Le budget : le futur juge de paix

On ne peut pas dire qu'il ne s'est rien passé aujourd'hui. Mais, il ne s'est pas passé grand-chose.
On ne peut pas dire qu'il ne s'est rien passé aujourd'hui. Mais, il ne s'est pas passé grand-chose.

« Bon, j’ai un problème »
« Lequel ? »
« Je n’ai rien à raconter sur cette journée. Tous les députés que j’interroge me répondent la même chose. Vous ne pouvez pas tous avoir les mêmes éléments de langage, surtout quand vous n’êtes pas des mêmes groupes. »
« Et qu’on n’a pas eu d’élément de langage. Mais, racontez ça. Qu’il n’y a rien à raconter sur cette déclaration de politique générale. »

Comment fait-on un papier quand on n’a rien à raconter sur un élément aussi fondamental politiquement qu’une déclaration de politique générale, d’un nouveau Gouvernement, surtout quand celui-ci a mis plus de deux mois à voir le jour ? Comment est-ce possible de n’avoir rien à raconter ? 

En fait, Michel Barnier a tenté de parler à tout le monde dans son discours. Six points qu’il a déroulés pendant un peu plus d’une heure, points qui devaient rassembler aussi bien la droite que la gauche et éventuellement l’extrême-droite. Mais, la partition est connue d’avance : le juge de paix, le vrai, sera le budget. On peut dire qu’il faut plus de justice fiscale. Néanmoins, cela doit se traduire dans un projet de loi de finances. On peut claironner qu’on veut laisser plus de libertés aux collectivités territoriales, encore faut-il que les véhicules législatifs et réglementaires ne les empêchent pas de prendre des décisions. On peut clamer qu’on a besoin de plus de prisons en France, encore faut-il qu’il n’y ait pas d’opposition des élus locaux, etc. 

En clair, il faut des actes. Car, pour les paroles, cela fait plus de deux mois que les Français les entendent avec la sensation palpable de ne pas vraiment avoir été entendus. Personne ne s’attendait à un discours flamboyant. Michel Barnier n’est pas un tribun. C’est un négociateur, un homme de compromis, un besogneux. Il plaît à ceux qui ont un tempérament discret, qui aspirent au calme et à l’apaisement. Est-ce adapté à l’Assemblée nationale ? Le Palais Bourbon peut-il exister sans coups d’éclat ? Sans coups de menton ? Bonne question. 

D’autant que deux rumeurs se propagent gentiment en salle des quatre colonnes et des pas perdus. La première est que l’article 49 alinéa 3 sera actionné sur le projet de loi de finances pour 2025. On ne change pas les (bonnes) habitudes, mais, si cela se révèle exact, pour le compromis, on repassera. La seconde rumeur vient alimenter la première : Michel Barnier et son Gouvernement comptent surtout s’appuyer sur le Sénat. 

« C’est un déni de démocratie. Avec tout le respect qu’on a pour les sénateurs, ils ne sont pas élus directement par les citoyens. Ce sont les représentants des territoires. Passer par-dessus la tête des députés, qui eux, sont élus par les citoyens, c’est passer au-dessus de la tête de ces derniers » nous indique une source parlementaire qui n’a pas vraiment un profil de grand révolutionnaire. 

« Attendez-vous à beaucoup vous ennuyer sur cette session, car tout va être comme ça » soupire une autre source parlementaire. Comment ça, comme ça ? Plat. C’est l’autre constat de cette journée. Si on écarte l’exceptionnelle affluence journalistique, il n’y avait pas de rythme. Même le groupe La France Insoumise avait l’air anesthésié. La feuille verte — calendrier des séances à l’Assemblée nationale — est quasiment vide. Pourtant, le Premier ministre l’a dit : il y a des chantiers, des urgences, des attentes auxquelles il faut répondre. Le pourra-t-il ?

Car, la motion de censure guette. Pas celle dont nous parlions la semaine dernière et qui sera examinée la semaine prochaine finalement, mais l’autre. Celle qui arrivera après le budget. Sauf si Michel Barnier arrive à inclure dans son budget, suffisamment de gages pour sauver son Gouvernement. Budget qu’on ne connaît pas encore, vu qu’il est retardé. Et si le 49 alinéa 3 est dégainé, qui votera la motion de censure qui en découlerait mécaniquement ? Bien malin celui qui peut répondre maintenant. Les députés sont un peu perdus et tout le monde attend de voir.

On connaissait « en attendant Godot », la XVIIe législature vient de nous donner « en attendant Barnier », mais tout le monde n’a pas le talent de Beckett et les acteurs ne seront pas toujours à la hauteur. 

En effet, c’est l’autre « drame » de l’Assemblée nationale qui se joue en coulisses. Les membres du Gouvernement avaient des postes au Palais Bourbon. Or, ils ne comptent pas les quitter immédiatement. On se range du côté de la loi sur la suppléance : il y a un mois de battement entre la nomination du Gouvernement et la prise de fonction du suppléant, s’il veut bien y aller. D’ici là, le siège et donc le poste restent vacants. Pourtant, quand Kasbarian a été nommé au Gouvernement, la commission des affaires économiques a tout de suite procédé à l’élection d’un nouveau président. Pas de réponse franche. En attendant, un intérim en commission va être organisé. Pour le reste, il faudra attendre. Encore et toujours. 

Jusqu’à quand ?

Demain auront lieu les premières Questions au Gouvernement, dont on sait que certaines concerneront l’actualité internationale, en particulier les évènements au Proche-Orient. 

Nos lecteurs trouveront ci-joint le texte de la déclaration de politique générale de Michel Barnier. Il ne l’a pas toujours suivi à la lettre, mais l’essentiel des mesures proposées y est.