Pas de grandes révolutions en matière de logement, mais de vrais dangers

Guillaume Kasbarian - Présentation du projet de loi logement abordable conseil des ministres 3 mai 2024
Il est assez probable que le projet de loi sur le logement, ne rencontre pas l'adhésion de tous au Parlement.

Après le Conseil des ministres du vendredi 3 mai 2024, Guillaume Kasbarian, ministre en charge du logement présentait en conférence de presse son projet de loi pour développer l’offre de logements abordables. 

Sur le fond, pas de réelle révolution ni de changement de lignes, alors que le logement est un sujet d’inquiétude pour de nombreux Français. Et pour cause : le texte ne concerne que deux populations : les allocataires, effectifs ou potentiels, de logements sociaux et les maires. Pour les autres, il faudra continuer à se battre pour louer ou pour acheter.

Première mesure, qui fait beaucoup de bruit : revoir les quotas de logements sociaux. Dans chaque ville, il doit y avoir un certain nombre de logements sociaux. Dans les logements sociaux, il y a les logements très sociaux (le prêt locatif aidé d’intégration) pour les personnes en situation de grande précarité, les logements sociaux « classiques » (le prêt locatif à usage social) et le logement social intermédiaire, qui concerne les personnes qui ont des revenus trop élevés pour se loger en théorie dans les HLM, mais qui sont trop bas pour se loger dans le privé. 

Dans les communes de plus de 3 500 habitants (ou 1 500 en région parisienne), qui appartiennent à des intercommunalités, il doit y avoir entre 20 % et 25 % de logements sociaux. Toutes les communes ne jouent pas le jeu et préfèrent payer des amendes. C’est notamment le cas de Boulogne-Billancourt (92) et de Nice (06). À l’inverse, à Saint-Denis (93), les logements sociaux représentent plus de 50 % du parc immobilier. 

Le projet de loi ne prévoit pas d’augmenter les quotas, mais d’y inclure les logements intermédiaires qui n’étaient pas dans l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) du 13 décembre 2000. Ainsi, si dans une commune, il n’y a que des logements intermédiaires, techniquement, cette dernière sera dans les clous de la loi SRU. 

L’objectif du texte est de redonner plus de pouvoirs aux maires dans la gestion des logements sociaux. Ainsi, ces derniers pourront décider de l’attribution de l’intégralité des nouveaux logements sociaux. Ce qui revient à choisir ses administrés. Si on peut y voir une marque de confiance de l’exécutif envers les collectivités territoriales, le risque de corruption n’est pas à exclure, tout comme le risque de clientélisme. 

Récemment, une agente de la mairie des 2ᵉ et 3ᵉ arrondissements de Marseille a été condamnée pour corruption. Elle encaissait pots-de-vin et cadeaux contre la promesse de logements sociaux. En 2021, c’est un ancien élu municipal de la ville de Bobigny qui a été reconnu coupable de trafic d’influence et de corruption : il avait accepté des pots-de-vin en échange de logements sociaux

Quant aux bénéficiaires des logements sociaux, le ministre a fourni une information assez intéressante lors de la conférence de presse, mais, qui laisse songeur. Il y aurait des personnes, bénéficiaires de logements sociaux, qui, en raison de leurs revenus, pourraient payer un loyer dans le parc privé. Mais, il a annoncé être dans l’impossibilité de fournir une donnée chiffrée. Dans le dossier de presse, le ministère indique que plus de 8 % des locataires dépassent aujourd’hui les plafonds de ressources.

Au moment du dépôt d’une demande de logement social, il faut fournir son avis d’impôt sur le revenu. Pour effectuer maintenant une demande, le barème retenu est le revenu fiscal de référence de l’année 2022. Dès lors, si certaines personnes excèdent le plafond, il convient de savoir s’il s’agit d’un dépassement exceptionnel, qui peut être dû à des primes ou s’il s’agit de ressources constantes. 

De la même manière, si les locataires pouvaient effectivement payer un loyer dans le parc privé, est-ce que le dossier serait accepté ? On ne ferait injure à personne en disant que toute personne qui ne présente pas le sacro-saint dossier CDI + trois fois le montant du loyer + garant se fait remercier assez sèchement. 

Sur le portail de demandes de logements sociaux, on comprend aussi que rien n’est centralisé. Par ailleurs, il est déjà possible pour les bailleurs sociaux d’imposer un surloyer si les ressources du foyer sont plus importantes qu’au moment de l’attribution. 

N’aurait-il pas été plus pertinent de procéder à une centralisation des informations des allocataires de logements sociaux avant de créer un véhicule législatif ?   

Et pour les autres, c’est-à-dire les personnes qui ne sont pas dans un logement social ? Le texte ne prévoit absolument rien pour eux, en particulier les primo-accédants à la propriété et les indépendants. 

Interrogé sur ce sujet, le ministre a botté en touche, disant que les taux d’intérêt des banques commençaient à redescendre et qu’il était possible d’acheter un logement social. Or, parmi les freins à la mobilité foncière, il y a l’accession à la propriété. Si les personnes qui sont locataires ne peuvent pas acheter, elles ne vont pas partir de leurs logements. 

Quant aux indépendants, ils sont aussi laissés sur le carreau, qu’il s’agisse des microentrepreneurs, des professionnels libéraux ou des dirigeants non-salariés. Aucune disposition ni même allégement administratif n’est prévu pour eux. Le ministre a vaguement évoqué l’extension du dispositif VISALE pour y inclure les indépendants, mais, cela n’est pas dans le dossier remis à la presse. À ce stade, c’est une arlésienne. 

Toujours selon le ministre, l’examen de ce texte débutera au mois de juin au Sénat. Sur la partie instaurant un pouvoir de décision plus important pour les maires, nul doute que cela passera sans difficulté. Le projet de loi reprend une proposition de loi de Sophie Primas, qui avait été votée le 10 octobre 2023

Sur le fond, le problème ne sera pas résolu avec ce texte, car il ne s’attaque pas réellement au cœur du problème : l’absence de foncier disponible, en particulier dans les zones tendues. Alors que trois sénatrices ont planché sur la question du logement, la plupart de leurs recommandations n’ont pas été intégrées dans le projet de loi.