L’échec annoncé de la niche LFI
Ce jeudi 28 novembre 2024 est consacré à la « niche » parlementaire du groupe de La France Insoumise (LFI). Comme de funestes coutumes désormais, la niche comprend trop de textes, mais fait plutôt rare, un texte concentre toutes les aigreurs parlementaires : celui proposant l’abrogation de la retraite à 64 ans.
La niche : une journée dédiée aux groupes d’opposition
Une « niche » parlementaire est une journée dédiée aux groupes d’opposition ou minoritaire. La répartition se fait en conférence des présidents sur une année, de façon à ce que chaque groupe ait sa journée pour défendre ses textes.
Les habitués de l’Assemblée nationale le savent : les députés déposent beaucoup trop de textes. Les propositions de loi sont devenues des objets de communication plus que des idées d’amélioration de la loi. Comment sont choisis les textes pour la niche ?
Cela fait l’objet d’un arbitrage au sein des groupes parlementaires, à charge pour les députés auteurs de trouver les bons arguments. Mais, au fil des ans, les niches parlementaires sont devenues obèses.
Un calendrier très contraint rendant très difficile le succès d’une niche
La niche parlementaire est un exercice difficile pour les groupes. La journée commence à 9 h et s’arrête obligatoirement à minuit, peu importe que l’ensemble des textes ait été examiné ou non. Dans le détail, on commence à 9 h jusqu’à 13 h, puis de 15 h à 20 h et de 21 h 30 à minuit. Cela donne 11 h 30.
Dans ces 11 h 30, il faut compter un point important : la discussion générale. Le temps de parole du Gouvernement est illimité. Le rapporteur a 10 ou 15 minutes pour défendre le texte et chaque groupe dispose de cinq minutes. Il y a onze groupes et les non-inscrits ont quand même le droit à la parole. Cela ôte au minimum 1 h 20 de temps sur les 11 h 30. Les députés votent à la fin de l’examen d’un texte : les textes de niche ne font pas l’objet d’un scrutin solennel, c’est un simple scrutin public. Qui dit scrutin sur un texte dit explications de vote. Là encore, les groupes ont droit à deux minutes. On enlève donc 25 minutes approximativement.
Selon cette arithmétique parlementaire, l’examen de chaque texte dure deux heures, sans même l’examen des amendements. Dès lors, on comprend bien qu’une niche parlementaire qui compte plus de quatre textes, a très peu de changements d’être couronnée de succès.
L’abrogation de la retraite à 64 ans : bombardement d’amendements
En commission, LFI a réussi à faire voter sa proposition de loi abrogeant la retraite à 64 ans. Mais, c’était sans compter sur l’examen en séance publique et le groupe a eu une drôle de surprise en consultant la liasse des amendements. Presque mille amendements ont été déposés.
Chaque député dispose de une à deux minutes pour défendre son amendement. Le rapporteur dispose du même temps de réponse, le Gouvernement n’est pas limité dans son temps de réponse. Ensuite, le président de séance prend les expressions des groupes et lorsque le temps est contraint, il peut choisir de prendre un « pour » et un « contre ».
Cela donne cinq minutes par amendement, pour peu que les auteurs soient présents pour les défendre. Mille amendements, cela donne 83 heures de discussion. Ce qui se traduit en calendrier parlementaire en deux semaines d’examen.
La réponse du berger à la bergère
Qui a bombardé la proposition de loi de LFI ? Sur la base de la liasse en open-data de l’Assemblée nationale, on voit que cela vient du socle commun. Le Rassemblement National n’a déposé aucun amendement sur ce texte.
Avec 348 amendements, Ensemble pour la République domine largement en nombre, suivi de la Droite Républicaine avec 259 amendements. Les Démocrates et le groupe Horizons & Indépendants complètent le quatuor principal, avec respectivement 193 et 161 amendements déposés. Les autres groupes parlementaires se situent à des niveaux bien plus modestes : les Socialistes et apparentés et l’UDR (Union des droites pour la République) n’ont proposé que trois amendements chacun, tandis que des groupes comme Gauche Démocrate et Républicaine, La France insoumise - Nouveau Front Populaire, et Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires n’en ont déposé que deux chacun.
Nicolas Turquois est celui qui a déposé le plus d’amendements : 83, suivi de Marc Fesneau avec 73 et de Nathalie Colin-Oesterlé avec 70. Les eux premiers représentent 80 % des amendements du MoDem.
Si LFI s’insurge contre ce déchaînement d’amendements, cela fait pourtant partie des armes parlementaires à la disposition des députés pour contrer un texte. LFI ne s’en est jamais privé par le passé, même s’ils l’ont peu fait durant les niches. En particulier, au moment de la réforme des retraites, qui avait pourri la vie de la majorité présidentielle.
En sacrifier un pour sauver tous les autres ?
Que peut faire LFI ? Le groupe a deux solutions : conserver le texte sur la réforme des retraites et sacrifier tous les autres textes de la niche ou le retirer de l’ordre du jour.
Aymeric Caron l’avait fait sur son texte sur la corrida, mais de manière assez stupide. Il avait gaspillé du temps et laissé filer la discussion générale et l’examen de quelques amendements, au lieu de demander dès le départ le retrait.
D’autant que rien n’indique que le ministre au banc accepte de lever le gage contenu dans les articles 2 et 3.
Pour le moment, rien n’indique que LFI va retirer son texte et les députés ne se privent pas de dire ce qu’ils pensent à leurs collègues du socle commun sur X (anciennement Twitter). Mais, cela suffira-t-il à les convaincre de retirer leurs amendements ? On peut en douter, d’autant qu’ils n’ont plus grand-chose à espérer politiquement.