Une inflation de mission temporaire

L'inflation des missions temporaires confiées par le Gouvernement aux députés
L'inflation des missions temporaires confiées par le Gouvernement aux députés

Parmi les multiples fonctions des parlementaires, il y a les missions, en particulier, les missions temporaires confiées par le Gouvernement, à un député. 

Origine et bilan actuel des missions temporaires

Cette possibilité a été ouverte à l’initiative de Pierre Mesmer, en 1973 et a trouvé sa traduction législative dans l’article L.O. 144 du code électoral. Ce dernier énonce « Les personnes chargées par le gouvernement d’une mission temporaire peuvent cumuler l’exercice de cette mission avec leur mandat de député pendant une durée n’excédant pas six mois. L’exercice de cette mission ne peut donner lieu au versement d’aucune rémunération, gratification ou indemnité. » 

Les députés, les sénateurs, mais également les députés européens, peuvent donc être chargés d’une mission temporaire, à n’importe quel moment de leur mandat. 

À la lecture de la page énumérant les députés qui se sont vus confier une mission temporaire durant cette législature, on constate une nette augmentation par rapport aux législatures précédentes : 132 sous cette législature, 73 sous la précédente. 

Les missions temporaires confiées à des députés par le Gouvernement durant les dernières législatures

Les missions temporaires confiées à des députés par le Gouvernement durant les dernières législatures

Statistiques affinées des députés en mission

Une analyse plus fine montre une autre réalité : sous cette législature, au 4 novembre 2021, il y a eu 92 missions temporaires. Pourquoi un tel écart ? En faisant un calcul entre les dates de début et de fin, on voit que certaines missions ont tout simplement été reconduites, pour quelques jours, pour éviter d’entraîner la démission du député. Par ailleurs, certaines de ces missions temporaires ont été mises en place pendant l’épidémie de COVID-19. Ainsi la député Alexandra Louis a été chargée le 27 février 2020, d’une mission d’évaluation de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. On est donc sur de l’ajustement. 

Le nombre de missions temporaires par députés et par mission sous les différentes législatures

Le nombre de missions temporaires par députés et par mission sous les différentes législatures

Cela s’est également produit sous la XIVe législature, notamment avec Joëlle Huillier et la mission temporaire sur l’évolution des modalités d’accompagnement des personnes en perte d’autonomie, ainsi qu’avec Luc Belot et l’avenir de la ville intelligente en France. 

Par ailleurs, certains députés ont effectivement eu deux missions temporaires sur cette législature, tels que Cédric Villani, Anne-Laure Cattelot, Charlotte Parmentier-Lecocq ou encore Damien Pichereau. D’autres ont travaillé à deux sur la même mission. Si on affine, on constate qu’il 96 députés chargés d’au moins une mission temporaire durant cette législature.  

Sous la XIVe législature, cinq députés ont eu plusieurs missions temporaires, dont Laurent Grandguillaume, qui en eu trois et Yves Blein également trois. Il y a eu 65 députés pour 60 missions différentes. Sous la XIIIe législature, il y a eu 68 députés pour 69 missions. Sous la XIIe, 70 députés pour 74 missions. Enfin, sous la XIe législature, 69 députés pour 67 députés. 

Les missions temporaires et les archives sénatoriales

Sur le fond, la mission temporaire est une forme de contrôle de l’action du Gouvernement, mais aussi d’évaluation des politiques publiques, voire un outil à la législation. Tout va dépendre de la mission. Sous cette législature, les députés Thourot et Fauvergue ont été chargés d’une mission temporaire sur la définition d’un continuum de sécurité et l’articulation des interventions respectives des forces de sécurité de l’État, des polices municipales et des acteurs privés de la sécurité, en 2018. Leurs travaux ont trouvé une traduction législative dans la loi sur la sécurité globale. 

Il est évident que les députés, même après avoir affiné les chiffres, sont plus enclins à travailler sur des missions temporaires, même si cela a pour effet de les rendre moins disponibles en séance publique. Faut-il y voir un effet de la loi sur le non-cumul des mandats, une volonté des députés de se spécialiser ou une façon de préparer sa sortie ? 

C’est l’argument avancé par Jacques Mézard, en octobre 2015, dans son exposé des motifs de la proposition de loi organique visant à supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires. « Tout parlementaire en mission dont la mission est prolongée au-delà de six mois est remplacé automatiquement par son suppléant. La nomination d’un parlementaire en mission permet donc une sortie honorable de l’hémicycle, tout en protégeant la majorité d’une élection partielle souvent très incertaine. » Sous cette législature, cela a été le cas de Brune Poirson, dont la mission temporaire a été prolongée, ce qui a entraîné son remplacement par son suppléant, Adrien Morenas, qui aura donc été député plus longtemps que la député titulaire. 

Si sa proposition de loi a été adoptée par le Sénat, elle est restée bloquée quelque part à l’Assemblée nationale. Peut-être que Jacques Mézard a changé d’idée entre-temps. En effet, devenu ministre de la Cohésion des territoires entre le 21 juin 2017 et le 16 octobre 2018, avec le secrétaire d’État au numérique, il a chargé les députés Stéphane Mazars et Aurélien Pradié d’une mission temporaire sur les conditions de l’innovation et l’impact des nouvelles technologies et du numérique pour favoriser le développement des territoires ruraux.