Pour Rachida Dati, pas d’information de qualité sans groupe industriel pour la financer
Les travaux de la commission d’enquête sur l’attribution des fréquences TNT touchent à leurs fins. En tant que ministre de la Culture, Rachida Dati, célébrée comme prise de guerre au camp des Républicains, était auditionnée.
Il y avait déjà matière à s’interroger sur la pertinence de l’introduction de Rachida Dati au sein du Gouvernement. Après l’audition de la ministre de la Culture, on s’interroge sur sa compétence. Aurélien Saintoul n’a pas vraiment économisé ses piques ni ses insinuations. Humainement, on peut s’interroger, politiquement, on comprend.
Face à Rachida Dati, décrite par tout le monde comme une « tueuse » ou une « flingueuse », on pouvait s’attendre à ce qu’elle roule tranquillement sur le député de La France Insoumise comme un cycliste sur l’autoroute A6, un jour de blocage d’agriculteurs.
Ce ne fut pas le cas, au point de faire bégayer la ministre de la Culture, chose assez rare. Aurélien Saintoul a finalement posé la question que tout le monde se posait, sans oser l’exprimer à voix haute : pourquoi Rachida Dati a-t-elle été nommée ministre de la Culture ? Lui sous-entendait qu’il s’agissait d’un compromis entre Emmanuel Macron et Vincent Bolloré, pour sauver les fréquences TNT attribuées au groupe Canal. Rachida Dati a fermement balayé cette hypothèse d’un revers de la main. Alors pourquoi ? Après les deux heures d’audition, on n’a pas la réponse.
Rachida Dati a expliqué ne pas vouloir empiéter sur les pouvoirs de l’ARCOM sans forcément vouloir lui en accorder plus en matière de sanctions. Elle a esquissé son projet de BBC à la française, sans sortir du flou artistique, répétant à l’envi que la télévision était le seul moyen d’accès à la culture pour certaines populations.
Mais, ce qui est le plus inquiétant est son affirmation concernant l’information dans le secteur audiovisuel « sur les concentrations, sauf à se voiler la face, mais aujourd’hui, vous le savez très bien, les médias, les journalistes, s’ils veulent faire un travail de qualité, parce que l’information fiable, de qualité, ça a un coût. Et donc si vous ne vous adossez pas à un groupe industriel, je ne vois pas comment on fait aujourd’hui ». Il n’est pas certain que cette déclaration soit de nature à rassurer les journalistes qui bataillent pour garder un minimum d’indépendance.
Rappelons à ce stade que pour disposer d’une fréquence TNT, les chaînes de télévision doivent répondre à un certain nombre d’obligations, dont une diffusion en continu. Ces programmes ne doivent pas nécessairement être en direct, mais il ne doit jamais y avoir d’écran blanc ou de mire.
En fait, Rachida Dati n’avait de réponse sur pas grand-chose ni d’avis. En un sens, la sortie totalement lunaire de Meyer Habib l’a sauvé.
La gêne était palpable et Rachida Dati a botté en touche, renvoyant la balle au régulateur, en l’occurrence, à l’ARCOM. Car, en creux, ce que demandait Meyer Habib, c’était d’être invité sur France Inter, France 5 et France 24.
Aurélien Saintoul a joué un bon tour à la ministre de la Culture, qui a perdu son sang-froid, et si on pouvait sentir un inconfort pendant les questions, le diagnostic final n’en reste pas moins sévère à son égard. Elle n’est pas taillée pour ce costume, à très haute teneur politique et technique.
À Fleur Pellerin qu’il avait nommé rue de Valois*, François Hollande expliquait que pour être apprécié dans le monde culturel, il fallait courir tous les évènements culturels et les dîners mondains, mais aussi afficher une très grande technicité, tant sur les sujets relatifs à la culture sont à la fois vastes et complexes.
Personne ne doute de l’appétence de Rachida Dati pour les raouts mondains. Pour la technicité, manifestement, il faudra repasser.
* La rue de Valois est le surnom donné au ministère de la Culture à Paris, installé rue de Valois.