Chers citoyens, si la démocratie va mal, c’est aussi de votre faute

maison des citoyens

Depuis que les discussions médiatiques et politiques sur la loi travail ont été enclenchées, tous les experts se succèdent sur les plateaux TV et radio pour expliquer que les citoyens rêvent d’une Vie République, qu’ils ont envie d’autre chose, qu’ils aspirent à mieux, à des représentants plus sincères, etc.

Vraiment ?

Contrairement aux apparences, en France, nous avons un peu plus que trois partis politiques. En fait, on frôle le millier si on compte tous les genres de formations, déclarées ou non. Rien qu’au Parlement, il y a une trentaine de groupements différents, agrégés dans cinq ou six groupes parlementaires. Pourtant, ce sont surtout les trois grands partis qui comptent le plus de représentants dans les instances locales et nationales. Il est vrai qu’ils ont plus de moyens financiers, humains et logistiques pour faire campagne.

Alors pourquoi les autres partis n’arrivent pas à tirer leur épingle du jeu, sauf rares exceptions ? Tout d’abord, malgré les beaux discours, rares sont les personnes qui dépassent le clic sur une pétition en ligne ou le like sur un post Facebook pour effectivement mettre les mains dans le cambouis. La conséquence est qu’on subit une génération de militants professionnels, qui sont l’exacte représentation de ce qu’ils prétendent combattre.

De la même manière, lors des élections, peu de gens prennent le temps de lire les programmes des candidats, que ce soit sur les élections locales ou nationales. Dans certaines circonscriptions, on pourrait mettre une chèvre candidate, elle remporterait l’élection, pour peu qu’elle ait la bonne étiquette. Le lecteur conviendra que c’est très insultant pour la chèvre.

On nous dit que les actuels membres du Parlement ne sont pas représentatifs des Français. Pardon, mais les membres du Parlement sont élus, ils ne sont pas passés devant l’Assemblée Nationale et sont entrés parce qu’ils vont vus de la lumière. Si vous jugez que vos représentants actuels ne sont pas représentatifs, pourquoi avoir voté pour eux ?

Parmi toutes les personnes qui fustigent cette absence de représentativité, combien seraient prêtes à voter pour un outsider sans étiquette, voire, se présenter elles-mêmes à une élection locale ? La démocratie est comme le logiciel libre : ils n’ont de valeur que si tout le monde s’en empare et pour cela, il faut que tout le monde accepte, à un moment, de prendre des risques, qui dépassent la zone de confort de son canapé.

Cela veut dire aussi connaître parfaitement nos institutions et notre Constitution et il est évident que cela demande plus de temps, de cerveau et d’énergie que de regarder le dernier épisode d’une émission de téléréalité.

Cette implication passe aussi par un certain élitisme intellectuel. Il est navrant de voir le nombre de commentaires que peut susciter un tweet en comparaison d’un amendement ou d’un attentat, certains médias se vautrant allégrement dans la communication-spectacle, occultant le fond. Et nous, au lieu de rejeter ce nivellement intellectuel par le bas, nous lui ouvrons au contraire grand notre cerveau.

Nous reprochons à nos élus de ne pas passer des paroles aux actes : essayons de ne pas reproduire ce comportement.

Commentaires

Je ne suis pas entièrement d'accord.

Demander aux électeurs de prendre leurs responsabilités, c'est bien, leur donner des outils efficaces pour le faire c'est mieux. Je pense notamment que les modes de scrutins en usage ont un rôle énorme dans la polarisation des multiples opinions en quelques grands partis seulement, et limitent très fortement l'émergence d'autres partis, en favorisant le vote calculé au détriment de la préférence réelle. On se retrouve ainsi souvent à voter *contre* un candidat plutôt que *pour* un candidat, en choisissant finalement le moins pire des deux candidats majoritaires. Et ce vote (soi-disant "utile") n'est certainement pas la faute des électeurs : il est une conséquence logique et inéluctable du mode de scrutin. Il pourrait d'ailleurs aisément être corrigé en changeant ce mode de scrutin. Sauf que ce serait du suicide de le faire pour les grands partis, qui sont justement les seuls en mesure de le faire, puisque les seuls à accéder au pouvoir...

En conclusion : OK pour demander aux électeurs de prendre leurs responsabilités et de voter pour un changement, mais à condition de leur donner les moyens de le faire sans risquer de favoriser un candidat dont ils ne voudraient absolument pas.

(Pour plus d'infos, une série vidéo -en anglais- très claire, intéressante, et, malheureusement, inachevée : https://www.youtube.com/watch?list=EC7679C7ACE93A5638&v=s7tWHJfhiyo )

Bonjour, 

notre Constitution et nos différentes législations en matière de vote font qu'en réalité, nous avons déjà les outils et l'histoire du mode de scrutin n'est qu'un prétexte bien pratique. 

Dans l'exemple que vous donnez, vous parlez surtout de la présidentielle mais il y a beaucoup d'autres élections dont tout le monde ou presque se fiche.

Tout le monde s'imagine qu'en changeant un mode de scrutin, ça révolutionnera la vie politique : c'est faux. Certaines élections fonctionnent sur le scrutin à la proportionnelle et ça ne passionne pas les foules. 

Arrêtons de nous cacher derrière des excuses, retroussons nos manches et allons-y. 

(Je propose qu'on se tutoie, ce sera plus simple)

Je crois qu'on parle de deux choses différentes. Les problèmes d'abstentions dont tu parles ne m'intéressent pas ici. Que la plupart des élections ne passionnent pas les foules est indéniable (et pose des problèmes de légitimité, etc), mais au final sans importance pour le cas qui nous occupe, puisque ces abstentions n'ont par définition aucun poids dans le choix de nos représentants.

Le problème dont tu parles dans ton article tel que je l'ai compris est celui des personnes impliquées, considérant la possibilité de voter pour un petit parti (EELV, FdG, UDI, ou même FN, même si ce dernier se rapproche hélas dernièrement des grands partis), mais ne le faisant finalement pas et préférant un grand parti. Toujours tel que je l'ai compris, tu dénonces cette hypocrisie et demande à tes concitoyens plus de cohérence entre leurs paroles et leurs actes.

Sauf que demander de lever cette hypocrisie, et donc voter pour son parti de préférence plutôt que le moins pire des deux plus gros partis, c'est aussi prendre un risque difficilement admissible : favoriser un candidat dont tu ne voudrais absolument pas. Et j'ai du mal à admettre qu'on traite quelqu'un d'hypocrite parce qu'il joue selon les règles qu'on lui impose. Surtout quand un changement relativement trivial des règles en question permettrait d'écarter tout risque. En attendant un tel changement, les "votes utiles" (puisque c'est ainsi qu'on les appelle) ne seront pas une preuve de couardise mais bien une conséquence logique du système.

Enfin, soyons réalistes : oui, il existe des élections aux modes de scrutins différents, mais les deux élections les *plus* importantes, les seules dont peut venir un changement rapide vu le fonctionnement de nos institutions, sont la présidentielle et les législatives. Englobant deux des trois pouvoirs, elles déterminent quasi-intégralement la politique intérieure et extérieure française pour 5 ans. Et le fait est que ces deux élections sont verrouillées par un scrutin majoritaire, dont les dérives sont connues et analysées du monde universitaire depuis belle lurette.

Les règles sont faites pour être brisées quand elles deviennent des chaînes. 

Et en fait, ce sont surtout les élections présidentielles et municipales qui mobilisent le plus les électeurs.