Accident mortel à La Rochelle : vers un nouveau débat sur le permis de conduire à vie ?

Le tragique accident survenu à La Rochelle cette semaine pourrait relancer un débat explosif en France : la remise en cause du permis de conduire à vie.
Le tragique accident survenu à La Rochelle cette semaine pourrait relancer un débat explosif en France : la remise en cause du permis de conduire à vie.

Ce mercredi 5 juin 2024, une octogénaire, roulant à contresens, a percuté un groupe d’une douzaine d’enfants. Une petite fille est en état de mort cérébrale. L’octogénaire a été hospitalisée en psychiatrie. Ce tragique accident pourrait faire ressurgir un débat très tendu en France : la remise en cause du permis de conduire à vie. 

En effet, en France, à moins d’avoir commis des infractions, le permis de conduire est délivré à vie. Il est soumis à un renouvellement administratif, mais le fait d’en être titulaire n’est pas remis en cause. Ce n’est pas le cas dans tous les pays. 

En Italie, le conducteur est soumis à un examen médical à chaque renouvellement, dont la fréquence dépend de l’âge. Aux Pays-Bas, un examen médical est obligatoire à partir de 70 ans. En Irlande, c’est un certificat d’aptitude médical qui est exigé lors du renouvellement à partir de 70 ans

Au niveau de l’Union européenne, une tentative d’harmonisation de la législation avait été faite en février 2024. Objectif : imposer un contrôle médical obligatoire tous les quinze ans pour tous les détenteurs du permis du conduire, ramené à tous les cinq ans pour les plus de 70 ans. Cela s’est soldé par un échec. 

Le lobby des conducteurs est assez puissant en France et l’idée d’obliger un examen médical ne rencontre pas de succès. Certains avancent une entrave à la liberté d’aller et de venir. D’autres sont plus pragmatiques : vivant dans des territoires enclavés, sans moyens de transports en commun, ils risqueraient de se retrouver coupés des services publics, notamment des services médicaux. 

Sous la XVe législature, la député Virginie Duby-Muller avait déposé une proposition de loi visant à mettre en place une visite médicale de contrôle à la conduite systématique pour les conducteurs de soixante-dix ans et plus. Elle n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour. 

Plus récemment, c’est le député Bruno Millienne qui a déposé un texte similaire : mettre en place une visite médicale de contrôle à la conduite pour les conducteurs de soixante‑quinze ans et plus. Lui non plus n’a pas été inscrit à l’ordre. Néanmoins, les parlementaires adorant les faits d’actualité, il n’est pas impossible que cette proposition de loi atterrisse dans l’ordre du jour de la commission des lois. 

Comme l’ont fait remarquer quelques internautes facétieux, en France, on demande des certificats médicaux pour jouer aux échecs dans des clubs — où le danger physique est a priori inexistant — mais on n’impose pas de bilan médical pour la conduite. 

Au Sénat, Yves Détraigne avait, lui aussi, déposé un texte en 2013, visant à instituer une évaluation médicale à la conduite pour les conducteurs de 70 ans et plus. Contrairement à ses homologues du Palais Bourbon, il avait réussi à franchir le cap de l’ordre du jour et son texte avait été examiné en commission des lois. Les sénateurs — probablement vexés par le sujet — avaient argué qu’ils n’étaient pas question d’âge, mais d’état de santé et que le texte était discriminatoire. Pierre-Yves Collombat l’a avoué « Je félicite M. Détraigne pour son talent de provocateur. Nous sommes plusieurs à être personnellement menacés par une telle mesure, il y a conflit d’intérêt ! » Curieusement, aucun sénateur n’a proposé d’enjoindre à tous les conducteurs, à partir de la date d’obtention du permis de conduire, un test d’aptitude obligatoire, tous les cinq ou dix ans, ce qui aurait permis de contourner le problème. Le texte a été rejeté en commission et renvoyé en commission lors de son examen en séance publique. Depuis, il dort paisiblement dans les tiroirs. 

Reste à savoir si les parlementaires auront envie de ressortir ce dossier. Car, s’il existe un électorat vivace, c’est bien celui des retraités et si les cotisations sociales des indépendants ont augmenté grâce au décret du 30 mai 2024, que la réforme des retraites a prolongé le nombre d’années au travail des actifs et que l’indexation des traitements de la fonction publique est restée sous le seuil de l’inflation, les pensions des retraités ont bien été réévaluées

Le Gouvernement pourrait lui aussi s’emparer du dossier, histoire de ne pas donner l’impression de trembler devant son électorat fétiche.