ils ne respectent pas leurs obligations, ils encourent des sanctions.

Comme vous le savez, il existe un texte qui régit l’organisation de l’Assemblée Nationale : le fameux règlement de l’Assemblée Nationale. Il en existe également un au Sénat. Il impose des règles qui doivent être respectées par les élus et prévoit des sanctions en cas de manquement.

Globalement, on observe que ces sanctions concernent deux types de fautes :

  • Le mauvais comportement ;
  • L’absentéisme.

Dans les deux cas de figure, la sanction prend la forme d’une suspension partielle d’indemnités.

Les écarts de comportement

Il en existe quatre :

  • Le rappel à l’ordre ;
  • Le rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal ;
  • La censure ;
  • La censure avec exclusion temporaire.

Le rappel à l’ordre

Le rappel à l’ordre est une injonction du président de séance envers un député qui trouble la sérénité de la séance, par son comportement ou ses propos. C’est une sorte de premier avertissement qui n’entraîne pas de sanctions immédiates.

Le rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal

Le rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal est le deuxième avertissement. Le président de séance ne peut pas décréter immédiatement un rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal, il doit y avoir eu un premier avertissement. Contrairement au rappel à l’ordre simple, il entraîne de droit la privation pendant un mois d’un quart de l’indemnité parlementaire du député, soit environ 1331 € si le député a été élu pour la première fois en juin 2012 ou 1232 € si le député a été élu pour la première fois avant juin 2012.

Quels ont été les députés qui ont été sanctionnés ainsi ? Citons Philippe Le Ray pour son comportement sexiste envers la député Véronique Massonneau ou encore Julien Aubert pour son comportement sexiste envers la présidente de séance Sandrine Mazetier.

Sous la XVe législature, c'est le député François Ruffin qui a ouvert le bal des sanctions, en portant un maillot de football dans l'hémicycle. Le président de séance Hugues Renson lui avait adressé un premier rappel à l'ordre concernant ce maillot, lors de la séance du matin. Il avait remis son pull, mais à la séance de l'après-midi, il a récidivé, entraînant donc un rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal. 

La censure

La censure dite simple est le troisième échelon des sanctions. Si après avoir été rappelé à l’ordre par deux fois – donc avec inscription au procès-verbal – le député ne s’est toujours pas conformé aux injonctions du président de séance et provoque une scène tumultueuse, il encourt la censure. À notre connaissance, il n’y a pas de cas de censure sous la XIVe législature, mais cela aurait pu être le cas durant les débats sur la loi pour le mariage pour tous lorsqu’une bagarre a éclaté dans l’hémicycle. Néanmoins, en 1984, les députés D’Aubert, Madelin et Toubon en avaient été pour leur frais. La sanction est la suspension pendant un mois de la moitié de l’indemnité parlementaire, soit environ 2662 € si le député a été élu pour la première fois en juin 2012 ou 2464 € si le député a été élu pour la première fois avant juin 2012.

La censure avec exclusion temporaire

La censure avec exclusion temporaire est la sanction la plus grave. Elle est appliquée quand le député fait preuve d’un comportement violent, injurieux, provoquant, menaçant, etc. Elle entraîne l’interdiction de participer aux travaux de l’Assemblée Nationale, de venir au Palais Bourbon jusqu’à expiration du 15ᵉ jour de séance qui suit la sanction. Si le député refuse de se plier à la sanction, le délai est porté à 30 jours. Elle comporte également la privation de la moitié de l’indemnité parlementaire pendant deux mois. Le cas s’est présenté une seule fois sous la XIIIe législature avec le député Maxime Gremetz. Il démissionnera quelques mois plus tard. Au-delà de la privation d’indemnités, cela veut aussi dire que le député ne peut pas utiliser les moyens matériels de l’Assemblée Nationale ni assister aux réunions de son groupe.

Le second cas est celui de Grégoire de Fournas, sous la XVIe législature. En séance de questions au Gouvernement le jeudi 3 novembre 2022, pendant la question de son collègue Carlos Martens Bilongo, le député RN a hurlé "qu'il retourne en Afrique". La séance a été immédiatement suspendue. La présidente de l'Assemblée nationale a réuni le bureau de l'Assemblée nationale le lendemain. Après une réunion d'environ deux heures, le bureau a décidé d'appliquer la sanction la plus forte du Règlement de l'Assemblée nationale. La présidente a soumis la sanction au vote des députés. Ils ont voté par un assis/debout. À l'exception des députés du Rassemblement national, tous les députés ont voté pour la censure avec exclusion temporaire

Les recours

Les députés n'ont pas de voie de recours pour contester la décision de l'Assemblée nationale. Maxime Gremetz avait intenté une action, devant le Conseil d'État. "Considérant que le règlement de l'Assemblée nationale détermine les peines disciplinaires applicables aux membres de l'Assemblée [...] que le régime de sanction ainsi prévu par le règlement de l'Assemblée nationale fait partie du statut du parlementaire, dont les règles particulières découlent de la nature de ses fonctions ; que ce régime se rattache à l'exercice de la souveraineté nationale par les membres du Parlement ; qu'il en résulte qu'il n'appartient pas au juge administratif de connaître des litiges relatifs aux sanctions infligées par les organes d'une assemblée parlementaire aux membres de celle-ci". Sa demande a été rejetée : le juge administratif ne peut pas statuer sur des actes individuels pris par l'Assemblée nationale - ou le Sénat.   

Le juge judiciaire n'est pas non plus compétent. Reste l'échelon supérieur. Qui a déjà statué sur ce sujet. 

Les députés peuvent par ailleurs être sanctionnés en raison d’un manque d’assiduité.

L’absentéisme

Il existe deux hypothèses :

  • L’absentéisme en commission ;
  • L’absentéisme lors des votes solennels en séance publique.

Les absences en commission

Sauf cas particuliers, énumérés de façon assez restrictive dans l’article 42 alinéa 3 du règlement de l’Assemblée Nationale, la présence en commission est obligatoire, le mercredi matin, uniquement en session ordinaire, sur la base de l'article 50 alinéa 3. Si un député est absent plus de deux fois par mois en commission, il se verra supprimer 25 % de son indemnité de fonction. Ce sont les questeurs qui se chargent de ce travail de suivi. Dans les faits, les cas de sanction sont tellement restreints qu'il faut faire preuve d'une certaine paresse pour arriver à être sanctionné pour absentéisme. 

Les absences lors des votes solennels en séance publique

Il peut arriver que les députés ne puissent pas être présents lors des scrutins en séance publique. Ils doivent alors fournir une excuse écrite et motivée au Président de l’Assemblée Nationale. Pour autant, ils ne doivent pas avoir été absents plus d’un tiers des scrutins, sinon, un tiers de leur indemnité de fonction est retirée.

Si le député a été absent plus de la moitié des scrutins de la session, la retenue est doublée.

La question des sanctions pénales

Le comportement délictueux de certains députés en dehors de l’hémicycle peut engendrer des instructions et des poursuites pénales. L’opinion se pose alors une question : pourquoi X reste-t-il/elle député alors qu’il/elle :

  • A été condamné(e) ?
  • Ou qu’il/elle est poursuivi(e) ?

Sous la XIVe législature, c’est notamment le cas de Patrick Balkany, de Sylvie Andrieux, de Thomas Thévenoud – qui n’a pas été poursuivi, mais dont les étourderies ont fait que beaucoup de gens ont demandé sa démission – et beaucoup plus récemment de Denis Baupin.

Les députés disposent d’une immunité parlementaire, qui ne peut être levée que par le Bureau de l’Assemblée Nationale – sauf cas de flagrant délit – mais cette levée doit faire l’objet d’une autorisation, basée sur une demande sérieuse, reposant sur des faits constitutifs de crime ou de délit imputable au parlementaire et fondée sur la loyauté et la sincérité.

On ne peut pas renvoyer un député et dans le cas de Denis Baupin, à ce jour, il n’existe aucune procédure qui l’obligerait à présenter sa démission. Notons que le seul député qui a présenté sa démission suite à une affaire judiciaire sous la XIVe législature a été Jérôme Cahuzac. Quant à Sylvie Andrieux, son affaire est en cours d’examen devant la Cour de Cassation, ce qui explique pourquoi elle n’est pas incarcérée.

Catégorie: 
Assemblée nationale

Commentaires

Bonjour,

J'aimerai savoir ce que vous appelez un mauvais comportement ?
Pour ma part, outre les évidences, comme voler l'argent public, le dépenser mal à propos, l'absentéisme, est-ce que par exemple, donner son avis sans rien connaitre du dossiers, parler par pur esprit de contradiction, faire usage des procédures pour bloquer le système, etc. ces comportements sont-ils perçus comme mauvais ou comme vertueux, car dans toute réunion de travail "ordinaire", il serait perçu comme "négatif" et nuisant à l'esprit d'efficacité et d'une démocratie qui se veut éthique.

Pouvez-vous m'informer des mauvais comportements que vous avez sanctionnés jusqu'à présent ?
D'avance je vous remercie.
Bien cordialement.
René Guichardan.

Bonjour, 

vous me confondez avec l'AN ou le Sénat : je ne sanctionne personne.

Quant aux sanctions prononcées par les chambres, elles sont dans les comptes-rendus des bureaux. 

Quelle sanction est applicable à un député qui ne répond pas à un citoyen qui lui soumet un texte en vue de faire évoluer la loi?

Aucune.

A priori, il n'y a pas de preuve, seulement des soupçons, et des accusations d'intérêt politique... Quoi que l'on en pense, ce député peut-il être sanctionné ? Si oui peut-il déposer un recours ou une plainte en justice par rapport à cette sanction ?

Bonjour, 

vous faites vraisemblablement référence à Grégoire de Fournas. La preuve a été faite : il peut être sanctionné et il a été sanctionné. Non, il ne peut pas faire de recours. 

Bonjour, qui était le précédent (et unique d’après mes informations) député exclu de l’AN ? Et pour quel motif ?

Bonjour, 

c'est écrit dans l'article :D