La Cour des comptes étrille le service national universel
Les magistrats de la Cour des comptes ont publié un rapport sur le service national universel (SNU). Le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne sont pas tendres avec cette lubie gouvernementale. Sans aller jusqu’à préconiser sa suppression pure et simple, l’institution recommande au Gouvernement de se mettre très sérieusement au travail.
Dès les premières lignes, le ton est donné « la Cour relève que la montée en charge du dispositif ne s’est pas accompagnée d’une clarification de ses objectifs » […] « Les modalités de son pilotage, alors qu’il s’agit d’une politique prioritaire du gouvernement, ainsi que les conditions dans lesquelles il est mis en œuvre sur le terrain sont insatisfaisantes et sources de dysfonctionnements ». La Cour renvoie également la balle aux députés et aux sénateurs « il est désormais urgent de clarifier l’horizon du dispositif dans le cadre d’un débat parlementaire ».
Le vocabulaire employé ne laisse aucun doute sur l’idée que l’institution se fait du SNU : décevant. Plus amusant, même les personnes en charge de ce dispositif n’ont pas compris à quoi il servait « À titre d’exemple, des jeunes se sont vu proposer un séjour de cohésion par des éducateurs ou des juges qui pensaient qu’il s’agissait d’une sorte de centre de rétention ou de redressement pour mineurs ».
Autre problème : on manque de données chiffrées. La Cour des comptes relève qu’il n’y a pas réellement de suivi, faisant qu’on peut difficilement évaluer sérieusement le dispositif. Quant au peu d’informations dont elle dispose, elle souligne que cela ne concerne qu’une toute petite partie de la population. En clair, les jeunes qui font le SNU sont principalement issus des classes supérieures ou dont les parents appartiennent aux armées ou aux forces de l’ordre. Pour un programme qui se voulait universel, il manque sa cible.
Mais, l’institution déplore surtout l’absence de pilotage budgétaire et le coût sous-estimé : « L’ampleur des erreurs et omissions identifiées en la matière conduit à mettre en doute la fiabilité des coûts par jeune ». Et pour cause : certaines dépenses n’ont pas été prises en compte. Le projet de loi de finances pour 2024 (PLF) tablait sur 2000 € par jeune. En réalité, on est plus proche de 2900 € minimum par jeune, pour l’année 2022. Soit le prix d’un séjour linguistique de bonne qualité, à l’étranger.
Autre problème : le manque total d’organisation et le schéma des acteurs intervenant dans la mise en œuvre du SNU montre bien une désorganisation gouvernementale et administrative. Si la Cour des comptes souligne que les associations d’éducation populaire sont essentielles dans le dispositif, elles n’ont que très peu de marges de manœuvre, alors qu’elles sont en première ligne.
La Cour des comptes met en avant ce que tout le monde avait perçu dès le départ : on ne comprend pas à quoi ça sert. Est-ce l’équivalent d’un service militaire ou pas ? En effet, pour anecdotique que cela puisse paraître, techniquement, cela ne l’est pas. En fonction de la nature du dispositif, les règles pour le modifier, l’adapter, le financer ou le supprimer ne sont pas les mêmes. Et si même la Cour des comptes ne comprend pas la nature du SNU, comment les Français le pourraient-ils ?
Le rapport se termine par un coup de grâce : tel que voulu par le Gouvernement, le SNU coûterait en réalité 5 milliards d’euros par an, sans parler des coûts d’investissement.
La Cour des comptes ne préconise pas pour autant la suppression pure et simple du SNU, car il s’agit d’une décision politique. Néanmoins, les recommandations formulées montrent bien l’impréparation du Gouvernement, pour ne pas dire l’amateurisme dans la création de ce « truc ».
Alors que les députés et les sénateurs vont prochainement plancher sur les budgets 2024 et 2025, il paraît probable qu’ils s’emparent de ce rapport avec gourmandise. En effet, l’exécutif a passé son été à dire que la France était en déficit et devait faire des économies. Si 5 milliards peuvent paraître anecdotiques au regard des 100 milliards qu’il faut trouver, admettons que cette économie sera plus favorablement accueillie par la représentation nationale que d’autres.