
Darmanin veut supprimer l’argent liquide
Après le fiasco du rapport sur les Frères Musulmans, on aurait pu croire que Gérald Darmanin, actuel Garde des Sceaux et ancien ministre de l’Intérieur, allait un peu mieux travailler ses dossiers. Cela ne semble pas être le cas.
Durant son audition devant la commission d’enquête sur la délinquance financière, Gérald Darmanin, ce jeudi 22 mai 2025, a tenu une déclaration assez fracassante, que nous reproduisons ici :
« Une grande partie encore de la fraude, de la délinquance du quotidien, même des réseaux criminels, est une fraude d’argent liquide. Évidemment, les cryptos, ça prendra de plus en plus de place. Ça demande beaucoup, beaucoup de complexité, mais l’argent liquide, ça reste quand même le sujet principal.»
« D’ailleurs, je l’ai dit à plusieurs reprises à ceux qui m’interrogent sur la manière d’arrêter la drogue dans nos quartiers : il y a une mesure assez simple, c’est la fin de l’argent liquide. Elle empêchera la constitution de points de deal. Cela n’empêchera pas qu’il y aura toujours de la drogue ou des livraisons de drogue, mais une fois que l’argent est traçable, comme le sont parfois – et souvent quand on est bons – les cryptoactifs, c’est plus compliqué, pour le consommateur comme pour le revendeur, de pouvoir échapper totalement à un circuit de financement. »
Le passage se situe à 14:19:00 environ dans la vidéo, disponible ici.
Supprimer les espèces : faisable ?
En avril 2025, une rumeur assez folle a inondé les réseaux sociaux, notamment TikTok et Instagram, prétendant que l’argent liquide allait bientôt être interdit grâce à une nouvelle loi. En réalité, il s’agissait d’une extrapolation, partie du projet d’euro numérique, qui ne verra pas le jour avant un bon moment, et qui n’a pas pour vocation de remplacer les espèces.
Le plus intéressant dans la déclaration du Garde des Sceaux est sa méconnaissance des mécanismes européens. Interdire ou supprimer l’argent liquide dans un État membre de l’Union européenne n’est pas possible.
Pourquoi ? À cause de l’article 128 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) :
« Les billets de banque émis par la Banque centrale européenne et les banques centrales nationales sont les seuls à avoir cours légal dans l’Union. »
Supprimer les pièces et les billets dans un pays revient à aller à l’encontre du principe de cours légal, et cela fut confirmé dans l’affaire Johannes Dietrich et Norbert Häring contre Hessischer Rundfunk.
Le terme de cours légal désigne un moyen de paiement, en l’occurrence les espèces.
Quant au projet d’euro numérique, la foire aux questions répond à cette interrogation :
« Non, l’euro numérique coexisterait avec les espèces, sans s’y substituer. Il existerait parallèlement aux espèces pour répondre à la préférence croissante de nos concitoyens pour les paiements numériques rapides et sûrs. Les espèces resteraient disponibles dans la zone euro, de même que les autres moyens de paiement électroniques privés utilisés actuellement. »
Il n’est donc pas possible de supprimer l’argent liquide en France. Il est uniquement possible d’en restreindre l’usage au-delà d’un certain seuil.
Supprimer l’argent liquide pour mettre fin aux points de deal ? Pas si sûr
Nos confrères de La Libre ont publié une dystopie dans laquelle l’argent liquide aurait disparu – exclusivement pour les Belges. S’il s’agit d’un récit imaginaire, il pointe néanmoins une réalité : les gros narcotrafiquants ont toujours un temps d’avance sur les forces de l’ordre.
La focale a été mise sur les cryptoactifs, car, si Gérald Darmanin souligne l’efficacité des enquêteurs, de nouvelles cryptomonnaies peuvent voir le jour très rapidement.
Au moment de la contestation sociale des Gilets jaunes, en 2019, l’idée avait surgi, notamment pour mettre fin à la fraude fiscale, et un rapport avait évoqué une société « zéro cash », mais en omettant certains aspects, notamment la fracture numérique.
Il faudra donc trouver des solutions plus intelligentes pour mettre fin aux points de deal.