Pourquoi le mandat impératif est nul

mandat impératif

Dans l’article traitant de l’indemnité des parlementaires, nous avons évoqué la notion de mandat impératif. Pour certains, le fait que le mandat des parlementaires soit représentatif et non impératif, justifierait l’inutilité des parlementaires.

En réalité, l’absence de caractère impératif du mandat des parlementaires garantit leur indépendance, non seulement vis-à-vis des électeurs, mais aussi vis-à-vis de leurs groupes parlementaires ou parti politique d’adhésion leur permet de rester libre.

Si le mandat des parlementaires était impératif, ils devraient se conformer strictement à la ligne de leurs partis politiques. Exemple concret : nos amis « les frondeurs » ne pourraient pas exprimer une opinion divergente du Parti Socialiste. De la même façon, au sein des groupes parlementaires écologistes, il y a des voix différentes, qui n’existeraient pas si le mandat était impératif. En poussant encore plus loin le raisonnement, il n’y aurait même pas de statuts différents entre parlementaires d’un même groupe puisque la notion de rattaché ou d’apparenté n’aurait pas lieu d’être.

On pourrait rétorquer que le mandat impératif permettrait d’engager juridiquement la parole de l’élu vis-à-vis de ses électeurs. Si effectivement la perspective de voir des députés poursuivis devant les tribunaux pour ne pas avoir tenus leurs paroles lors de leurs campagnes électorales peut avoir un aspect assez comique et forceraient peut-être les élus à ne pas faire de promesses délirantes, l’exercice du mandat ne serait plus démocratique.

Il est évident que rien n’interdit aux élus de prendre des engagements vis-à-vis de leurs électeurs et beaucoup en prennent et les respectent. Mais l’élu n’est pas un salarié, il n’a pas à recevoir d’ordres, ni de son parti, ni de son groupe, ni de ses électeurs. Si l’élu recevait des directives de ses électeurs, en réalité, il ne serait pas un élu, mais un simple exécutant. Or, le parlementaire est un décideur, il participe à l’élaboration législative, en prenant en compte les intérêts de la Nation.

Prenons une illustration très concrète du mandat impératif. En 1981, la majorité des Français était opposé à l’abolition de la peine de mort. Si le mandat des parlementaires qui ont voté pour l’abolition de la peine de mort était impératif, les parlementaires auraient été obligés de suivre les directives imposées par les électeurs et donc, de voter contre l'abolition la peine de mort. L’exemple est également valable pour l’interruption volontaire de grossesse, pour la loi abolissant l’esclavage, pour les textes à portée sociale, etc.    

La Constitution Français pose l’interdiction du mandat impératif dans son article 27, mais si on pousse le raisonnement, on pourrait dire que cela découle tout simplement de l’article 1 : la France est une République, une et indivisible et par l’article 3 sur la souveraineté nationale. Or, avec le mandat impératif, les parlementaires ne seraient les représentants que de :

  • Leur parti politique d’adhésion ;
  • Leurs groupes parlementaires ;
  • Leurs communautés professionnelles, sociales ou autres ;
  • Et ensuite seulement, des gens qui ont voté pour eux.

Dans le mandat représentatif, les parlementaires sont représentants de la Nation, des territoires et du peuple, y compris de ceux qui n’ont pas voté pour eux, soit par choix, soit par concours de circonstances.

Dernier exemple rigolo pour vous illustrer cette dernière affirmation. J’habite dans mon actuelle circonscription depuis 2013. Or, les élections législatives ont eu lieu en 2012. Si le mandat de mon actuel député était impératif, non seulement, il ne me représenterait pas, mais je ne pourrais même pas lui demander un bilan de son action puisque je n’ai pas voté pour lui.

Maintenant vous savez pourquoi le mandat impératif – même si très séduisant en apparence – est contraire à l’exercice démocratique.  

Commentaires

Le mandat impératif n’exclu pas de faire d autre choses mais exclu de faire le contraire d une promesse.
AujourD’hui le mandat représentatif permet de s’assoir sur le suffrage universel (2005). Donc je préfère la pêche à la ligne…!

Vraiment comique...

On constate tous les jours que les députés ne représentent qu'eux mêmes, leurs partis, et l'oligarchie au pouvoir, donc le capital et son Etat.

Fédérations partout avec mandats impératifs, limités aussi bien dan sle domaine d'action que dans le temps, et révocables.

donc, si je comprends bien, il font le bien du peuple malgré lui...

Comme ils peuvent , en même temps, faire le Mal du peuple malgré lui .

 

Tout est relatif. Ce qui peut être perçu comme mal par une partie de la population peut aussi être perçu comme bien par une autre. Les choses ne sont pas binaires et ce n'est pour le peuple/contre le peuple.

Comme l'écrit "Kropotkine" en tête de ces remarques, on nous présente le mandat impératif comme étant "dangereux" pour la démocratie. Encore faudrait-il que nous soyons dans un régime démocratique, ce qui, comme le disait Sieyès, "ne saurait être le cas". Nous sommes dans un régime représentatif, c’est-à-dire par définition, non démocratique, puisque par l’élection, le peuple (demos) y abdique pour cinq années son pouvoir (kratos) d’écrire la loi.
L'argument des "intérêts particuliers" qui feraient des députés la "chose" de groupes de pression est particulièrement savoureux : où voyez-vous qu'il en soit autrement aujourd'hui ?
Les élus doivent s'engager personnellement sur la poursuite d'un "intérêt général", défini collectivement, et pouvoir être révoqués lorsqu'ils s’attachent à défendre un ou des intérêts particuliers. Ils sont payés par la Nation pour servir la Nation.
L'argument éculé de la peine de mort, nouveau point Godwin des discussions, ne tient que si on suppose que le peuple est sot "par essence". C'est la raison pour laquelle une révision complète de la Constitution est indispensable. Révision qui devrait s'attaquer en priorité à garantir la stricte indépendance de la presse, à interdire la publicité commerciale et l'abrutissement programmé et, bien entendu, à remplacer un système éducatif conçu pour fabriquer de la hiérarchie par une véritable éducation populaire.
Un peuple éduqué à penser par lui-même est capable d’imaginer ce qui est bon pour la collectivité. Or l'institution, depuis toujours, a intérêt à ce que le peuple reste cantonné dans l'ignorance. L'église a très tôt entamé ce travail, que la bourgeoisie a pris à son compte dès le 19è siècle, l'école de la République ayant reçu pour tâche de préparer les enfants à devenir des travailleurs soumis... et non des citoyens responsables.
Les élites autoproclamées, qui se croient investies d'un pouvoir particulier qui les autoriserait à penser à la place du peuple démontrent depuis des lustres, au mieux leur incompétence, au pire leur compromission avec l’oligarchie des possédants.
On ne peut qu’en constater le résultat à l'échelle planétaire.

C'est épuisant les gens comme Pascal Prougeansky qui répètent encore et toujours la même propagande anti-démocratique et anti-républicaine en usant et abusant de l'étymologie. En élisant des représentants, le Peuple n'abdique rien du tout : il délègue. Il ne délègue pas à n'importe qui n'importe comment mais sur des valeurs et un programme. Or, en fonction des circonstances, il est évidemment nécessaire de faire des ajustements ou de prendre des initiatives. A cela s'ajoute le caractère très technique de l'immense majorité des décisions à prendre, raison pour laquelle le référendum est souvent une très mauvaise idée. Personne (sauf peut-être les militants vivant de la charité publique) n'a suffisamment de temps pour réaliser le lourd travail à temps plein des parlementaires, sans négliger le problème de la compétence à faire ce travail.

Bonjour,
Ce que je comprend, Bertrand Lemaire, c'est que vous trouvez épuisant que quelqu'un utilise l’étymologie d'un terme pour essayer d'en définir le sens, la signification, la définition... Et que basé sur cela il dénonce le décalage entre ce qu'est sensé désigné le terme et ce pourquoi il est employé.

Dans ce cas, qui peut me parler car la langue évolue, j'aimerais savoir quel sens, quelle définition vous donneriez à démocratie tel qu'il est utilisé dans l'article, ou tel que vous concevez ce terme. En effet, il me serait bien difficile de débattre d'un sujet si chacun des protagoniste utilise des termes communs mes avec des sens différents, plus particulièrement pour les termes clef du débat.

D'autre part, si Démocratie ne signifie pas comme son étymologie "pouvoir (au/du/par le) peuple", alors quel terme utiliser pour désigner ce concept "pouvoir (au/du/par le) peuple" afin qu'il puisse continuer d'exister ? Faut-il aujourd'hui parler d'auto-gestion (pour ne pas dire l'effrayant terme anarchie) pour désigner le sens étymologique de démocratie ?

PS : pour moi, considérer qu'une élite éduqué est mieux placé pour décider du fonctionnement d'une nation est tout à fait recevable, autant que son anti-thèse, ce qui me dérange, c'est de se réclamer de l'anti-thèse ou de se penser défendre l'anti-thèse sans avoir conscience qu'une part au moins de l'argumentaire défend la thèse.

Imaginons qu'un candidat à une élection législative, promette de faire voter interdisant la pratique de la pêche à la ligne. Il est élu. Il présente sa proposition de loi, mais elle ne passe pas le filtre de la commission des lois, parce que rédigée avec les pieds. Que feriez-vous ? 

Quant au référendum de 2005, faut avancer dans la vie.