Niche LR survoltée - obstruction gouvernementale ?
La niche LFI de la semaine dernière avait donné lieu à de divers débordements, comme rarement on en avait vu dans cette Assemblée. Tant et si bien que notre confrère Wally Bordas du Figaro s'en était fait l'écho : "Insultes, intimidations : à l’Assemblée, la « haine » entre députés grandit".
Nous avions présenté la niche parlementaire du groupe Les Républicains dans notre précédente brève du 8 novembre 2022. Quatre textes étaient à l'ordre du jour : la retraite des agriculteurs, l'assouplissement des conditions d'expulsion des étrangers constituant une menace grave à l'ordre public, la création d'une juridiction spécialisée pour expulser les étrangers délinquants et enfin, la création d'une juridiction spécialisée dans les violences intrafamiliales.
La proposition de loi visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction de leurs seules vingt-cinq meilleures années de revenus a été adoptée sans difficulté et à l'unanimité.
Les deux textes sur les étrangers ont été rejetés.
À 18 h, l'Assemblée nationale a entamé l'examen de la proposition de loi sur la création d'une juridiction spécialisée dans les violences intrafamiliales. En théorie, avec une cinquantaine d'amendements au texte, le vote final aurait pu avoir lieu en début de soirée. Le Garde des Sceaux, en introduction de la discussion générale, s'est exprimé pendant 29 minutes (et 12 secondes). La ministre en charge de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances, durant 8 minutes (et 46 secondes). Les différents orateurs se sont succédé en 50 minutes, soit cinq minutes par orateur. Éric Dupond-Moretti a repris la parole pendant 11 minutes (et 54 secondes), de même qu'Isabelle Rome pour une minute et 20 secondes.
On aurait pu croire que la présentation générale du texte avait largement été faite et que la séance du soir - de 21 h 30 à minuit - serait suffisante pour examiner les 63 amendements sur le texte. Il n'en fut rien. Le rapporteur Aurélien Pradié a accusé quelques minutes de retard. La séance n'a pu débuter qu'aux environs de 21 h 37. Sylvain Maillard a procédé à un rappel au règlement. Le rapporteur lui a répondu, notamment pour s'excuser de son retard. Déjà 18 minutes et 22 secondes de perdues. Le Garde des Sceaux et la ministre en charge de l'égalité ont également pris la parole, le premier pour 6 minutes et 15 secondes et la seconde, pour 2 minutes et 48 secondes.
Les inscrits à l'article premier se sont exprimés, puis est venu l'examen des amendements 51 à 54 et des rappels au règlements. Le Garde des Sceaux reprend la parole pour une minute et 59 secondes et la ministre chargée de l'égalité pour deux minutes et 18 secondes. Après que les différents groupes de l'opposition ont annoncé qu'ils retiraient l'intégralité de leurs amendements sur ce texte, pour avoir la certitude que le vote puisse intervenir avant la levée de séance, le Garde des Sceaux a repris la parole. Notons qu'un retrait massif d'amendements en cours de séance est quelque chose de très rare et que tous les groupes ont déploré qu'ils étaient contraints de procéder ainsi pour aboutir au vote du texte. En effet, on ne prolonge pas la séance au-delà de minuit pour les niches parlementaires. Pour cette prise de parole, le Garde des Sceaux a parlé 6 minutes et 42 secondes. Puis, la ministre en charge de l'égalité a repris la parole pour une minute et 22 secondes.
Mais, ce décompte ne tient pas compte du temps de parole des ministres aux amendements. Pour les amendements 54 à 51, Éric Dupond-Moretti a parlé pendant 6 minutes et 35 secondes et Isabelle Rome, 5 minutes et 11 secondes. Sur les amendements 21 à 40, ils ont respectivement parlé durant 4 minutes et 55 secondes et une minute et 57 secondes.
Sur la séance du soir, qui a duré 02h38mn19, le Gouvernement a pris la parole - selon notre décompte approximatif réalisé sur la base de la vidéo fournie par l'Assemblée nationale, pendant 40 minutes et 2 secondes. Dès lors, peut-on parler d'obstruction gouvernementale ? Si on se fie à ce seul décompte arithmétique et imparfait, non. Pour autant et le compte rendu de séance - quand il sera disponible - le montrera, le Garde des Sceaux a tout fait pour hystériser les débats. Sa difficulté réside dans son absence de soutiens en dehors de la seule majorité présidentielle. Selon l'avis d'avocats en droit de la famille, le texte d'Aurélien Pradié n'est pas exempt de lacunes. Le Garde des Sceaux a vainement tenté de convaincre les députés indécis du bien-fondé de ses réserves. Mais, son attitude générale n'a réussi qu'à crisper l'auditoire.
C'est in extremis que le texte a été voté, aussi bien sur le temps sur le nombre de votants. 41 pour et 40 contre.
Les deux textes adoptés vont être envoyés au Sénat, qui les mettra à l'ordre du jour quand cela lui conviendra.
Quant à l'atmosphère générale à l'Assemblée nationale, nous ne pouvons que rejoindre les vues exposées dans l'article de Wally Bordas, à savoir que l'ambiance se tend considérablement et que la trêve des confiseurs sera la bienvenue pour tout le monde.