Racisme à l’Assemblée nationale : l’effondrement de la stratégie du Rassemblement national

Incident de séance QAG 3 novembre 2022
Propos raciste en séance publique - QAG 3 novembre 2022

Ce jeudi 3 novembre 2022, pendant les questions au Gouvernement, le député Carlos Martens Bilongo interpellait le Gouvernement sur la coopération entre l’Italie et la France, sur le sauvetage des migrants en mer Méditerranée. À la fin de son intervention, provenant de la droite de l’hémicycle, on entend « retourne en Afrique ! » 

La présidente de séance a immédiatement interrompu la séance. Il était impossible de la poursuivre. Elle a annoncé que le bureau de l’Assemblée nationale se réunirait pour décider de la sanction. Initialement prévue la semaine prochaine, elle se tiendra le vendredi 4 novembre 2022, à 14 h 30. 

Changement de position ?

Les propos orduriers, sexistes et racistes sont malheureusement présents à l’Assemblée nationale, aussi bien provenant des députés eux-mêmes que provenant de l’extérieur. Pour le bureau de l’Assemblée nationale, toute la question est de savoir quel est le degré « d’acceptabilité ». En effet, en théorie, la parole d’un député est parfaitement libre dans l’hémicycle. Il peut aligner les horreurs : toutes les personnes qui ont suivi les débats sur le PACS, le mariage pour tous ou la PMA pour toutes s’en souviennent parfaitement. 

Si on laissait, les députés délirer oralement sans filtre sous la précédente législature, la XVIe semblait indiquer un changement de doctrine. Ainsi la député de la majorité présidentielle, Astrid Panosyan-Bouvet avait écopé d’un rappel à l’ordre pour avoir dit, en séance publique, que le Rassemblement national était un parti xénophobe. « Décidément, il est difficile de masquer un ADN xénophobe vieux de cinquante ans, qui a encore été fêté tout récemment dans l’hémicycle. »

Sanction sans conséquence directe, comme le savent les lecteurs du Projet Arcadie. Néanmoins, cela interroge. En réponse à Astrid Panosyan-Bouvet, la présidente Yaël Braun-Pivet avait indiqué « Je me vois contrainte de prononcer un rappel à l’ordre, madame la députée, car vous avez utilisé le terme “xénophobe” à la tribune en visant un parti politique. Je venais pourtant de rappeler que les députés devaient adopter une attitude respectueuse les uns des autres ». 

En disant « Qu’ils retournent en Afrique » ou « Retourne en Afrique » — on souhaite bon courage aux huissiers de séance pour arriver à retrouver le propos exactement tenu par Grégoire de Fournas — n’est-ce pas la démonstration même que le Rassemblement national est un parti d’extrême-droite xénophobe ? Quant à savoir si le député a dit « qu’ils retournent en Afrique » ou « retourne en Afrique », cela n’a aucun intérêt : un député ne devrait tout simplement pas dire cela. 

Un groupe sans self control 

Au début de la XVIe législature, ordre avait été donné aux députés du Rassemblement national de se tenir à carreaux. Costumes impeccables, cravate de rigueur pour les hommes, cheveux bien peignés et surtout de la tenue en séance. Objectifs : faire oublier le fondement contestataire du parti et s’imposer comme un parti respectable, apte à devenir un parti du Gouvernement. 

Malheureusement, chassez le naturel et il revient au galop. Si le grand public connaît les questions au Gouvernement, les accros à la séance publique sont beaucoup moins nombreux. On admettra que suivre pendant un mois des débats budgétaires n’est pas sans conséquence pour la santé mentale. Mais, c’est instructif. Ainsi, on a observé certains débordements en séance : interpellations, cris, noms d’oiseaux échangés d’un bout à l’autre de l’hémicycle. 

Le vernis de respectabilité était déjà bien écaillé, mais, cela n’était pas forcément flagrant vu de l’extérieur, ni probant. Selon les sujets et notamment les heures, les débats sont toujours plus ou moins orageux. L’incident de ce jour permet de faire connaître ou de rappeler à tout un chacun que le Rassemblement national est bien un parti d’extrême-droite et donc xénophobe. 

Il reste deux questions. La présidente de l’Assemblée nationale va-t-elle tolérer que les députés disent en séance que le Rassemblement national est un parti xénophobe ? Cela n’aurait pas de sens de sanctionner Grégoire de Fournas pour un propos xénophobe, tout en refusant aux députés d’utiliser ce qualificatif. La seconde question est plus amusante : que va faire le groupe ? Ils ont trois solutions : soutenir coûte que coûte leur collègue, ce qui mettrait très à mal leur stratégie de normalisation, lui demander de se mettre en retrait le temps que les choses s’apaisent, mais qui aurait les mêmes conséquences que l’option précédente ou l’exclure du groupe. Politiquement, il ne pèse rien. Il n’a aucune fonction particulière dans le parti et en dehors d’un rapport d’information sur l’application de la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs. La seule réelle difficulté est qu’il est l’un des seuls députés de ce groupe qui appartient au monde de l’agriculture. Il est un fusible parfaitement sacrifiable. 

Reste à voir comment réagira Marine Le Pen : sauver le soldat Fournas ou sauver son vernis de respectabilité ? 

Mise à jour à 18 h 51 : il semblerait que Marine Le Pen ait décidé de sauver le soldat Fournas, ainsi que l'atteste ce tweet

Tweet de soutien de MLP à Fournas

Tweet de soutien de MLP à Fournas

Mise à jour du vendredi 4 novembre 2022 à 3h21 : le compte rendu a été publié - dans sa version provisoire et conteste la version du Rassemblement national, à savoir que le député parlaient des migrants et non du député. 

CR - QAG - 3/11/2022

Compte-rendu de séance de QAG du jeudi 3 novembre 2022