Les Français et l’Assemblée nationale : la réconciliation n’a pas eu lieu

La défiance des Français envers les institutions représentatives
La défiance des Français envers les institutions représentatives

Le Président de l’Assemblée nationale a procédé à une présentation et restitution d’une étude réalisée par l’institut CSA sur la perception du mandat et du travail des députés par les Français.

À lire les résultats de l’étude, en particulier, la dernière page, on peut être réconforté sur la relation entre les députés et les Français. 50 % les connaissent, 50 % ont déjà eu un contact avec eux et 50 % sont satisfaits de leur travail. Ils sont même 59 % à penser que le travail à l’Assemblée nationale est utile et 86 % à désapprouver les comportements violents envers les députés ou leurs collaborateurs. 

Un rendu des résultats assez curieux

L’étude procède à un rendu thématique des questions : connaissance et satisfaction, information, attentes et défiance s’exprimant par la violence. En balayant les questions qui se trouvent en pied de page, on constate qu’elles n’ont pas été posées par thématique. Les questions ne se suivent pas dans l’étude, elles n’ont donc pas été posées dans l’ordre de rendu. 

Autre curiosité : la liste complète des questions et leurs ordres ne figurent pas non plus. Les questions 5, 7, 13, 14, 16, 19, 20, 21, 22, 23, 25 et 26 ne sont pas dans l’étude. On ne sait donc pas ce qui a été demandé. 

On remarquera également que ne figure pas la sensibilité politique des sondés, ni la profession, ni la région. Le lecteur doit se contenter d’un lapidaire « CSP+ », « CSP — » ou « inactifs ». On ne sait pas quel est le pourcentage de personnes satisfaites ou insatisfaites du travail du député, en fonction de leur proximité politique ou de leur vote au premier tour de l’élection présidentielle de 2017. 

Des résultats en trompe-l’œil

La première question posée aux sondés est relativement simple : avez-vous confiance dans chacune des institutions suivantes ? Seulement 44 % des 4512 sondés ont répondu favorablement pour l’Assemblée nationale. Il n’y a que les médias qui fassent pire dans les choix proposés avec seulement 32 % de réponses positives. Le Sénat fait à peine mieux avec 45 % et curieusement, alors qu’elle fait office d’épouvantail à moineaux dans à peu près tous les partis, l’Union européenne suscite la confiance des Français interrogés à 49 %. 

Pour autant, il n’y a pas de quoi pavoiser. La gendarmerie, l’armée et la police recueillent respectivement 83 %, 82 % et 77 % de témoignages de confiance. L’institut CSA synthèse en disant que les Français accordent davantage leur confiance aux institutions incarnant l’autorité et l’ordre. Reste à savoir si d’autres réponses que celles-ci étaient présentes. 

Sans surprise, la question 2 nous indique que le maire reste l’élu préféré des Français, à 61 %, contre 35 % pour le député et 23 % pour le sénateur. L’étude fait un rappel des résultats de 1985, avec les chiffres suivants : 51 % pour le maire, 54 % pour le député, 18 % pour le sénateur. Les sondés pouvaient donner deux réponses et on voit que la figure du député-maire a quand même marqué les esprits. 

Cette hypothèse se vérifie avec la troisième question « est-ce que vous connaissez votre député ? » En 1985, ils étaient 62 % à connaître leur député et pour cause, un certain nombre d’entre eux cumulaient allégrement les mandats. En 2021, les sondés ne sont plus que 50 % à connaître leur député, en étant généreux. En effet, la proportion de Français qui connaissent réellement leur député — à savoir l’identifier clairement — est de 32 %. Les 18 % restants répondent qu’ils ne voient pas vraiment de qui il s’agit. Plus inquiétant, ils sont 23 % à répondre « Non, je ne sais pas qui c’est et ça ne m’intéresse pas de le savoir ». Ce n’est donc plus une question de confiance, mais bien d’intérêt : les députés — objet de l’étude — ont perdu 23 % des sondés. 

Logiquement, ce sont les sondés qui connaissent leur député qui sont majoritairement satisfaits de leur travail, à savoir 61 % de ceux qui appartiennent au 32 % précédemment cités.  

La question posée sur le contact interroge également « Vous est-il déjà arrivé d’avoir un contact avec un(e) député(e) ? » La question serait plutôt « avez-vous sollicité votre député ? » La faiblesse de la réponse « par courrier » peut interpeller. Seuls 7 % des 30 % des sondés ont eu un échange écrit avec leur député. D’où viennent alors ces montagnes d’emails que les députés et collaborateurs reçoivent ?

Frôlant la tautologie, 50 % des sondés se disant satisfait du travail des députés appartiennent aux 61 % qui connaissent leur député. À l’inverse, on ne sait pas quelle est la part des sondés, qui ne connaissent pas leur député, voire ne s’intéressent pas du tout, qui se disent insatisfait.   

Les mêmes remarques s’imposent sur l’utilité de l’Assemblée nationale. Pour les 67 % qui connaissent leur député, ils sont 59 % à juger utile le rôle de l’Assemblée nationale. Quid des 41 % ? Est-ce qu’il s’agit de Français qui ne s’intéressent pas du tout à la politique, de façon générale ? De personnes qui ne sont pas représentées politiquement à la chambre basse ? Ces questionnements n’ont pas de réponses. 

Un effort de pédagogie 

La partie consacrée à la pédagogie sur l’Assemblée nationale est lapidaire. 61 % des sondés s’estiment mal informés en ce qui concerne l’Assemblée nationale. Malheureusement, on ne connaît pas la répartition entre les personnes s’intéressant à la politique et les autres. 

Selon l’étude, la télévision reste le premier support d’information sur l’Assemblée nationale ou les députés. Les réseaux sociaux et YouTube sont intégrés dans les choix, mais pas la presse spécialisée ni même les pure-players ou webzines. 

On ne connaît pas non plus la consommation de médias des personnes interrogées. S’informent-elles ? Par quels canaux ? Combien de temps par jour ou par semaine ? Quels sont leurs médias préférés ?

Globalement, les Français connaissent assez mal le rôle d’un député et cela se ressent dans le troisième volet de l’étude. 

Député ou assistante sociale ?

En début de XVe législature, certains députés avaient affirmé haut et fort qu’ils ne joueraient pas les assistantes sociales en circonscription. Mal leur en a pris : les Français semblent être en attente de députés qui ont davantage de pouvoirs, notamment dans leur territoire d’élection. C’est dire si la notion d’élu de la Nation n’est pas prégnante.

Cette lacune se vérifie : 70 % des sondés pensent que les députés devraient s’occuper davantage des problèmes de leur territoire d’élection. Si on affine, on constate que sur ces 70 %, 72 % ne connaissent pas leur député, 72 % ne s’intéressent pas à la politique et 75 % se sentent mal informés sur l’Assemblée nationale.

À 52 %, ils estiment que le député devrait traiter les dossiers locaux et 40 %, à aider les électeurs dans leur vie quotidienne. Tout ce qui relève du travail législatif est relégué au second plan. Il est d’ailleurs amusant de voir la dichotomie entre les résultats de l’étude et les protestations sur les réseaux sociaux. Seulement 19 % des sondés estiment qu’en premier lieu, la majeure partie du temps des députés doit être consacrée à débattre et voter des lois dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. La partie consistant à contrôler l’action du Gouvernement et à évaluer les politiques publiques est absente. Est-ce parce qu’elle n’a pas été proposée ou parce que le député n’est tout simplement pas identifié comme un contre-pouvoir ?

L’autre paradoxe est dans le non-cumul des mandats. Les parlementaires plaident pour un retour au cumul des mandats, mais les sondés y sont défavorables à 73 %. Néanmoins, il y a une attente très forte des sondés à ce que le député soit physiquement présent en circonscription, mais également qu’il traite de dossiers locaux.

Réconciliation ou rénovation ?

Emmanuel Macron avait fait le pari de la révolution, notamment en amenant dans son sillage 300 nouveaux députés. Mais peut-être que la révolution n’était pas son élection, mais la fin du cumul des mandats, réforme initiée sous la présidence de François Hollande. Les députés ont eu un temps de latence pour organiser leurs mandats.

Mais les nouveaux n’ont pas réussi à relever le pari du changement des mentalités et force de constater que l’exécutif ne les a pas aidés. Habilitation à légiférer par ordonnance, agenda parlementaire farfelu, passage en force sur certains textes, volonté manifeste d’imposer certaines mesures, décisions prises en comité très restreint pendant la crise sanitaire, etc. Plus qu’un dédain envers les parlementaires, c’est envers la politique que les Français ont un rejet. 

La question 24 résume finalement toute l’étude : 16 % des sondés ne s’intéressent pas à la politique et 32 % s’y intéressent peu. À quelques mois de l’élection présidentielle, si on regarde les dernières études sur les préoccupations des Français et les thématiques de campagne actuellement abordées, il paraît évident que des remises en cause collectives devraient être à l’ordre du jour.