La réserve parlementaire

réserve parlementaire

À l’approche de la publication du détail de l’utilisation de la réserve parlementaire par les parlementaires, il est temps de revenir sur sa définition, son contenu et peut-être même de discuter de son avenir.

De quand date la réserve parlementaire ou dotation d’action parlementaire ? Contrairement à une croyance populaire, elle ne figure absolument pas dans l’ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances. En fait, elle n’a d’existence formalisée et textuelle que depuis 2013 par la loi organique relative à la transparence dans la vie publique, article 11. Pourtant, la pratique existait antérieurement à ce texte.

En effet, ainsi que l’avait relevé le sénateur Jean-Louis Masson dans sa proposition de loi tendant à donner un cadre juridique aux subventions allouées au titre de la réserve parlementaire et à instaurer des règles garantissant l'équité et la transparence, enregistrée à la présidence du Sénat le 23 novembre 2012, la réserve parlementaire découle d’une pratique coutumière. Il avait posé la question au Premier Ministre de l’époque, ce dernier lui avait donc répondu « Le système dit de la « réserve » parlementaire repose sur une pratique coutumière ancienne, liée à l'autonomie parlementaire, permettant, avec l'accord du Gouvernement, l'attribution de certains crédits, non renouvelables, décidée par les autorités parlementaires compétentes. ».

Par ailleurs, lors de l’examen de la loi organique relative à la transparence dans la vie publique, le Conseil Constitutionnel énonce que « La pratique de la réserve parlementaire, qui existe depuis les années 1970 et n'est prévue par aucun texte, repose sur un mécanisme de définition des besoins par les commissions des finances puis de répartition des crédits par voie d'amendements gouvernementaux. ».

Vous l’avez compris : avant 2013, il n’y avait pas de texte, mais la pratique existait.

Et concrètement, qu’est que la réserve parlementaire ? Il s’agit d’une somme allouée aux parlementaires, leur permettant de subventionner des associations ou des collectivités territoriales, de façon exceptionnelle. Cela peut être – par exemple – une commune qui demande au député ou au sénateur de la circonscription une certaine somme pour financer la réparation d’une mairie ou d’une route.

La légende voudrait qu’il suffise de passer un coup de téléphone à un ami député ou sénateur pour se voir gratifier d’une démonstration de camaraderie de plusieurs dizaines de milliers d’Euros. La réalité est beaucoup moins romantique. Pour les collectivités territoriales, il faut présenter :

  • Une note explicative de la raison de la demande de financement par la réserve parlementaire ;
  • Une autre note avec des informations techniques de celui qui va chapeauter le projet avec le coût prévisionnel et la nature du dit projet ;
  • Un devis complet avec un récapitulatif de tous les montants hors-taxes ;
  • Un plan de financement (un business-plan en clair) mentionnant toutes les aides demandées ;
  • Une attestation de non-commencement des travaux signée par le maire ou le président de la collectivité territoriale (non, on ne peut pas demander un coup de main en cours de route pour finir des travaux).

Cette aide financièrement ne peut pas être de nouveau demandée l’année d’après et si elle est attribuée – après validation du Ministère de l’Intérieur – l’opération pour laquelle elle a été demandée doit être effectuée dans un délai de deux ans.

Vous le voyez : on est très loin des clichés sur l’échange de valises pleines de billets entre amis, en tout cas, dans sa forme actuelle.

Les règles ne sont pas plus souples pour les associations et il suffit de regarder le formulaire CERFA à compléter pour se rendre compte qu’il s’agit d’un mécanisme bien réglementé.

Néanmoins, en dépit du caractère très administratif et très encadré de cette pratique, elle n’en demeure pas moins problématique pour deux raisons.

La première est qu’elle met les parlementaires dans une situation de gestionnaire or ce n’est pas leur rôle. La seconde est qu’elle favorise une forme de clientélisme territoriale des parlementaires d’avec les élus locaux. De ce fait, certains parlementaires plaident pour sa suppression et d’autres procèdent par tirage au sort citoyen.

Enfin, en moyenne, chaque parlementaire « a droit » à environ 130 000 €, mais certains parlementaires comme le président de l’Assemblée Nationale, le président du Sénat, les vice-présidents, les questeurs, les secrétaires, les présidents de groupes parlementaires et les présidents de commissions permanentes bénéficient d’un montant plus élevé.  

Remerciements à la député Isabelle Attard, au député Julien Aubert, à la sénatrice Corinne Bouchoux et au sénateur Jean-Louis Masson pour les éléments textuels. 

Ajouter un commentaire