Thierry Breton claque la porte de la commission européenne : le premier test de la cohabitation Macron / Barnier
Dans une lettre adressée à Ursula von der Leyen, Thierry Breton a démissionné de son poste de commissaire européen, en charge du marché intérieur. C’est une mauvaise nouvelle pour la France et le premier test politique de la cohabitation.
La commission européenne, qu’est-ce que c’est ?
La commission européenne est l’exécutif de l’Union européenne. Elle émet des propositions de législations qui s’appliqueront dans toute l’Union européenne et applique les décisions du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne. Pour simplifier à l’extrême, on va dire que la commission européenne serait l’équivalent du Gouvernement en France.
À la tête de ce Gouvernement, il y a la présidente, Ursula von der Leyen. Toujours dans l’idée de simplifier au maximum, on dira que c’est l’équivalent d’un Premier ministre.
Elle est accompagnée de commissaires – équivalents de ministres donc – qui sont au nombre de 27. Pourquoi 27 ? Parce que chaque État membre de l’Union européenne envoie « son » représentant. Pour la France, c’était donc Thierry Breton, qui avait le portefeuille du marché intérieur.
Le DSA et le DMA : les gros dossiers de Thierry Breton
Les confrères qui suivent les dossiers liés au numérique ont appris le connaître, puisqu’il a beaucoup œuvré sur le DSA (Digital Services Act) et le DMA (Digital Markets Act). Objectifs : poser un cadre contraignant aux géants du numérique. Là encore, ces deux textes ne sont pas très connus du grand public même si les sigles ont fleuri dans la presse. Il s’agit d’un cadre général concernant le numérique, que les Parlement nationaux doivent respecter s’ils souhaitent légiférer sur ce sujet. Ils ne peuvent pas aller plus loin que ces deux textes.
Médiatiquement, il avait aussi quelques mots avec Elon Musk, patron de X, anciennement Twitter.
Dans un communiqué de presse, Thierry Breton s’est dit désavoué par Ursula von der Leyen, qui aurait réclamé sa tête. À charge donc pour le président de la République de lui trouver un remplaçant et il ne pourra pas procrastiner pendant presque deux mois pour cela.
La procédure pour devenir commissaire européen
En effet, chaque chef d’État propose un commissaire et le portefeuille souhaité. La présidente peut valider ou refuser le nom. Si elle valide le nom, la candidature est envoyée devant le Parlement européen, qui va examiner les éventuels conflits d’intérêts.
S’il n’y a pas de conflits d’intérêts, le candidat est ensuite auditionné par la commission chargée du portefeuille. Il y a une audition écrite et une audition orale. Si tout est validé, le candidat peut enfin devenir commissaire. Le calendrier peut prendre plusieurs mois.
Ainsi, en 2019, Emmanuel Macron avait initialement proposé Sylvie Goulard, mais sa candidature avait été rejetée. Elle n’avait pas réussi à justifier pourquoi deux enquêtes judiciaires la concernant, l’avaient amené à démissionner du Gouvernement, mais lui permettraient de devenir commissaire.
Après avoir franchi de justesse la question du conflit d’intérêt, le profil de Thierry Breton avait été validé par les députés européens.
Premier test pour la cohabitation Macron / Barnier
On comprend qu’il s’agit de trouver quelqu’un qui sera à la fois bon technicien dans le domaine, mais aussi bon négociateur. Il faut un profil susceptible de s’accorder avec la présidente de la commission, mais, aussi quelqu’un capable de « séduire » les députés européens, qui ont leur mot à dire. Objectif : obtenir un portefeuille important, pour montrer la capacité de l’État que le commissaire entend représenter, de rayonner et de peser sur les négociations.
Et comme rien n’est simple avec Emmanuel Macron, voilà qu’un hiatus surgit. S’il appartient bien au président de la République de proposer un nom, en période de cohabitation, il vaut mieux accorder ses violons avec le chef du Gouvernement. En fin de matinée, l’entourage de Michel Barnier a indiqué à l’AFP que la désignation du nouveau commissaire européen se fera « en bonne intelligence » avec le président de la République et le Premier Ministre. Dix minutes plus tard, Emmanuel Macron proposait Stéphane Séjourné comme remplaçant à Thierry Breton, pour le même portefeuille, à savoir le marché intérieur.
Si le camp politique du Président le félicite pour cette désignation, c’est bien le seul. La droite ne s’est pas encore manifestée, mais la gauche et l’extrême-droite y voient un énième reniement des résultats électoraux des européennes et des législatives. Si a priori, il n’y aura pas de conflit d’intérêt potentiel, se pose la question des compétences de Stéphane Séjourné. Avant d’être au Quai d’Orsay, il était député européen, mais sa spécialité n’était pas l’économie. Il était membre de la commission des affaires juridiques et de la commission des droits des femmes et de l'égalité des genres. Avant cela, il avait été conseiller politique ou parlementaire, selon les années. À l’inverse, Thierry Breton avait été à la tête d’Atos durant plus de dix ans, était passé par Bercy, etc.
Enfin, notons que Stéphane Séjourné n’est pas exactement sans occupation puisqu’il est député de la neuvième circonscription des Hauts-de-Seine et secrétaire général de Renaissance.
Si les députés européens ont leur mot à dire concernant la validation du futur commissaire, ce n’est pas le cas des parlementaires français, du moins, pas au Parlement. Mais, il est assez probable qu’ils s’expriment ailleurs sur cette désignation, qui tient beaucoup du parachute doré et risque de conforter l’impression générale qu’Emmanuel Macron ne suit que ses propres désirs, et non l’intérêt général.