Faut-il changer les règles de la semaine de contrôle ?

Demande de création de commission d'enquête - XVIe législature, au 4 mai 2023
Demande de création de commission d'enquête - XVIe législature, au 4 mai 2023

Il n’a échappé à personne — du moins, pas à ceux qui ont l’habitude de lire Projet Arcadie — que des semaines dites de contrôle sont sanctuarisées dans l’agenda des parlementaires. Le parlementaire a trois missions : faire la loi, contrôler l’action du Gouvernement et évaluer les politiques publiques. La fonction législative est assez bien connue. Les deux autres le sont beaucoup moins, à l’exception des commissions d’enquête parlementaires. 

Il faut dire que cet outil très précieux est devenu un hochet politique, dégainé à n’importe quelle occasion. On ne publie plus de communiqué de presse ou des tribunes, on dépose une proposition de résolution visant à créer une commission d’enquête. Heureusement, le règlement de l’Assemblée nationale freine beaucoup les ardeurs de certains groupes. En substance, les groupes parlementaires ont « droit » à une commission d’enquête parlementaire par session. Évidemment, lorsque cette disposition du règlement a été rédigée, personne n’imaginait qu’il y aurait une dizaine de groupes. 

L’actuelle législature n’a même pas encore soufflé sa première bougie que 38 demandes de création de commission d’enquête ont été déposées. Sur ces 38 demandes, La France Insoumise est à l’initiative de 18 d’entre elles. Ils sont suivis, à égalité, par le Rassemblement National et Les Républicains, qui ont chacun déposé cinq propositions de résolution de création de commission d’enquête. Dans le graphique ci-contre, on a considéré qu’un député, déposant une proposition de résolution en son nom, comptait pour l’ensemble du groupe. 

Faut-il mieux encadrer les propositions de résolution de création de commission d’enquête ? En réalité, cela ne serait ni pertinent ni opérant. Le règlement de l’Assemblée nationale est suffisamment bien rédigé pour que les détournements soient contraints. On l’a vu avec la commission d’enquête sur les ingérences étrangères. Un groupe doit faire valoir son droit de tirage, puis la pertinence est étudiée, de manière assez souple, reconnaissons-le. Une fois créée, la commission a six mois pour travailler. 

Néanmoins, ce qui interroge toujours, ce sont les suites données aux commissions d’enquête. Une fois leurs travaux achevés, il est trop rare qu’ils servent de support à des améliorations législatives ou réglementaires. Rien n’oblige l’exécutif à mettre en œuvre les préconisations d’une commission d’enquête et c’est bien tout le problème. 

Si les commissions d’enquête sont un instrument prisé des parlementaires, les autres outils de contrôle sont délaissés. On le comprend aisément quand on assiste à un débat lors d’une semaine de contrôle. Les orateurs se succèdent à la tribune, déroulent leurs textes et s’ils ont de la chance, le ministre compétent daignera leur répondre. Ceux présents hier soir, pour le débat sur les concessions d’autoroute peuvent s’estimer chanceux. Clément Beaune était aux bancs et a répondu.

Les choses étaient différentes dans l’après-midi. Le débat portait sur la répression du mouvement social contre la réforme des retraites. On s’attendait à ce que ce soit le ministre de l’Intérieur qui siège aux bancs des ministres. Pour une raison inconnue, c’est Jean-François Carenco qui donnait la réplique. Ce dernier est ministre délégué chargé des outre-mer. Non pas qu’il n’y ait pas un sujet sur le maintien de l’ordre en outre-mer, mais les questions portaient principalement sur les évènements survenus en France métropolitaine. 

Nous avons interrogé Arthur Delaporte sur le sujet des semaines des contrôles : « C’est une fumisterie ! », visiblement remonté, suite à la séance de l’après-midi. En substance, tout le monde joue sa partition, mais personne n’obtient de réponses précises. Au point que l’outil est galvaudé et progressivement délaissé. Si les députés étaient en nombre restreint lors de la séance du soir du mercredi 3 mai 2023, c’est aussi parce que l’outil ne débouche sur rien. Notons également qu’en dehors du Projet Arcadie, il n’y avait aucun journaliste dans les tribunes presse ou en salle des quatre colonnes. Il n’y a pas d’attention médiatique lors des semaines de contrôle. Cela est d’autant plus paradoxal que le débat du soir du mercredi 3 mai 2023 portait sur un sujet amplement couvert par la presse. 

Drame supplémentaire : si les commissions d’enquête sont désormais assez bien connues du grand public, grâce à l’affaire Benalla — on entre dans l’histoire parlementaire comme on peut — les autres instruments de contrôle sont mal appréhendés, y compris par les parlementaires. Non pas qu’ils ne connaissent pas les différents dispositifs, mais il est difficile d’en faire quelque chose de concret, contrairement à un amendement, une commission d’enquête ou même une mission flash. 

Reste à voir si l’Assemblée nationale va saisir de l’opportunité qui lui est offerte. C’est justement en période de majorité relative que le moment est le plus propice au lancement d’un chantier sur le contrôle du Gouvernement. Enfin, cela permettrait peut-être de canaliser la créativité de certains parlementaires sur les commissions d’enquête.