La Révolution parlementaire n’aura pas lieu
Hasard du calendrier, la nomination du Bureau de l’Assemblée nationale se tenait en même temps que l’élection du nouveau président du Sénat. Mais, que ce soit au Palais Bourbon ou au Palais du Luxembourg, la révolution parlementaire n’a pas eu lieu.
Tout ça pour ça
À l’Assemblée nationale, on remettait en jeu les postes de vice-présidents, de questeurs et de secrétaires. Les postes de présidents de commission ont également été remis en jeu. Néanmoins, parler de remise en jeu est un abus de langage : en dehors des secrétaires, qui ont partiellement bougé, rien n’a changé. Les secrétaires de l’Assemblée nationale ont une fonction plus représentative qu’autre chose, ils servent à assurer un équilibre politique dans les décisions du Bureau de l’Assemblée nationale.
Pouvait-on s’attendre à une révolution ? On aurait pu pour deux raisons. La première tient au psychodrame sur la présence du Rassemblement National dans les postes de vice-présidents. Était-il possible de n’avoir aucun vice-président du Rassemblement national ? Numériquement, ils sont le premier groupe d’opposition avec 88 membres, suivi de La France Insoumise, avec 75 membres, puis des Républicains, avec 62 membres. Or, le partage des responsabilités se fait en fonction du nombre de députés, avec un système de points.
En un mot comme en cent, le Rassemblement national, avec ses 88 membres, dispose de 4 points qu’il peut utiliser comme bon lui semble. La seule manière de changer cela aurait été de changer le règlement de l’Assemblée nationale et d’y inclure un article indiquant que le bureau ne doit pas tenir compte des équilibres politiques.
Mais, aucun changement du règlement de l’Assemblée nationale n’a pointé son nez. L’autre solution aurait été que l’ensemble des groupes de la coalition de la NUPES fusionne en un seul groupe. Là non plus, vu les échanges de noms d’oiseaux et de guerres intestines, ce n’est pas à l’ordre du jour. En réalité, la seule façon de ne pas avoir de membre du Rassemblement National dans le Bureau de l’Assemblée nationale aurait été de ne pas avoir du tout de députés du Rassemblement National. Les Français en ont décidé autrement en juin 2022.
Pourtant, il y avait un poste pour lequel on pouvait s’attendre à un changement : le poste de questeur dévolu à l’opposition. C’est le groupe des Républicains qui le voulait, disposant du nombre de points nécessaires. Éric Ciotti l’avait obtenu. Depuis, Mediapart a découvert que le député faisait profiter sa mère de l’argent de la sécurité sociale. Autant dire que dans un monde normal, on aurait des réserves à confier des responsabilités budgétaires à une personne soupçonnée d’avoir réalisé des économies sur le dos de la sécurité sociale. On aurait pu également avoir des réserves compte tenu des soupçons d’emplois fictifs de son ex-épouse. Mais, les voies des Républicains sont impénétrables et Éric Ciotti a gardé son portefeuille bien garni de questeur. Notons qu’Éric Woerth, anciennement LR, reste aussi questeur, tout en cumulant cette fonction avec un renvoi en correctionnelle pour le financement avec des fonds libyens de la campagne présidentielle de 2007.
Du côté des commissions permanentes, aucun changement dans les présidences, y compris en commission des finances. Durant la précédente session, certains députés de la majorité présidentielle souhaitaient se débarrasser d’Éric Coquerel. Ils n’ont manifestement pas été entendus.
Un fauteuil pour Gérard Larcher
Qui doutait réellement que Gérard Larcher allait être réélu en tant que Président du Sénat ? Curieusement, sur les réseaux sociaux, certaines voix s’élèvent pour fustiger l’absence de renouvellement de cette institution. C’est oublier comment sont élus les sénateurs.
Ces derniers arrivent au Palais du Luxembourg par le vote des grands électeurs, que sont les élus locaux. Il ne s’agit pas d’un suffrage universel direct comme le connaissent les députés. La campagne est aussi plus courte et on admettra qu’avoir été élu local est d’une très grande aide. Rares sont les sénateurs qui ne sont pas détenteurs d’un mandat municipal ou départemental ou régional. D’ailleurs, techniquement, les sénateurs représentent les collectivités locales, là où les députés représentent la Nation.
Gérard Larcher est issu des LR, mais avec 218 voix, il est probable qu’il ait recueilli des votes au-delà de sa seule famille politique. Peut-être même en provenance des quelques sénateurs appartenant à la majorité présidentielle.
Dans son discours, Gérard Larcher a fait passer un message assez clair : le Sénat est un contre-pouvoir à la mauvaise législation et à Emmanuel Macron. Sur ce point, dans la mesure où le projet de loi sur le plein emploi comporte des fantaisies directement issues du Sénat, on n’est pas sûr de lui donner raison. Néanmoins, on doit au Sénat quelques belles commissions d’enquêtes et assimilées, qui ont gêné le Gouvernement.
Le reste du Bureau du Sénat sera renouvelé dans la semaine, on n’aime pas brusquer les choses dans cette maison. Là encore, on ne s’attend pas à une révolution.
Opposition ?
Voilà un an que le second mandat d’Emmanuel Macron a débuté, avec une Assemblée nationale politiquement diverse. Pendant un an, les députés ont été menacés à demi-mot de dissolution. Les oppositions ont répondu « chiche », enfin presque toute. Car, au bout d’un an, il y a un groupe dont on ne sait toujours pas s’il s’inscrit dans l’opposition : les Républicains.
Malgré une dizaine de motions de censure, le groupe LR n’en a voté aucune. Quelques députés ont individuellement voté pour. Tous les textes budgétaires sont passés grâce à eux. On sait d’ores et déjà que les projets de loi de finances et de financement de la sécurité passeront grâce à l’utilisation de l’article 49 alinéa 3.
Et, on sait aussi qu’à ce jour, le seul cas où le groupe LR envisage une motion de censure est si le texte sur l’immigration leur semble trop à gauche. Peut-on imaginer que la coalition de la NUPES voterait une motion de censure déposée par LR, dans l’hypothèse d’un texte que ces derniers considèrent comme trop à gauche ?
L’hypothèse d’une dissolution, en réaction à une motion de censure adoptée qui ferait chuter le Gouvernement, paraît s’éloigner de plus en plus, tant les députés paraissent être finalement bien installés dans une routine braillarde. Derrière les grandes déclarations révolutionnaires et les petites manœuvres, il ne reste pas grand-chose.