Commissaires européens : qui sont ces décideurs méconnus, mais incontournables ?
Contrairement à la France, les commissaires européens — équivalent de nos ministres — doivent passer une audition devant les eurodéputés. Durant ces auditions, les parlementaires interrogent les candidats sur leur « programme », la façon dont ils conçoivent le périmètre de leur portefeuille, les sujets d’actualité, etc.
Comment fonctionnent les portefeuilles européens ?
En France, les portefeuilles des ministres sont relativement stables — Intérieur, Défense, Santé — même s’ils peuvent s’élargir ou être délégués.
À la Commission, les choses sont différentes et c’est l’article 17-6 du Traité de l’Union européenne qui le prévoit : « Le président de la Commission définit les orientations dans le cadre desquelles la Commission exerce sa mission ; décide de l’organisation interne de la Commission afin d’assurer la cohérence, l’efficacité et la collégialité de son action ; nomme des vice-présidents, autres que le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, parmi les membres de la Commission ».
Cela signifie que le périmètre et les domaines de compétence peuvent changer d’une mandature à l’autre. On peut créer des portefeuilles, en supprimer ou répartir la charge entre plusieurs commissaires. C’est le président de la Commission qui le décide en l’espèce Ursula von der Leyen.
En amont, il y a des négociations avec chacun des 26 États membres et plus le portefeuille est important, plus la place du pays dont est issu le commissaire en charge est majeure.
Pas de hiérarchie formelle entre les commissaires
En France, il existe une forme de hiérarchie entre les membres du Gouvernement. À la Commission, c’est un peu différent. Il n’y a pas de secrétaire d’État ou de ministre délégué. Il y a la présidente de la Commission qui fait office de chef, des vice-présidents exécutifs et des commissaires.
Les vice-présidents exécutifs ne sont pas mentionnés explicitement dans le Traité de l’Union européenne. Mais, si on lit l’article 3 du règlement intérieur de la Commission, qui énonce « Le président peut attribuer aux membres de la Commission des domaines d’activité particuliers pour lesquels ils sont spécifiquement responsables de la préparation des travaux de la Commission et de l’exécution de ses décisions », on comprend que c’est sur la base de cet article que sont désignés les vice-présidents exécutifs.
Ils doivent coordonner les dossiers entre plusieurs commissaires et ils recevront leurs lettres de mission. Ainsi, Stéphane Séjourné, qui représente la France, est vice-président exécutif, en charge de la prospérité et de la stratégie industrielle. Il devra certainement se coordonner avec Maroš Šefčovič (commerce et sécurité économique) et Valdis Dombrovskis (économie, productivité, mise en œuvre et simplification).
Comment les commissaires sont-ils désignés ?
Chaque État membre propose des candidats à la présidente de la commission. En théorie, il s’agit d’une personne avec une grande expertise dans son domaine, de l’expérience, un passif politique. En pratique, on voit que ce n’est pas aussi rationnel.
La politique politicienne au rendez-vous dans la désignation des commissaires
Stéphane Séjourné a été désigné pour un portefeuille dont personne ne comprend pourquoi c’est tombé sur lui. Apostolos Tzitzikostas (Grèce) a été désigné pour les transports et le tourisme alors qu’il a très mal géré la catastrophe ferroviaire de Tempé, qui a fait 57 morts.
Point commun entre les deux ? Proches de l’exécutif en place dans leur pays respectif, Séjourné du président de la République, Apostolos Tzitzikostas de Kyriákos Mitsotákis, le Premier ministre grec.
Formellement, rien n’oblige la présidente de la Commission à tenir compte des équilibres politiques du Parlement européen ou des États membres. Dans les faits et on le voit dans le trombinoscope, on constate que l’aile droite se taille la part du lion dans le Gouvernement européen. Or, c’est bien le PPE — Parti Populaire Européen — qui est le premier groupe dans l’hémicycle.
Comme les commissaires désignés doivent être « validés » par un vote formel des eurodéputés, il faut amadouer ces derniers. C’est pour cela qu’il y a une forte représentation, parmi les commissaires, du centre droit, du centre gauche et des libéraux : ce sont les forces majoritaires en présence au Parlement européen.
La règle n’est pas absolue. Un État membre peut choisir d’envoyer en premier lieu un technicien plutôt qu’un politique. C’est le choix de la Hongrie et la République tchèque. Néanmoins, Olivér Várhelyi est réputé proche de Viktor Orbán.
Les commissaires européens : un rôle majeur dans le quotidien des Français (et des Européens)
En France, à chaque problème, on dégaine le député de circonscription, le porte-parole de chaque parti et le ministre en charge du dossier. On l’a vu avec le cas de l’usine Michelin. Mais, on pense plus rarement aux commissaires.
Pourtant, ce sont eux qui vont prendre des décisions. En effet, les décisions de l’Union européenne nous concernent au premier plan. Chacune doit être retranscrite ou transposée en droit interne et être appliquée. D’ailleurs, les députés européens ne se privent pas de poser des questions écrites sur des dossiers très locaux.
De la même manière et cela s’est vu lors du projet de loi de finances pour 2025, les parlementaires français ne peuvent pas faire preuve de (trop) fantaisies sur le budget. La France a des engagements à respecter.
La feuille de route de chacun des commissaires aura un impact sur tous les Français.