MERCOSUR : vers une fin de non-recevoir définitive ?
En visite dans les pays d’Amérique latine, le président de la République Emmanuel Macron a évoqué sa rencontre avec le Président Argentin Javier Gerardo Milei. Il a notamment indiqué qu’en l’état, le MERCOSUR n’était pas satisfaisant, ni pour la France ni pour l’Argentine. En l’état, Emmanuel Macron est défavorable à ce traité de libre-échange.
Qu’est-ce que le MERCOSUR ?
Le MERCOSUR est un traité de libre-échange entre différents États : Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay d’un côté, Union européenne de l’autre. L’idée est de libéraliser les échanges marchands, particulièrement sur les produits agricoles et industriels.
Les agriculteurs français ont déjà fait part de leur crainte de voir arriver sur les étals, des produits agricoles à moindre coût et avec des normes sanitaires plus légères que ce qui est imposé en Europe. En théorie, la Commission européenne peut exiger que les normes des pays du MERCOSUR soient les mêmes qu’en Europe. Un fonctionnaire européen indique à l’AFP « L’accord de libre-échange CETA avec le Canada par exemple ne remplit pas ses quotas d’exportation de viande depuis six ans faute de production aux normes ». Mais, dans le même temps, Bruxelles admet que les conditions de production ne seront pas forcément les mêmes.
Qui négocie le MERCOSUR et qui le vote ?
Si Emmanuel Macron se veut rassurant, les agriculteurs ne sont pas convaincus et ils ont raison d’avoir des craintes. Seule la Commission européenne est à la manœuvre et deux options sont sur la table pour le vote final.
La première consiste à faire ratifier le traité par les 27 parlements nationaux des États membres. Si tel est le cas, on sait d’ores et déjà que l’Assemblée nationale et le Sénat rejetteront le texte. C’est l’un des rares sujets sur lequel il semble y avoir une unanimité.
Mais, la seconde — qui paraît avoir les faveurs de la Commission européenne — consisterait à couper le traité en deux, en faisant voter par le Conseil de l’Union européenne, le texte avec les éléments les plus crispants. Ce ne seront pas les députés européens ou nationaux qui voteraient, mais les chefs d’État ou de gouvernement des pays. Pour la France, ce sera donc Emmanuel Macron.
Si cette option est privilégiée, le vote se fera à la majorité qualifiée. Il y a une méthode de calcul basée sur la population. La France est contre et elle doit réussir à embarquer d’autres pays : soit 15 pays soit 65 % de la population totale.
Dit ainsi, les choses ne sont pas très claires et on peut les illustrer grâce au simulateur de vote du Conseil.
Dans la première hypothèse, on a changé arbitrairement le vote de 13 États, en les prenant par ordre alphabétique et en éliminant l’Allemagne. La population reste favorable à 66,9 %, mais, comme il n’y a plus 15 pays en faveur de l’accord, le texte est rejeté. (Volet de gauche dans l'illustration).
Si on se base sur la population, la France, qui représente 15,11 % de la population européenne, doit réussir à convaincre d’autres « gros » États. On sait déjà que l’Allemagne et l’Espagne sont pour le MERCOSUR, tandis que la Pologne et l’Autriche sont contre.
Cela représente 25,5 % de la population. Il suffit d’embarquer l’Italie* dans les États qui seraient contre. Il s’agit ici d’une hypothèse de travail, dans la mesure où le Gouvernement italien semble plutôt favorable à l’accord. (Volet de droite dans l'illustration)
Si le MERCOSUR est validé par le Conseil, le texte doit être ratifié par le Parlement européen et il faudra alors que les eurodéputés français mobilisent leurs collègues de groupe politique s’ils ne souhaitent pas que cet accord entre en vigueur.
Une dernière option : l’initiative citoyenne européenne
Cette possibilité est très peu connue des Français, mais, il est possible de changer la législation européenne grâce à l’initiative citoyenne européenne. Il « suffit » d’avoir un million de signatures vérifiées, sur une initiative lancée par au moins sept ressortissants de l’Union européenne, en âge de voter. Les conditions sont disponibles ici.
Une initiative citoyenne européenne peut-elle légalement empêcher la signature d’un traité ? Le Tribunal de l’Union européenne a répondu oui. Un collectif de citoyens avait demandé à enregistrer une initiative, afin d’empêcher la signature du CETA et la Commission avait refusé, indiquant qu’elle se situait en dehors du cadre de ses attributions. Le Tribunal de l’Union européenne avait annulé la décision de la Commission. Le seul problème étant que la décision est arrivée après la signature du traité.
À charge pour les opposants au MERCOSUR de se saisir de cette possibilité, en réunissant sept concitoyens de l’Union européenne.
*Mise à jour du lundi 18 novembre 2024 à 15 h 45 : le ministre de l'Agriculture italien s'est exprimé "Le traité UE-Mercosur sous sa forme actuelle n'est pas acceptable". Cela a son importance, car l'Italie est l'un des pays les plus peuplés de l'Union européenne.