Damien Abad, Renaissance et la majorité relative sont dans un bateau
La nouvelle est tombée dans la soirée, pendant que les députés planchaient sur le projet de loi sur l’agriculture ou la fin de vie : Damien Abad est mis en examen pour tentative de viol.
Résumé des épisodes précédents : Damien Abad, anciennement député UMP puis Les Républicains, est passé chez Renaissance en 2022. Pour le récompenser, il est nommé ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées. Le lendemain de sa nomination, Mediapart publie le témoignage de deux femmes, l’accusant de viol, l’une en 2010, l’autre en 2011. Un mois plus tard, Damien Abad est démis de ses fonctions et retourne à l’Assemblée nationale, ayant réussi à sauver son siège.
En juin 2023, une enquête préliminaire a été confiée à deux juges d’instruction, suite à la plainte d’une troisième femme, pour des faits qui se seraient déroulés en 2010. L’immunité parlementaire de Damien Abad avait été levée, permettant son placement en garde à vue.
Depuis, le dossier ne paraissait pas évoluer, mais, quiconque connaît les délais de traitement actuels de la justice en France, ne s’en étonnera pas.
Pour les deux premières femmes, Damien Abad avait été placé sous le statut de témoin assisté, mais c’est pour la troisième femme qu’il vient d’être mis en examen. Ce qui va placer le groupe Renaissance dans une position extrêmement délicate.
La semaine dernière, nous révélions que Pascale Boyer avait embauché l’ancien député Benoît Simian. Cette dernière n’a pas bonne réputation, tout comme Benoît Simian. Mais, du côté de la majorité, on nous disait aussi qu’il était difficile de la remercier du groupe. Elle a toujours voté comme il fallait, c’est une proche de Christophe Castaner et en période de majorité relative, toutes les voix sont bonnes à prendre, quitte à fermer les yeux sur des agissements répréhensibles.
Le plus amusant concernant Pascale Boyer est qu’avant cet article, une bonne partie des députés étaient incapables de voir de qui on parlait y compris ceux de son groupe. Qu’on se rassure : maintenant, ils savent de qui il s’agit.
Les comportements répréhensibles n’étaient pas forcément plus sanctionnés sous la précédente législature, alors que La République En Marche avait une majorité confortable. Il est politiquement plus risqué de ne pas voter un budget ou un projet de loi sur l’immigration que de harceler ou d’agresser des personnes. Seule exception à la règle : M’jid El Guerrab, qui avait quitté le groupe de lui-même.
Toute la question politique va être : est-ce qu’une voix compte plus qu’une mise en examen ?
Sollicité, Sylvain Maillard n’a pas répondu à nos questions. Néanmoins, l’AFP indique que Damien Abad devra se présenter devant le bureau du groupe Renaissance mardi matin. Pourra-t-il rester ? Trois hypothèses sont possibles.
Il peut de lui-même décider de quitter le groupe et de siéger parmi les non-inscrits, ce qui arrangerait tout le monde.
Le bureau peut décider de le renvoyer du groupe, changeant enfin de doctrine sur le sujet de la mise en examen.
La dernière et probable option est qu’il restera membre du groupe Renaissance, en vertu de la présomption d’innocence. Est-ce tenable ? Car, mardi, durant la séance de Questions Au Gouvernement (QAG), Aurore Bergé, ancienne présidente du groupe Renaissance et actuelle ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, a déclaré ceci : « une femme victime d’agression sexuelle ou de viol connaît son agresseur. Cela se passe dans notre intimité, dans nos familles, dans nos maisons, dans notre environnement professionnel».
Lors de son retour à l’Assemblée nationale en 2022, certains cadres avaient dit à son propos « il faut vivre avec », sous-entendant que tant que la bronca au sein du groupe n’était pas assez forte, il valait mieux mettre la poussière sous le tapis.
Les oppositions ne manqueront pas d’utiliser la carte Abad pour pourrir les débats sur le sujet des violences sexistes et sexuelles si ce dernier n’est pas exclu du groupe, au risque d’affaiblir toute tentative de législation mieux-disante sur cette thématique. Tout comme la majorité a utilisé la carte Quatennens envers La France Insoumise.
Un autre groupe pourrait faire entendre sa voix : le MoDem. Sandrine Josso, député du MoDem, a fait l’objet d’une tentative de soumission chimique de la part d’un sénateur, dans le but d’abuser d’elle. Elle est actuellement en charge d’une mission temporaire ayant pour objet la soumission chimique comme forme de violence faite aux femmes.
Or, la troisième femme qui a témoigné contre Damien Abad et pour laquelle, il est mis en examen, a indiqué à Mediapart que ce dernier lui avait offert un verre, au fond duquel elle avait vu « quelque chose » et qu’elle s’est empressée de recracher.
Le MoDem pourra-t-il rester de marbre si Damien Abad n’est exclu du groupe ? Rien n’est moins sûr.
Damien Abad peut-il être contraint à la démission de son siège de député ? Légalement, non. En effet, à moins d’être condamné à une peine d’inéligibilité, au terme d’une procédure définitive — première instance, appel et cassation — Damien Abad peut rester député.