Yann Barthès devant la commission d'enquête TNT - Copyright AFP / Arthur N. Orchard et Hans Lucas
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Commission d’enquête TNT : les journalistes seraient-ils au-dessus de la loi ?

La commission d’enquête sur la TNT n’a pas fini de faire parler d’elle et ce mercredi 27 mars 2024, c’était au tour d’une partie de l’équipe de Quotidien d’être auditionnée par les députés membres de cette commission. 

Si Yann Barthès et les autres ont été auditionnés, cela provient de la demande des députés du Rassemblement National. Pour eux, dans la mesure où Cyril Hanouna avait été auditionné, il n’y avait aucune raison de ne pas poser les mêmes questions à Yann Barthès. Mais, cette demande n’aurait pas pu être satisfaite si le président n’avait pas donné son accord. D’après nos informations, il n’y a pas eu d’opposition frontale à ce que Yann Barthès soit auditionné. 

Le raisonnement se tient d’autant que si les sanctions, mises en demeure, interpellations de l’ARCOM pour l’émission de Cyril Hanouna sont connues du grand public, Quotidien n’est pas exempt de remarques. Ainsi, les députés sont revenus sur plusieurs séquences qu’ils ont estimées problématiques. Elles n’ont pas systématiquement fait l’objet de saisine de l’ARCOM. En effet, si on compare à l’émission emblématique d’Hanouna, Quotidien n’a fait l’objet que de trois saisines par des plaignants. « Touche pas à mon poste ! » a fait l’objet de 56 décisions de l’ARCOM selon un relevé des décisions*.

Faut-il y voir un effet « réseaux sociaux » ? Cyril Hanouna se vante de ses bons chiffres et il est vrai que son émission apparaît fréquemment sur les réseaux sociaux. Même les personnes qui ne regardent pas l’émission sont confrontées aux contenus. Dans cette masse, il y a certainement des personnes qui font des saisines de l’ARCOM. 

Quotidien n’est plus actif sur X (anciennement Twitter) depuis le rachat par Elon Musk.

Il est évident que les députés du Rassemblement National avaient un compte à régler avec Quotidien, car l’émission se vante de ne jamais inviter sur son plateau des membres de ce parti. Néanmoins, pour respecter le pluralisme, les équipes procèdent à des interviews et diffusent des pastilles vidéo. Ainsi, ils sont en conformité avec les règles de l’ARCOM. Les personnes auditionnées ont répondu que si elles n’invitaient pas en plateau les membres du Rassemblement National, cela se justifiait à la fois par les refus d’accréditation à couvrir des évènements, mais aussi par les violences subies par les journalistes de l’émission.

L’occasion était trop belle pour Sébastien Chenu qui a demandé si l’équipe pouvait produire des jugements et des condamnations de ces violences. Or, il apparaît qu’aucune plainte n’a jamais été déposée. « On considère que le pouvoir que l’on a de montrer ce qui se passe […] était suffisant ». 

De l’extérieur, il a pu sembler curieux que le président de la commission d’enquête, Quentin Bataillon ait accédé à la demande des députés de l’extrême-droite. De l’intérieur, les choses sont plus explicites. Car, quiconque a regardé la séance a pu observer que Yann Barthès n’était pas content d’être auditionné. On ne peut pas refuser une convocation devant une commission d’enquête parlementaire et, faut-il le rappeler : les personnes auditionnées n’ont pas à interpeller ou à questionner les députés. Elles sont là pour répondre aux questions, pas pour en poser. Quentin Bataillon a dû le rappeler durant la séance.

L’exercice est difficile quand on est une star du petit écran, habitué à donner le ton sur un plateau de télévision. Yann Barthès a eu des difficultés à garder son sang-froid. Contrairement à ce qu’on aurait pu croire, les flèches ne sont pas venues uniquement du Rassemblement National. Si les députés peuvent avoir une sympathie pour l’émission ou l’animateur, cela ne s’est pas ressenti. Il n’en reste pas moins qu’on a bien compris que répondre à la représentation nationale n’était pas du goût de Yann Barthès. 

Capturé entre deux portes à l’Assemblée nationale**, on a brutalement posé la question à Aurélien Saintoul, rapporteur de la commission d’enquête : les journalistes sont-ils au-dessus des lois ? 

Pour lui, les journalistes sont dans une situation paradoxale. En tant que journalistes, ils ont pour mission de protéger le secret des sources, ce qui fait qu’ils ne peuvent pas toujours répondre librement aux questions qui leur sont posées. Mais, ils sont aussi dans une situation de domination : ils font la notoriété, en particulier des élus, et leur donnent un accès au public. Ce sont des ressources qui aident pendant un mandat et ce sont les médias qui en détiennent la clef. Ce faisant, ils ont aussi un sentiment de toute puissance et peuvent prendre certaines libertés, que ne prendraient pas d’autres personnes.

Insidieusement, en auditionnant Yann Barthès et une partie de son équipe, les députés ont voulu rappeler un principe assez simple : les journalistes ne sont pas au-dessus des lois, même si cela leur déplaît.


* Une capture de l’ensemble des décisions de l’ARCOM, allant du 29 décembre 2021 au 26 mars 2024 a été faite le mercredi 27 mars 2024.


** Aucun collaborateur ni député n’a été maltraité lors de cet échange.