Budget 2025 : les priorités des députés
Chaque année, les parlementaires planchent sur le projet de loi de finances pour l’année à venir (PLF). Le Gouvernement ayant enfin remis son texte, les députés ont pu déposer leurs amendements, pour un examen en commission qui va démarrer ce mercredi 16 octobre 2024.
Qu’est-ce qu’un PLF ?
Un PLF est un document législatif – une loi – qui va régler les dépenses et les recettes de l’État, dans son ensemble : les organes centraux de l’État, les collectivités locales (communes, départements, régionaux), etc. Pour fonctionner, l’État a besoin d’argent. Il doit lever des impôts, des taxes, des contributions. Les termes varient en fonction de leur réalité, mais, à la fin, cela signifie que le contribuable doit donner de l’argent, de manière directe ou indirecte.
Un PLF dit tout des priorités d’un Gouvernement et des parlementaires.
Le PLF : le texte magique pour les parlementaires
Dans le PLF 2025, selon la liasse disponible en open-data, il y aurait 1748 amendements en discussion pour la séance en commission. Dans le formulaire de recherche du site de l’Assemblée nationale, il y en a 1780. Est-ce beaucoup ? Oui. On peut estimer qu’il y aura entre 3 500 et 4 000 amendements pour la discussion en séance publique.
Pourquoi ? Tout simplement parce que le budget est le moment de l’année où les députés peuvent faire preuve de fantaisie budgétaire. En effet, en vertu de l’article 40 de la Constitution, les parlementaires (députés et sénateurs) n’ont pas le droit de créer de nouvelles taxes ou de nouvelles dépenses. Il y a quelques exceptions, mais nous nous bornons au cas général ici.
Donc, ils se « réservent » pour le PLF. Par ailleurs, chaque député est libre de déposer autant d’amendements qu’il le souhaite avec ou sans ses camarades de groupe. Certains ont joué cavalier seul. Cela donne une liasse d’amendements en PDF de 3 415 pages, à lire au coin du feu.
Les grands axes des députés
Certaines thématiques sont très fréquemment revenues. En premier lieu : le logement. Aussi bien les groupes de gauche que de droite ont déposé beaucoup d’amendements visant à faciliter l’accession à la propriété, notamment pour les primo-accédants, à alourdir la fiscalité sur les meublés touristiques (type AirBnB) ou à prolonger le dispositif dit Pinel, qui prévoit un prêt à taux zéro dans certains cas.
Il est d’ailleurs très amusant de lire des députés de droite, déplorer la fin programmée du Pinel, vouloir le prolonger et même l’étendre à tous les primo-accédants. Sylvia Pinel, qui a donc donné son nom à ce dispositif, était ministre du Logement sous les Gouvernements Vall 1 et 2. Donc, à peu près socialiste.
Du côté de la gauche, de nombreux amendements portent sur une taxation plus sévère du capital et du patrimoine immobilier qui ne seraient pas « injectés » dans le quotidien, ainsi que sur la spéculation.
À droite, on tente de sauver le pacte Loi Dutreil et d’exonérer au maximum les héritages. Beaucoup d’amendements, qu’on peut qualifier de transpartisan, dans la mesure où on les retrouve dans tous les groupes, portent sur la fiscalité des collectivités territoriales. Il y a un front uni pour sauver les ressources des collectivités locales. Là encore, c’est amusant quand on pense que les députés sont souvent taxés d’hors-sol parce que le cumul maire-député est désormais interdit.
Les clivages politiques ressurgissent néanmoins : le groupe écologiste porte plusieurs amendements sur la cause animale, le groupe EPR tient à sauvegarder le dispositif jeune entreprise innovante, etc.
Mais, il y a aussi ce qu’on pourrait appeler des perles dans cette liasse d’amendements.
Les perles du PLF 2025
Éric Ciotti n’aime pas les intermittents du spectacle alors qu’il a assuré des intermèdes comiques lorsqu’il a joué les zadistes au siège des Républicains.
Jean-Philippe Tanguy, lui, n’aime ni les conseillers régionaux, ni les journalistes.
Plusieurs députés ont proposé d’exclure du champ de l’exonération fiscale des associations, dont les adhérents auraient commis des actions répréhensibles. À la droite républicaine, cela concerne les associations visant les pratiques de l’agroalimentaire.
Fabien Di Filippo propose la même chose pour les associations « dont les adhérents sont reconnus coupables d’actes visant à aider des personnes présentes illégalement sur le territoire français et faisant l’objet de mesures administratives d’éloignement à s’y maintenir ».
On s’était moqué d’Olivier Marleix, mais, son idée d’exonération fiscale a fait du chemin et se retrouve dans un amendement visant à exonérer complètement les primes versées par l’État, aux athlètes français.
Philippe Lottiaux a manifestement pris des conseils auprès de François Fillon : il propose de retirer de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière, les bâtiments classés ou inscrits. En somme, on exonère d’impôt sur la fortune, les propriétaires de châteaux.
Dans la catégorie des perles, qui risquent de valoir au groupe écologiste beaucoup de rancœur, on note l’amendement qui propose la suppression de la réduction fiscale accordée aux dons aux partis politiques et aux campagnes électorales.
Les députés Horizons ont lâché une petite bombe à fragmentation au détour d’un amendement, qui vise à inclure la prime d’activité dans le champ des revenus imposables, mesure qui aide les ménages les plus modestes.
Ils ne sont pas les seuls à faire preuve d’une certaine déconnexion. Le groupe UDR propose la suppression de la taxe sur les biens dits de luxe. Mais, aussi de supprimer les taxes sur les billets d’avion, au nom du pouvoir d’achat. Éric Ciotti propose aussi de supprimer la taxe sur les logements vacants.
Il y a les députés qui n’oublient pas les essentiels de la vie : l’apéro. Les députés EPR proposent de permettre aux brasseurs de vendre de la bière issue de leurs productions, sans licence et une autre député propose un abattement sur les chips.
Toujours dans la catégorie « notre ambition dans la vie est de nous faire des amis », Philippe Juvin et Nicolas Ray proposent d’aligner la TVA sur les activités ludiques sur celles des activités sportives.
Il arrive que les députés recyclent des amendements des années précédentes. Mais, une coquille permet de s’en rendre compte. Ainsi, Jean-Philippe Tanguy propose un amendement dans lequel, le Gouvernement remet un rapport au Parlement, « au plus tard le 1ᵉʳ mars 2023 ». C’est ce qu’on appelle avoir de la suite dans les idées.
Il y a aussi les députés, qui avec un air de ne pas y toucher, mettent les pieds dans le plat. Michel Castellani, du groupe LIOT, demande un rapport sur les économies que pourraient générer la suppression du Service National Universel (SNU). On se souvient du rapport qu’a fait à ce sujet la Cour des Comptes.
Si la gauche a fait preuve d’une certaine imagination concernant les taxes, elle n’a rien à envier à Charles Sitzenstuhl, qui propose d’augmenter la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) de 90 € à 150 € et dans un autre amendement, de la porter à 200 €.
Le groupe UDR propose carrément de la supprimer, pour des raisons idéologiques.
Le même groupe propose aussi d’augmenter « la taxe de délivrance du titre de 200 à 500 euros pour les étrangers souhaitant se voir octroyer un titre de séjour sur le territoire français » et de taxer les flux financiers des diasporas installées en France, vers les pays qui ne reprendraient pas leurs ressortissants.
Les amendements au PLF 2025
Normalement, la feuille verte de l’Assemblée nationale (l’agenda) prévoit que l’examen en séance publique, débutera le lundi 21 octobre à partir de 21 h 30. Les députés auront donc moins d’une semaine pour examiner les 1780 amendements.
Dans le détail, c’est le groupe de la droite républicaine qui a déposé le plus d’amendements : 352. Ils sont suivis par les socialistes avec 342 amendements. Le groupe EPR est en troisième place avec 260 amendements. Ces chiffres se basent sur la liasse open-data, extraite de l’Assemblée nationale, sur un ensemble de 1748 amendements.
Des séances du soir seront donc à l’agenda de la commission des finances et il est probable que les députés soient amenés à rester à Paris pour examiner le texte ce week-end. Tous les amendements seront examinés – si leur auteur est présent – mais tous ne seront évidemment pas adoptés. Les députés pourront donc redéposer les amendements qui auront été rejetés.
49 alinéa 3 ou scrutin solennel ?
C’est l’inconnu de ce PLF 2025 : le Premier Ministre va-t-il utiliser l’article 49 alinéa 3 ? Au début de la session ordinaire, tout le monde semblait s’accorder pour dire qu’on n’y échapperait pas. Mais, c’est politiquement très risqué pour Michel Barnier qui risque une motion de censure.
Or, le groupe de Marine Le Pen a fait savoir qu’il n’excluait pas de voter la censure du Gouvernement si le budget ne lui convenait pas.
Les discussions en commission puis en séance publique donneront le ton.