Valls, l’investiture incompréhensible

La fiche d'information de Manuel Valls sous la XIIIe législature
La curieuse investiture de Manuel Valls

À la surprise générale, Manuel Valls a reçu l’investiture de la majorité présidentielle, pour les élections législatives de juin 2022, pour la cinquième circonscription des Français de l’étranger. Cette dernière regroupe l’Espagne, le Portugal, Andorre et Monaco.

Tribulations méditerranéennes 

Les circonscriptions législatives pour les Français de l’étranger ont vu le jour par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008. 

En 2017, Samantha Cazebonne, directrice du lycée français de Palma de Majorque (Îles Baléares – Espagne) avait remporté l’élection. Suite à l’annulation par le Conseil Constitutionnel, elle s’était de nouveau présentée et avait, de nouveau, remporté l’élection. En 2021, elle se présente aux élections sénatoriales, laissant ainsi son suppléant Stéphane Vojetta assurer la relève à l’Assemblée nationale. Cet expatrié, installé en Espagne depuis de nombreuses années, ne s’attendait pas à être privé de l’investiture. 

Pourtant, cela faisait plusieurs semaines qu’une rumeur bruissait dans Paris et dans les rédactions. Alors que la majorité présidentielle avait assuré à Stéphane Vojetta qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter, jeudi 5 mai 2022, la première salve des investitures a été rendue publique. Manuel Valls avait reçu la sienne pour la cinquième circonscription des Français de l’étranger. 

Retour sur le parcours d’un apparatchik 

Manuel Valls n’est pas un novice en politique. Élu député pour la première fois en 2002, il conserve son siège pour la XIIIe et la XIVe législature. Durant la présidence de François Hollande, il devient ministre de l’Intérieur puis Premier ministre. 

Il se présente aux primaires du Parti socialiste, s’engage à soutenir le candidat élu, mais échoue. Reniant son engagement écrit, il se tourne vers La République En Marche. Mais, il est privé de l’étiquette LREM. À l’époque, le parti estimait qu’il ne remplissait pas tous les critères. Néanmoins, il a bénéficié d’une forme de clémence dans la mesure où LREM n’envoya aucun candidat contre lui. 

 Il est réélu député en 2017 et rejoint le groupe parlementaire LREM. Il démissionne de son mandat de député, le 3 octobre 2018, pour tenter de briguer la mairie de Barcelone. Il échoue à se faire élire maire, devient conseiller municipal et démissionne de ce mandat le 30 août 2021. 

Ancrage parisien 

À ce jour, Manuel Valls ne détient plus aucun mandat. Professionnellement, il a ouvert une entreprise de conseil : Binidali Conseil MV. Cette SARL a été créée le 26 juillet 2021 au greffe de Paris. Elle a notamment pour objet la participation à des émissions de télévisions et radiophoniques, ou en ligne, ainsi que l’intervention dans le cadre de conférences. Les comptes de la société n’ont pas été publiés. 

Quant à sa résidence principale, si on se base sur les documents officiels, il semblerait qu’elle soit à Paris et non en Espagne. 

C’est donc un candidat parachuté, travaillant et vivant à Paris, qui portera les couleurs de la majorité présidentielle en Espagne, au Portugal, en Andorre et à Monaco. Le bilan de Manuel Valls à l’Assemblée nationale ne plaide pas non plus en sa faveur. 

Bilan discret

Les données de la XIIe législature sont parcellaires et ne permettent pas de faire une idée objective. Néanmoins, grâce à la WayBack Machine, il a été possible de retrouver certaines informations. Alors qu’il était député de l’opposition — ce qui laisse plus de latitude pour déposer des propositions de loi — Manuel Valls n’a déposé aucune proposition de loi de 2002 à 2007. 

Sous la XIIIe législature, il a été rapporteur d’une proposition de loi relative au droit de finir sa vie dans la dignité et il a déposé un rapport sur ce même texte en 2009. Il a posé cinq questions au Gouvernement en cinq ans. Entre 2009 et 2012, en dehors du texte sur la fin de vie, il n’est intervenu que sur deux textes : LOPPSI 2 et le texte sur la présence effective de l’avocat en garde à vue. 

Il n’y a pas de bilan particulier à formuler la XIVe législature dans la mesure où il a été ministre. 

Que disent les données de la XVe législature ? Il a présidé la mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Il n’a pris la parole en commission permanente que huit fois, alors qu’il siégeait à la commission des lois et pouvait se targuer légitimement d’une expérience dans cette dernière.

On retrouve seulement six questions écrites et une question au Gouvernement. Il a rédigé un seul rapport sur le projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie, texte dont il était rapporteur. Il a cosigné 10 propositions de loi. Il était de façon certaine à huit séances publiques. Enfin, il a participé à 47 scrutins publics, dont une majeure partie sont des scrutins solennels. 

Qu’il s’agisse de son bilan sous la XIIe, la XIIIe ou la XVe législature, on ne peut pas dire qu’il est la transposition d’un travail acharné à l’Assemblée nationale. Un bilan maigre, un ancrage qui paraît plus parisien qu’espagnol ou portugais, une fidélité politique à géométrie variable, autant de points qui suscitent des interrogations sur ce curieux parachutage.