L'interview de Laurent Garcia

Laurent Garcia en conférence de presse
Laurent Garcia en point presse hebdomadaire

Laurent Garcia est député MoDem, de la deuxième circonscription de Meurthe-et-Moselle. Membre de la commission des affaires culturelles et éducation, ainsi que de la commission pour la modernisation de la diffusion audiovisuelle, il a été rapporteur du projet de loi relatif à la modernisation de la distribution de la presse. 


Vous êtes le député qui inaugure officiellement les interviews du Projet Arcadie. Tout d’abord, parce que vous êtes parmi les premiers à avoir répondu, mais également parce que vous êtes sur le départ. En effet, vous êtes le dernier parlementaire à cumuler — même si vous n’aimez pas ce terme — plusieurs mandats exécutifs locaux. Expliquez-nous cette curiosité ?

Je suis ravi d’être celui qui inaugure cette série d’interviews ! On dit pourtant qu’on garde le meilleur pour la fin (sourire).

Il est vrai que je suis sur le départ, ayant fait le choix de ne pas me représenter puisque j’ai été réélu maire de la commune dont je l’étais. J’avais été obligé d’abandonner ce mandat, élu député en 2017 et donc touché par la loi Hollande sur le non-cumul. J’assume complètement ce cumul aujourd’hui, même s’il me conforte dans mon opposition résolue à ce même cumul ! Je m’explique…

Réélu maire en 2020, disais-je, je m’apprêtais à me mettre en conformité avec la loi et donc démissionner de mon mandat de député afin que ma suppléante occupe la place, mais la liste municipale malheureuse a déposé un recours au tribunal administratif, qu’elle a perdu six mois plus tard. Elle persiste en ayant formé un recours au Conseil d’État, qui n’a pas encore statué, et donc cette particularité m’autorise à cumuler député et maire.

Si je démissionnais alors que la procédure contentieuse n’est pas tranchée définitivement, cela donnerait lieu à une élection législative partielle, et non à un remplacement par ma suppléante.

Quoi qu’il en soit, je persiste à dire qu’aujourd’hui, on ne peut occuper simultanément correctement député ET maire, tant ces deux fonctions sont chronophages si on veut remplir ces mandats en leur consacrant toute la disponibilité qu’ils méritent.

Votre situation amène à une autre question : vous êtes devenu député pour la première fois en 2017, mais vous avez souhaité devenir maire. Pourquoi quitter l’Assemblée ?

J’ai souhaité redevenir maire, fonction que j’avais occupée 10 ans. Pourquoi ? Lorsque j’ai décidé de me représenter aux municipales, le contexte était le suivant : il était question de voter une loi pour diviser le nombre de députés par deux (donc de doubler la taille des circonscriptions) et d’instaurer une dose de proportionnelle. Avec une circonscription immense et un travail parlementaire conséquent, cela aurait eu pour effet d’éloigner davantage le député que j’étais du citoyen, par manque de temps. Cela permettait toutefois de recentrer l’activité du député sur ses missions de base : le vote de la loi et le contrôle de l’action du Gouvernement. Je sais que cette dimension locale et de contact m’aurait particulièrement manqué : j’aime ce contact avec les administrés, au plus près du terrain.

À l’Assemblée nationale, vous vous êtes emparé des questions relatives à la presse, pourquoi ce choix ? 

La presse, en particulier son indépendance et la qualité de ce métier, est un pilier garant de notre démocratie et il doit être préservé. Disposer d’une presse pluraliste avec des journalistes qui investiguent et travaillent afin de livrer une information objective et qui permet de développer son esprit critique et d’analyse est un des chevaux de bataille de mon groupe parlementaire, le MoDem.

Vous êtes titulaire de la commission pour la modernisation de la diffusion audiovisuelle. Qu’est que c’est et que fait-on dans cette commission, qui est un organisme extraparlementaire ?

La commission de la modernisation de la diffusion audiovisuelle est un organisme extra-parlementaire qui s’intéresse aux fréquences ou bandes de fréquences radioélectriques qui sont attribuées aux administrations de l’État et celles dont l’assignation est confiée au conseil ou à l’autorité. Cette commission peut faire connaître à tout moment ses observations et ses recommandations sur les mesures nécessaires à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et leur mise en œuvre et peut auditionner le Conseil supérieur de l’audiovisuel et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Parmi les propositions de loi dont vous êtes l’auteur, il y en a une qui vise à interdire l’élevage d’animaux dans le seul but de produire et vendre leur fourrure. Dans votre exposé des motifs, vous dites vous-même que l’élevage de vison est assez modeste en France. Pourquoi avez-vous choisi de vous y intéresser ?

En avril 2019, ma proposition de loi visait à « interdire l’élevage d’animaux dans le seul but de produire et vendre leur fourrure », mais elle était bien plus large que liée au seul vison, même si cette fourrure est symbolique. Dans mon esprit, il s’agissait du bien-être animal dans son ensemble, thème sur lequel j’avais été sensibilisé en circonscription. J’ai d’ailleurs créé en tant que maire de Laxou un comité consultatif dédié à cette thématique, constitué de citoyens et d’associations. Aussi, j’ai noté avec satisfaction que le groupe de luxe Kering, de Gucci à Saint-Laurent, vient de renoncer à toute fourrure animale dans ses collections.

Vous avez déposé plusieurs propositions de loi, pourtant, elles n’ont pas été inscrites à l’ordre du jour des commissions compétentes. Les citoyens s’interrogent sur ce point : pourquoi les propositions de loi ne sont pas examinées ?

Le cheminement d’une proposition de loi est complexe. D’origine parlementaire, contrairement à un projet de loi issu du Gouvernement, elle doit trouver un écho au sein du groupe parlementaire, puis être inscrite à l’ordre du jour afin d’être débattue au sein d’une « niche » (temps réservé à un groupe parlementaire). Le groupe parlementaire hiérarchise selon ses priorités les propositions de loi qu’il va présenter.

En tant que MoDem, on peut considérer que vous appartenez à la majorité ou du moins qu’il y a une certaine proximité avec le Gouvernement. Pour autant, on ne peut pas dire que le quinquennat ait été un long fleuve tranquille entre le MoDem et LREM. Pensez-vous que le Gouvernement attendait une forme de docilité du MoDem ?

Je confirme, comme tous les députés du groupe MoDem, appartenir à la majorité présidentielle ! Pour autant, la Vème République donnant une majorité au Président fraîchement élu fait que le groupe majoritaire (en l’occurrence archimajoritaire en 2017) a tendance à considérer ses partenaires comme des « pièces rapportées ». L’expérience élective des députés MoDem s’est imposée naturellement (on a vu le nombre de ses membres croître contrairement au groupe majoritaire qui a perdu au fil de l’eau sa majorité absolue) notamment, car ils étaient tous à la base des élus locaux, ayant le sens du compromis…

Avez-vous un regret concernant votre mandat de député ?

Pas de regret, mais un constat cruel et désarmant : je me suis rendu compte que la démocratie facilite l’obstruction parlementaire. Par exemple, lors de l’affaire Benalla, l’opposition a réussi à paralyser l’Assemblée nationale alors que des réformes importantes que les Français attendaient ne pouvaient être débattues.

Quel sera votre meilleur souvenir en tant que député ?

Cette ambiance studieuse en commission culture-éducation lorsque nous auditionnions un invité, un ministre, un responsable d’une chaîne publique de télévision, ou encore lorsque nous étudiions une proposition ou un projet de loi… On est bien loin, dans ces moments-là, de l’ambiance électrique que nous présentent parfois les médias avec des images au sein de l’hémicycle où certains s’invectivent. Les députés travaillent réellement.

Quel est le texte examiné à l’Assemblée nationale qui vous a le plus marqué et pourquoi ?

Pour moi, tout commence par l’école, c’est pourquoi je me suis inscrit au sein de la commission culture-éducation. Une réforme fondamentale a été le dédoublement des classes en école maternelle dans les quartiers REP et REP+ dès la rentrée 2017. Chiffres à l’appui, les résultats des progrès en mathématiques et en français des enfants sont probants. L’Etat a mis les moyens en termes de personnels, les collectivités en termes d’infrastructures, preuve qu’une réforme considérée comme un progrès social dépasse les clivages : c’est ce que j’aime dans la politique, mais c’est trop.

Comme vous le savez, les donateurs réguliers du Projet Arcadie ont la possibilité de poser des questions aux députés. Voici celle qui vous a été adressée : « Dernièrement des Autorités administratives indépendantes (mais aussi des EPIC ou sociétés anonymes à actionnaires publics) ont remis au gouvernement des études ayant pour but d’aider les politiques publiques. Or certaines de ces études ne sont pas publiques, les émetteurs en question se réfugiant derrière le gouvernement pour décider de leur publication. Est-ce que le contrôle parlementaire ne pourrait pas rendre obligatoire la publication de toute étude remise par un organisme public au gouvernement à des fins de transparence et pour aider le débat public ? »

Le Parlement, comme tout responsable politique ou toute entité publique, a tout intérêt à tout dévoiler sans quoi il s’expose à un sentiment irrationnel dans l’opinion lié à une sorte d’opacité. Je ne sais pas si une telle transparence contribuerait à faire reculer l’abstention, en tous cas cela favoriserait de mon point de vue une restauration la confiance du citoyen envers l’élu. Mais le chemin est encore long…

Il a été demandé aux députés de préparer une photo de leur mandat. Pourquoi avez-vous choisi celle-ci et que dit-elle de votre mandat ?

Photo ci-jointe qui me représente au cours d’un point-presse hebdomadaire, en tant que porte-parole du groupe. Cette photo tente d’illustrer, de mon point de vue, les efforts que doivent déployer les politiques pour expliquer le sens des lois qu’ils votent et en quoi elles sont bénéfiques pour le plus grand nombre et l’intérêt général. Exercice très formateur, mais ô combien difficile…