Les trous dans la raquette de la HATVP - le cas de Caroline Cayeux

Les archives de Caroline Cayeux - HATVP - 3 février 2018
Les archives de Caroline Cayeux - HATVP - 3 février 2018

Lundi 28 novembre 2022, Caroline Cayeux, jusqu’alors ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, annonce sa démission. La raison ? La Haute Autorité pour la Transparence dans la Vie Publique (HATVP) estime qu’elle a minoré son patrimoine. 

Ce mardi 29 novembre 2022, la HATVP indique avoir informé le procureur de la République, sur la base de l’article 40 du code de procédure pénale, des différents manquements de Caroline Cayeux. Il lui est notamment reproché d’avoir évalué de façon mensongère son patrimoine et soupçonne qu’elle se serait rendue coupable de fraude fiscale. 

On ne peut que déplorer qu’il ait fallu tout ce temps pour mettre au jour une situation. En effet, Caroline Cayeux n’est pas issue de la société civile : conseillère régionale, sénatrice, maire, ministre, elle est dans la machine politique depuis longtemps. 

La loi sur la transparence dans la vie publique est née suite au scandale Cahuzac et c’est en 2014 que les parlementaires ont commencé à remplir leurs premières déclarations d’intérêts et de patrimoine. Lors de l’examen des déclarations d’intérêts des députés de la XVe législature, il avait été possible de constater que tous les députés ne jouaient pas le jeu. Tout comme il avait été possible de constater que la HATVP n’effectuait pas les contrôles nécessaires. 

La raison est assez simple : un manque de moyens humains, techniques et financiers. L’autorité ne peut pas tout contrôler en permanence et cela donne des situations absolument ridicules comme celle de cette semaine avec Caroline Cayeux.

En tant que sénatrice, elle avait déjà dû remplir une déclaration d’intérêts et une déclaration de patrimoine. La question est : est-ce qu’entre 2011 et 2017, les faits aujourd’hui reprochés à Caroline Cayeux existaient déjà ? 

En 2017, Caroline Cayeux, confrontée à la loi sur le cumul des mandats, décide de ne pas se représenter en tant que sénatrice et se consacre à la mairie de Beauvais. Comme le montrent les archives de la HATVP, elle avait dû remplir une déclaration d’intérêts et une déclaration de patrimoine. Elle est restée maire jusqu’en 2022. Puis, c'est Franck Pia qui a pris la suite. Là encore, se pose la même question : est-ce que la situation dont fait état aujourd’hui la HATVP existait au moment où elle était maire ? 

Si l’instruction – probable – permettra de répondre à ces questions, elle ne résoudra pas ce problème d’analyses des déclarations effectuées auprès de la HATVP. En premier lieu, rappelons que seules les déclarations d’intérêts sont publiques. Les seules déclarations de patrimoine disponibles sans restriction sont celles des membres du Gouvernement. Les autres ne peuvent être consultées qu’en préfecture, sans prise de note, sans recherche. Cela constitue une aberration : dans d’autres États membres de l’Union européenne, les déclarations de patrimoine des parlementaires sont accessibles publiquement, sans restriction. C’est le cas en Roumanie : sur les fiches des parlementaires du Parlement roumain (chambre des députés et sénat), un lien vers la déclaration est inséré et permet la consultation de tout : patrimoine, intérêts, etc. 

La déclaration de patrimoine d'un député roumain

La déclaration de patrimoine d'un député roumain

On peut comprendre que la HATVP n’ait pas les moyens de fouiller en profondeur l’ensemble des déclarations. Mais, on ne peut s’empêcher de penser que la rétention des informations des responsables publics ne fait que renforcer la défiance des citoyens envers les politiques. Les journalistes ne peuvent pas procéder à la vérification des informations. 

Le législateur n’a que deux solutions : augmenter considérablement les moyens de la HATVP, afin que ce genre de plaisanteries ne puisse plus avoir lieu ou changer la loi pour libérer toutes les déclarations d’intérêts et de patrimoine des responsables publics, afin que les journalistes – mais pas uniquement – puissent procéder à des vérifications. 

Quant à la question de la probité au sein du Gouvernement, on savait déjà que c’était une cause perdue.  


L'auteur et fondatrice du Projet Arcadie n'a aucun lien de parenté avec le député roumain Dorel-Gheorghe Acatrinei. Il a été choisi par hasard, figurant en premier dans l'ordre alphabétique des députés roumains