Les Républicains sortent leur programme pour les élections européennes
Bien que cela se déroule dans une indifférence quasi généralisée, les élections européennes approchent à grands pas. Si les partis ont jusqu’à ce vendredi 17 mai 2024 pour déposer leurs listes, ils peuvent commencer à plancher sur les programmes. Il ne suffit pas de dire qu’on est candidat, encore faut-il donner envie aux électeurs de se déplacer le 9 juin — date du scrutin en France métropolitaine.
Ce mercredi 15 mai 2024, Les Républicains ont mis en ligne deux nouvelles pages sur leur site officiel : le bilan de la neuvième législature au Parlement européen et le programme. En plongeant dans ce dernier, on s’interroge : Les Républicains ont-ils compris qu’il s’agissait d’des élections européennes et non d’une élection présidentielle ?
On en doute et pour cause : chaque grand axe de campagne est décliné en deux parties : à l’échelle européenne et au niveau français. On ne comprend pas vraiment ce que le niveau français vient faire dans un programme pour les Européennes, sauf à essayer de rappeler que Les Républicains sont dans l’opposition, sans pour autant voter de motion de censure.
En dehors de la majorité présidentielle, Les Républicains tentent de marquer leur différence d’avec le Rassemblement National. Si LR soutient l’Ukraine, le parti s’oppose fermement l’adhésion à l’Union européenne de cette dernière, ainsi que pour d’autres États, oubliant que le processus prend des années et ne peut pas se décider sur un coin de table, entre la poire et le fromage.
Autre curiosité : LR propose d’imposer à tous les États membres de l’Union européenne, y compris ceux qui ne sont pas membres de l’OTAN, de consacrer 3 % de leur PIB annuel aux dépenses de défense. L’histoire ne dit pas comment il va opérer ce tour de force. C’est tout le charme des programmes électoraux : chaque candidat ajoute son idée, mais, ne dit jamais comment il va techniquement la faire aboutir, ni si la mesure est du bon niveau.
Pour le volet économique, LR propose de réduire le nombre de fonctionnaires : « la fonction publique européenne doit être réduite de 25 % dans les fonctions de législation, car il y a toujours moins de normes quand il y a moins de fonctionnaires » ainsi que la réduction du budget de fonctionnement de l’Union européenne.
Toujours dans cette section, le parti se propose de faire de l’Union européenne une puissance en matière de numérique, en particulier en créant un Fonds européen pour l’accompagnement des transformations de l’économie liées à la révolution de l’intelligence artificielle. Pile : on supprime des budgets et des fonctionnaires, face : on veut dépenser des fonds.
Le troisième volet concerne l’agriculture. Sans surprise, LR propose d’augmenter le budget de la politique agricole commune (PAC), de la politique commune de la pêche (PCP) et d’instaurer des aides directes aux agriculteurs, sans oublier la création de divers fonds. Surgissant au milieu de ces propositions : la régulation du loup sur le territoire européen. LR propose d’augmenter ce qu’on appelle les prélèvements et de les effectuer de manière préventive. En langage clair : de permettre de tuer plus de loups.
N’étant pas à une incohérence près, après avoir fait la promotion de la chasse, le programme enchaîne avec le volet changement climatique et biodiversité. La focale est mise sur le nucléaire, ce qui ne surprendra personne. Mais, le parti n’oublie pas de fustiger les éoliennes et les panneaux photovoltaïques, de même que la législation sur les passoires thermiques.
L’avant-dernière partie est dédiée à l’immigration et à la maîtrise des frontières. Le parti propose d’augmenter les effectifs de Frontex et de créer des centres d’accueil fermés où les demandeurs d’asile seraient conduits, sans possibilité d’en sortir, le temps de l’examen de leur demande. LR ajoute à son pacte une liste commune à toute l’Union européenne de pays sûrs, assortie d’une présomption d’irrecevabilité de la demande d’asile si le demandeur en est originaire. Autre idée : conditionner l’aide au développement, les visas et l’accès au marché intérieur à la coopération des pays qui ne reprendraient pas leurs ressortissants. En cas de mauvaise volonté, le parti propose des sanctions économiques envers les pays récalcitrants. Mesure qu’on a déjà vu à l’extrême-droite : le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures des États, sans accord préalable de la Commission européenne.
Mais, la mesure la plus curieuse du lot est certainement le conditionnement des prestations sociales non contributives (le RSA par exemple) à une présence régulière d’au moins trois ans sur le sol européen. On ne comprend pas vraiment en quoi cela relève de l’échelon européen.
Faisant sûrement écho au récent rapport du Sénat sur le trafic de stupéfiants, Les Républicains proposent de créer une force de police européenne contre le trafic de drogue.
Le dernier volet du programme est dédié à une refonte institutionnelle de l’Union européenne, avec une partie consacrée aux questions de santé, aux infrastructures ferroviaires, à Erasmus. Inséré dans cette partie : « nous proposons que l’Union européenne interdise les plateformes et les réseaux sociaux sous le contrôle de gouvernements autoritaires comme TikTok qui est clairement sous le contrôle du gouvernement chinois ». On ne peut s’empêcher de penser que François-Xavier Bellamy souhaite surfer sur le mouvement initié par Raphaël Glucksmann sauf qu’il y a une incohérence.
Quitte à faire la guerre aux ingérences étrangères, autant mettre en adéquation les paroles et les actes.
Les Républicains peuvent-ils séduire l’électorat de droite avec ce programme ? Rien n’est moins sûr et le dernier rolling IFOP n’est pas très optimiste. Ils sont à 8 % d’intention de vote et on ne peut s’empêcher de constater que le programme manque de mesures très concrètes, qui s’inscrivent dans le quotidien ordinaire des Français.
Néanmoins, il est un élément à mettre au crédit du parti : ils ont fait un « vrai » programme. Renaissance se contente pour le moment d’un livret de neuf pages. Si le Rassemblement National a un programme, il est introuvable sur le site du parti. La France Insoumise a depuis longtemps mis en ligne ses propositions. Le Parti Socialiste, avec Place Publique a également dédié un site à son programme. Reconquête et les Écologistes (ex-EELV) ne paraissent pas avoir inséré d’onglets dédiés aux élections européennes sur leurs sites respectifs.