Qui est Călin Georgescu, le candidat de l’extrême-droite à l’élection présidentielle roumaine ?
Déflagration dans le paysage politique roumain : c’est la première fois que l’extrême-droite fait son apparition dans une élection présidentielle. Par le passé, depuis la Révolution, cette tendance politique était inexistante sur une élection de ce type. Ce sont deux représentants de cette orientation qui ont chacun fait des scores à deux chiffres ce dimanche 24 novembre 2024.
Călin Georgescu, le purgé qui supplante son maître
Călin (prononcez Que-li-ne) Georgescu a fait des études scientifiques et devient ingénieur en aménagement du territoire, jusqu’à la chute de Ceaușescu. En 1991, il devient conseiller du ministre de l’Environnement et navigue dans l’administration et les cabinets ministériels durant de nombreuses années, au point de devenir rapporteur spécial des Nations Unies. Depuis 2021, il est maître de conférences à la faculté des sciences de Pitești.
Politiquement, il intègre AUR, un parti politique d’extrême-droite, qui a vu le jour en 2019 et se fait remarquer dès 2020 pour apologies de crime de guerre. De ce fait, il « perd » sa place de potentiel Premier ministre, le parti ne souhaitant pas s’encombrer de polémiques supplémentaires. Il réitère ses propos en février 2022 et se retrouve purgé.
En octobre 2024, dans une posture messianique, il se déclare candidat à l’élection présidentielle, en présentant un programme extrêmement similaire à celui de George Simion. Il est qualifié pour le second tour. Dans un contexte français, c’est comme si Florian Philippot, purgé du FN, s’était qualifié en lieu et place de Marine Le Pen.
Déclarations antisémites
Il convient de revenir sur les déclarations de Georgescu. Invité sur Antena 3 en 2022, Georgescu est interrogé sur ses précédentes déclarations. Il lui est demandé s’il n’a pas peur de qualifier Corneliu Zelea Codreanu et Ion Antonescu de héros. Pour le lecteur français, cela revient à dire que Pétain et Papon étaient des héros.
Il répond qu’« ils ont tous fait de bonnes actions, et d’autres moins bonnes » et poursuit « je ne peux avoir d’opinions sur les martyrs ».
Si en 2020, les déclarations étaient passées relativement inaperçues à l’extérieur du pays, ce ne fut pas le cas en 2022, au point que plusieurs médias israéliens et le Likoud s’en sont publiquement émus.
« Je ne crois pas en la pandémie »
Comme tous les pays, la Roumanie a payé un lourd tribut durant l’épidémie de COVID 19. Participant à une émission de télévision, Georgescu a dit « je crois en mon immunité. La science n’utilise pas la vie et ne peut la comprendre ni la créer. Je suis responsable de ma propre décision ».
Continuant sur sa lancée, il ajoute « aux personnes qui ont vécu cette maladie, je dirais qu’il y a des dizaines de milliers de proches et qu’ils font partie de nous. Ils sont importants parce qu’ils nous enlèvent la saleté ».
Un programme entre retour au soviétisme et nationalisme
Quel est le programme de Călin Georgescu ? Aussi surprenant que cela puisse paraître pour les Français, il a fallu du temps pour le trouver. Car, l’homme qui s’est surtout fait connaître sur TikTok, n’a pas vraiment entretenu les médias traditionnels ni les sites Web.
En lui-même, le programme est illisible, notamment pour un Occidental. Il aligne les mots-clefs tels que souverainisme, démocratie participative, distributisme, la sauvegarde des abeilles, christianisme appliqué à l’économie réelle, etc.
Dans le détail, avec les lunettes de la Roumanie, on comprend que Georgescu souhaite un retour au soviétisme, avec une économie dirigée par l’État, une agriculture planifiée, un contrôle des médias, une refonte de l’Éducation nationale, la protection de la famille chrétienne. À l’international, sans que cela soit dit explicitement, Georgescu veut sortir de l’Union européenne et de l’OTAN, afin de se rapprocher de la Russie de Vladimir Poutine.
Un agent du Kremlin à Cotroceni ?
En dehors de son délire messianique et de ses saillies antisémites, Călin Georgescu est aussi soupçonné d’être un agent du Kremlin. En effet, il apparaissait régulièrement dans les médias russes tels que Sputnik (antenne moldave) et on l’a vu à des soirées avec Alexandre Douguine.
L’épisode n’est pas récent : Dougine se rendait souvent en Roumanie et en 2014, c’est Călin Georgescu qui a organisé sa venue.
Depuis, cet épisode, les médias lui ont plusieurs fois posé la question de savoir quelle était son orientation. Il n’a jamais répondu explicitement. Il faut garder en tête que l’Ukraine est la voisine immédiate de la Roumanie.
Une campagne presque exclusivement sur TikTok
Sur Digi24 — équivalent de BFM TV — les journalistes et commentateurs ont parlé de catastrophe pour le pays et ont fait part de leur sidération devant les résultats. Car, le candidat indépendant n’a pas fait une campagne traditionnelle et des débats à la télévision, au-delà du fait qu’il s’est déclaré très tardivement.
Il a investi les réseaux sociaux et un en particulier : TikTok, le réseau social aux mains du Parti communiste chinois. Grâce à une armée de comptes, dont beaucoup soupçonnent qu’il s’agit de bots, tous les contenus politiques ont été tagués avec son nom. Ainsi, les clips d’Elena Lasconi ont été commentés en mentionnant Călin Georgescu par exemple.
Tant et si bien que sur TikTok, le nom du candidat d’extrême-droite apparaissait en suggestion lors du visionnage d’une vidéo d’Elena Lasconi.
Les algorithmes ont fait le reste : une personne qui consulte TikTok et qui avait regardé des contenus politiques se retrouvait mécaniquement plus exposée à des posts favorables à Călin Georgescu qu’aux autres. D’après TikTok, il y a 7,4 millions d’utilisateurs roumains sur la plateforme (pour 19,6 millions de personnes).
À 2 h (heure de Paris), les résultats définitifs n’étaient pas encore parvenus.
En Roumanie, le dépouillement était effectué à 97,08 %. Călin Georgescu récoltait 22,31 % des suffrages (1 934 737 voix), Marcel Ciolacu (PSD), 19,95 % (1 730 103 voix).
À l’étranger, le dépouillement était effectué à 73,36 %. Călin Georgescu récoltait 40,55 % des suffrages (194 040) et Elena Lasconi (USR) 28,25 % (135 189 voix). Il faut attendre le dépouillement complet pour savoir qui affrontera Georgescu au second tour, qui aura lieu dans deux semaines.
L’extrême-droite fait 36,39 % des suffrages dans le pays et 52,86 % à l’étranger.