L'interview de Fabienne Colboc

Fabienne Colboc, expliquant son rôle de député à des enfants
Fabienne Colboc, expliquant son rôle de député à des enfants

Fabienne Colboc a été élue député en 2017. Elle a intégré la commission des affaires culturelles et éducation, ce qui lui permet de travailler de manière globale sur les thématiques éducatives. 


Vous avez été rapporteur pour avis sur la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet. Ma question sera sensiblement la même que celle posée à Bruno Questel sur ce sujet. Aujourd’hui, on a tout l’arsenal juridique nécessaire pour lutter contre la haine, mais bizarrement la haine qui est répandue au quotidien dans les médias traditionnels ne suscite pas l’intérêt des pouvoirs publics. Pourquoi ? 

Mon point de vue est que, quel que soit le lieu où elle s’exprime, l’incitation à la haine doit être sanctionnée de la même manière. Cela est vrai dans la rue, sur les réseaux sociaux ou dans les médias traditionnels. À la télévision, c’est le Conseil supérieur de l’Audiovisuel, autorité indépendante, qui sanctionne régulièrement les incitations à la haine et à la violence. Nous avons renforcé les moyens de cette autorité qui va prochainement être fusionnée avec la HADOPI pour devenir l’ARCOM. Cela va permettra de centraliser au sein d’une même entité la lutte contre la haine, qu’elle soit prononcée sur internet ou sur les médias plus traditionnels.  

Quand va-t-on avoir un véritable arsenal législatif contre les personnes qui répandent la haine sur les chaînes de télévision, les journaux et les radios ? 

Il est vrai que nous assistons à une polarisation des débats et à une brutalisation des prises de paroles publiques. Celle-ci est à mon sens le reflet de la viralité des propos indignés, haineux ou injurieux qu’on retrouve sur les réseaux sociaux. Pour répondre à l’impunité des auteurs de haine en ligne, nous avons adopté des mesures fortes dans le cadre de la loi confortant les principes de la république qui transpose le Digital Services Act. Désormais, les réseaux sociaux encourent des sanctions financières importantes s’ils ne respectent le nouveau régime de modération des contenus qui leur est imposé. Suite à l’adoption de l’une de mes propositions, les plateformes en ligne doivent également sensibiliser les mineurs aux dangers d’internet et aux risques encourus en cas de comportement haineux. 

Vous êtes vice-présidente du groupe d’études pauvreté, précarité et sans-abri. La France compte de plus en plus de travailleurs pauvres. L’épidémie de COVID n’a évidemment rien arrangé, même si la France a déployé un parapluie social conséquent, quasiment unique en Europe. Question terriblement naïve, mais comment en est-on arrivé au stade où une personne qui travaille n’a pas les moyens de vivre dignement ? 

Je pense que cette question n’est pas nouvelle, malgré son accentuation depuis la pandémie. Le défi d’une juste rémunération du travail, de la valeur travail que l’on retrouve déjà chez les économistes classiques Adam Smith et David Ricardo, est primordial pour faire société. Comment se résoudre au fait que des professions essentielles pour notre pays, comme les soignants par exemple, ne puissent vivre dignement de leur travail ? Le président de la République a eu raison de déclarer durant la crise qu’il nous faudrait « nous rappeler que notre pays, aujourd’hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal ». C’est le sens du Ségur de la santé et des différentes revalorisations salariales que nous avons mises en place.

Ce combat est de longue haleine, et nous devrons collectivement le poursuivre dans les années à venir. Il ne se limite pas à la question de la rémunération des salariés. Il traite, au fond, de la question du pouvoir d’achat des ménages. Ainsi, des mesures comme la baisse des cotisations sociales, le reste à charge zéro, ou la suppression de la taxe d’habitation permettent de rendre à nos concitoyens davantage de souplesse dans leur budget. 

Vous avez été corapporteur d’une mission flash sur le financement du CROUS. Si la précarité étudiante est un vrai sujet — tout le monde se souvient des images de ces étudiants attendant des colis alimentaires, y compris maintenant —, on a l’impression que l’équation est souvent jeune = étudiant. Or, beaucoup de jeunes ne sont pas étudiants. Comment fait-on pour ne laisser personne au bord de la route ? 

Vous soulevez ici un sujet important. Selon l’Insee, en 2017 seuls 44 % des jeunes de 21 ans sont encore étudiants. Il n’y a donc pas une jeunesse qui aurait les mêmes caractéristiques, les mêmes aspirations, mais bien une multitude de jeunesses, complexes et parfois très éloignées. Je pense que le Gouvernement l’a bien compris. Notre politique vis-à-vis de la jeunesse est en effet plurielle : le Plan 1 jeune 1, solution destinée à tous les jeunes de moins de 26 ans, fort développement de l’apprentissage, mais aussi, au sein du Plan France Relance, l’aide à la mobilisation des employeurs pour l’embauche des travailleurs handicapés (AMEETH). Au sein de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation, nous œuvrons en tout cas afin que personne ne soit laissé pour compte.

Pensez-vous que le revenu d’engagement pour les jeunes va voir le jour ?

La crise sanitaire a fait ressortir cette question avec davantage d’acuité encore. Je pense que le Gouvernement a pris conscience de l’attente suscitée par ce dispositif. Cet accompagnement renforcé devrait permettre d’aider les jeunes les plus précaires à accéder à un emploi.  

Les discussions sont aujourd’hui en cours, mais j’ai bon espoir que les détails du dispositif soient présentés prochainement. C’est un outil qui viendra s’ajouter à un panel de dispositifs mis en place pour l’accompagnement des jeunes : développement historique de l’apprentissage, plan 1 jeune 1 solution, garantie jeune, soutien au service civique, etc. Notre engagement depuis 2017 porte déjà ses fruits. 

Vous êtes également vice-présidente du groupe d’études vie associative et bénévolat. En France, une bonne part du combat contre la misère est assurée par les associations. Pourtant, selon elles, la suppression des emplois aidés en début de quinquennat les a fortement pénalisées. Partagez-vous ce constat ? 

C’est, en effet, un sujet que j’ai rapidement identifié au cours de mes échanges avec les associations de mon territoire. L’objectif de cette réforme était d’accompagner la réduction du nombre de contrats aidés par la création d’un nouveau dispositif, les Parcours Emplois Compétences (PEC), recentrées sur l’insertion professionnelle. Toutefois, ces PEC se sont révélés difficilement mobilisables pour les associations. Sur ce sujet, j’ai fait adopter un amendement à la loi de finances pour 2021 afin que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’emploi associatif et que nous puissions obtenir un bilan précis des conséquences de la réduction du nombre d’emplois aidés. Il faudra tirer les conséquences de ce rapport pour que les associations bénéficient de l’accompagnement dont elles ont besoin. 

En attendant cette évaluation, le développement des postes FONJEP, qui sont financés en partie par l’État se poursuit. Ils permettent à des jeunes de 18 à 30 ans d’intervenir, dans les associations œuvrant dans les domaines de l’éducation ou de la cohésion sociale.

Vous êtes titulaire du comité de suivi de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. Qu’est que c’est ? 

Ce comité était en charge d’évaluer la bonne application de la loi pour la refondation de l’école de la République en vigueur depuis 2013. Il a été supprimé en 2019.  

Au début du mandat, nous avons constaté le très grand nombre de comités de ce type qui nécessitait près de 700 nominations à chaque nouvelle mandature. Dans un objectif de simplification et de rationalisation des comités extraparlementaires, nous avons adopté la loi du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination. 

Dans le cadre de ce travail de simplification, il a été décidé de supprimer le comité de suivi de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République qui était obsolète, la loi étant entrée en vigueur depuis 8 ans. 
Toutefois, dans le domaine scolaire, il existe toujours une enceinte pour analyser et accompagner les politiques, dispositifs et pratiques scolaires : le Centre National d’Étude des Systèmes Scolaires (CNESCO).  

Depuis plusieurs mois déjà, le ministre de l’Éducation nationale semble s’être focalisé sur des questions plus idéologiques que pratiques. Or, en discutant avec des parents, on constate que les problématiques auxquels ils sont confrontés sont généralement très pratiques : le volume horaire des enfants, la vétusté des bâtiments, l’insalubrité des toilettes, etc. Pourquoi une telle dichotomie entre ces deux acteurs ?

Je pense qu’il est du rôle d’un ministre de l’Éducation nationale de fixer un cap, une philosophie à sa politique éducative. Cela ne l’empêche par pour autant de porter, avec les parlementaires de la majorité, des mesures qui changent la vie des familles. On parle peu du Plan national nutrition santé, qui permet pourtant à de nombreux enfants de disposer d’un petit-déjeuner gratuitement à l’école. Le dédoublement des classes de CP et de CE1 est également une mesure bien concrète pour l’amélioration des conditions d’apprentissage des enfants. Je citerais enfin les colos apprenantes, qui offrent un soutien scolaire ludique aux élèves en difficulté. Au-delà des petites phrases, je préfère retenir les avancées concrètes que nous avons portées.

Chaque député se voit demander une photo pour illustrer son interview. Pourquoi avez-vous choisi celle-ci et que dit-elle de votre mandat ? 

J’ai choisi cette photographie, car elle représente une facette que je considère très importante dans ma fonction de député. Je me rends régulièrement dans les écoles de la circonscription pour expliquer le rôle du député et le fonctionnement du Parlement aux plus jeunes. Je prends également  beaucoup de plaisir à recevoir des classes à l'Assemblée nationale pour leur faire visiter ce haut-lieu de la démocratie, notamment dans le cadre du Parlement des enfants.

Question habituelle à présent : comptez-vous vous représenter en 2022 ? 

Je me focalise pour le moment sur ma dernière année de mandat s’annonce particulièrement riche. Les habitants de la 4e circonscription d’Indre-et-Loire m’ont élu pour cinq ans, et j’ai à cœur de rester concentrée sur ma mission jusqu’au bout.