La validation des commissaires désignés : d’abord la politique, ensuite le reste

Les eurodéputés vont voter la semaine prochaine pour la nouvelle Commission européenne mais, ils ne sont pas tous heureux du casting, ni du processus.
Les eurodéputés vont voter la semaine prochaine pour la nouvelle Commission européenne mais, ils ne sont pas tous heureux du casting, ni du processus.

On arrive au bout du processus de désignation des commissaires pour la Commission européenne. Mercredi 27 novembre 2024, les députés européens devront voter en séance plénière, pour valider ou non, les commissaires désignés. 

Au début du mois de novembre, les commissaires se sont succédé devant les commissions du Parlement européen. Objectif : dérouler une éventuelle feuille de route, répondre aux interrogations des parlementaires, éclaircir certains points nébuleux. Objectivement, entre les casseroles de certains, la couleur politique ou la simple question de leur compétence, on aurait pu penser que tous les commissaires désignés ne passeraient pas l’examen de passage. 

Ce sera pourtant le cas, sauf surprise. 

« Les auditions ne servent qu’à valider les choix qui ont été faits par les États. Cela a l’apparence d’un processus démocratique, mais, cela ne sert qu’à mettre en scène le renforcement de la Commission européenne » explique Arash Saeidi. « Chaque État propose un ou plusieurs noms et la couleur politique du pays entre en ligne de compte. Mais, on ne doit pas “vendre” ce processus comme un examen de passage. On est plutôt sur une présentation générale ». 

Anthony Smith est plus radical concernant le poids de la Commission européenne « Les commissaires ont parfois un portefeuille balayant les compétences de huit commissions parlementaires. Cette nouvelle gestion n’a qu’un seul but : accroitre le pouvoir de Madame Von der Leyen et limiter la marge de manœuvre des commissaires ». 

Est-ce pour cela que les commissaires désignés ont été si vagues lors de leurs auditions ? En effet, dans l’ensemble, ils ne paraissaient pas avoir de programme défini ou de grandes mesures à annoncer. Dans le meilleur des cas, cela ressemblait à une gestion des affaires courantes. Là encore, Arash Saeidi nous décrypte le processus « c’est l’exercice qui veut cela et c’est presque rassurant. Cela veut dire que tout n’est pas écrit et que les députés européens ont une marge de manœuvre dans la négociation ». 

Faut-il le rappeler ? L’initiative législative vient principalement de la Commission européenne et certains sujets sont partagés entre plusieurs commissaires désignés. L’exemple le plus explicite est le MERCOSUR qui va concerner au moins trois commissaires désignés

« Ce qui va compter pour le futur est la capacité d’écoute des commissaires désignés ». Quid des casseroles et des dossiers encombrants ? « C’est le gros point noir du processus » pour Arash Saeidi « au niveau de l’Europe, nous n’avons pas réellement d’équivalent de la HATVP. Notre procédure de vérification des conflits d’intérêts est quasiment factice. Certains commissaires désignés ont travaillé dans des sociétés de conseil il y a encore six mois et on ne peut même pas leur demander la liste de leurs clients. Quant au volet relatif à la probité, il est inexistant. C’est amusant de constater que le processus de recrutement des assistants parlementaires du Parlement européen est plus strict que pour les commissaires désignés ». 

Est-ce que la politique domine sur les compétences et les casseroles ? Trois candidats ont soulevé des interrogations : le commissaire italien, du fait de son appartenance à l’extrême-droite, le commissaire hongrois pour ses prises de position concernant les femmes et les droits LGBTQIA+ la commissaire espagnole. Pour cette dernière, la raison officielle est sa gestion de la catastrophe survenue à Valence. En réalité, c’est parce qu’elle est l’une des rares à avoir une étiquette de gauche dans l’exécutif européen. 

 L’Espagne est quasiment un État fédéral où l’équivalent des présidents de région sont les premiers décisionnaires. Bien qu’actuelle ministre de la Transition écologiste, Teresa Ribera ne pouvait pas légalement passer par-dessus la tête du Premier ministre Pedro Sánchez ni de Carlos Mazón

En coulisses, des tractations ont été menées : la santé, qui devait être dans le portefeuille du candidat hongrois va être attribué à la candidate belge Hadja Lahbib « avec Renew, nous avons demandé que son portefeuille soit notamment revu, qu’il s’agisse des droits sexuels reproductifs ou encore d’autres éléments de santé publique, ses missions et actions ne peuvent lui être conférées » indique Marie-Pierre Vedrenne au sujet d’Olivér Várhelyi.

Anthony Smith est encore plus clair « la présence de Raffaele Fitto, désigné par l’Italie de Georgia Meloni, Olivér Várhelyi désigné par Viktor Orban est un casus belli ».

Et du côté de la droite et de l’extrême-droite ? Malgré nos tentatives, aucun ne s’est donné la peine de répondre. C’est pourtant la droite qui a pesé de tout son poids dans la balance des négociations : ou Fitto et Várhelyi étaient validés ou la droite votait le rejet de Ribera (Espagne). Et pourquoi pas, des autres, tel que Stéphane Séjourné. 

Anthony Smith ne fait pas mystère de sa position « Globalement, ces auditions ne sont de toute façon qu’une farce démocratique, notamment du fait des accords passés à huis clos et dans les couloirs des arcanes européens. C’est un format qui ne laisse que peu de place au débat. Rien n’est fait pour faire acte d’une réelle transparence et de respect des électeurs qui nous ont élus. Dans ces conditions, je me suis opposé à toutes les candidatures ».

Finalement, l’étiquette politique est ce qui a le plus compté dans le processus de validation des commissaires européens.