Pourquoi les parlementaires sont-ils payés ?

indemnités parlementaires

Sujet éminemment polémique – à la limite du troll – mais qui nécessite quelques explications. On entend souvent que les parlementaires sont trop payés pour dormir à l’Assemblée. Évidemment, la majorité des parlementaires sont consciencieux et travaillent. Mais pourquoi perçoivent-ils de l’argent ?

Le mandat politique – qu’il soit parlementaire ou exécutif – n’est pas une profession, c’est l’exercice d’une fonction élective. Cela ne peut donc pas donner lieu à un salaire. En effet, en droit, le terme de salaire se définit comme une prestation versée par un employeur à un salarié en contrepartie de sa mise à disposition pour effectuer le travail convenu. Or, l’élu n’est pas un salarié : ses électeurs ne lui disent pas « fais ceci » ou « fais cela » car le mandat impératif n’existe pas en droit français. Les électeurs ne donnent donc pas de directives à leurs élus et les élus ne peuvent pas être sanctionnés s’ils ne se conforment pas aux ordres des électeurs. Dans le cadre d’une relation de travail, si vous êtes salarié et que vous ne respectez pas les instructions données par votre employeur, ce dernier a légalement le droit de vous sanctionner, c’est dans ses attributions.

En France, nous sommes dans un système de mandat dit représentatif, c’est-à-dire que les élus tiennent leur mandat de la Nation elle-même, l’exercent (en théorie) avec indépendance à l’égard de leurs électeurs dont ils n’ont pas à recevoir d’ordres ou d’instruction et qu’ils ne sont pas révocables. À charge à chaque élection aux électeurs de leur renouveler ou pas leur confiance.

Vous l’avez compris : les parlementaires n’ont pas un salaire, mais des indemnités. Et d’ailleurs, qu’est qu’une indemnité ? La définition la plus basique de l’indemnité est la suivante : somme d’argent destinée à réparer un préjudice ou à rembourser un débours qui n’est pas la charge du débiteur. Traduction en langage courant : dédommagement pour le temps et le travail effectué.

On pourrait se dire qu’il est scandaleux de dédommager des gens qui ont la chance d’être représentant de la Nation. Mais il s’agit d’une forme de tradition et celui qui l’explique le mieux est Eugène Pierre dans son Traité de droit politique, électoral et parlementaire de 1893. Il y explique que même le plus honnête des hommes aurait des hésitations à se lancer dans la gestion des affaires publiques – au détriment de ses propres affaires – s’il n’y avait pas une compensation. Le principe de l’indemnité parlementaire a quasiment toujours existé sauf à l’époque du suffrage censitaire (1815-1848) dont le corollaire était justement la gratuité du mandat. En contrepartie, il fallait payer pour participer au scrutin, dont étaient exclus les femmes et les pauvres.

Louis XVIII souhaitait que les députés remplissent leurs fonctions gratuitement. Talleyrand lui a répondu la chose suivante : « Si vous ne les payez pas, Sire, ils vous coûteront beaucoup plus cher ». En donnant une indemnité aux parlementaires, on garantit une forme d’indépendance et d’autonomie.

Sous la Ve République, c’est l’ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l'indemnité des membres du Parlement.

L’indemnité parlementaire possède deux contreparties :

  • L’exclusion de toute autre rémunération publique : les parlementaires issus de la fonction publique ne touchent plus leurs rémunérations ;
  • Le contrôle et la transparence.

Et si on n’indemnisait plus les élus ? Outre le risque évident de corruption, on se retrouverait dans un système où seules les personnes les plus aisées pourraient accéder aux affaires publiques. Actuellement, en théorie, n’importe qui peut devenir député ou sénateur, sans conditions de richesse. Nous avons même un député qui était titulaire du RSA avant d’être élu (Michel Pouzol). La majorité des parlementaires sont issus du secteur privé sans forcément être tous des capitaines d’industries. Or, sans les indemnités, l’élu devrait financer son mandat pendant 3 à 5 ans lui-même et risquerait donc de passer plus de temps à courir derrière des « mécènes » qu’à travailler les textes au Parlement ou être présent en circonscription, ce qui ne serait pas bénéfique à l’exercice démocratique.  

Aujourd'hui, un parlementaire reçoit 7142,75 € bruts par mois, plus s'il occupe des fonctions spécifiques comme président, questeur, vice-président, etc. Il perçoit également l'IRFM, mais qui est uniquement destinée à couvrir ses frais professionnels.

Catégorie: 
Parlement

Ajouter un commentaire