
Écoles à l’épreuve du climat : un héritage bâti à bout de souffle
Alors que la France affronte des épisodes climatiques extrêmes de plus en plus fréquents, l’état des bâtiments scolaires devient un révélateur implacable des défaillances de l’action publique. Entre vétusté, sous-financement chronique et empilement de responsabilités, les écoles françaises peinent à offrir un environnement adapté aux élèves. Un chantier colossal, ignoré tant qu’il n’explose pas au grand jour.
Canicule, écoles fermées, parents livrés à eux-mêmes
La France traverse un épisode de canicule intense, au point que plusieurs départements, dont Paris et sa banlieue, ont été placés en alerte rouge. Dans ce contexte, dimanche soir, vers 22 h, le gouvernement a annoncé que certaines écoles pourraient rester fermées, charge aux parents de s’organiser.
En cause : des établissements scolaires inadaptés face au dérèglement climatique.
L’hiver, les enfants gardent leurs doudounes et leurs gants en classe. L’été, ils étouffent dans des salles dans lesquelles le thermomètre dépasse les 30 °C. Pas de climatisation, fenêtres à simple vitrage, radiateurs vétustes, préaux inexistants : le constat est accablant. Si les écoles étaient soumises aux mêmes obligations relatives au diagnostic de performance énergétique (DPE) que les logements, nombre d’entre elles seraient tout simplement impropres à accueillir des élèves.
Un bâti scolaire éclaté entre les collectivités
Qui est responsable de ce bâti scolaire délabré ? Comme pour l’administration pénitentiaire, une carte précise les compétences. Une page du ministère de l’Éducation nationale détaille les responsabilités de chacun. Le bâti scolaire relève entièrement des collectivités territoriales.
Les communes gèrent les écoles primaires, les départements les collèges et les régions les lycées.
Ce sont donc les élus locaux qui portent la responsabilité de la transition écologique des établissements et qui doivent trouver les financements nécessaires et c’est là qu’il y a un problème.
Des écoles neuves au coût difficilement soutenable
Combien coûte la construction d’une école ? L’exemple de l’école maternelle La Venelle, à Épinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), est éclairant. Conforme à la réglementation thermique 2005 (RT 2005), sa livraison était prévue pour novembre 2008. Le coût global de l’opération s’élevait alors à 5 475 415 euros hors taxes.
Un rapport d’information sénatorial publié en novembre 2023, consacré à la transition écologique du bâti scolaire, souligne l’ampleur du chantier. Nadège Havet, rapporteure, note que « les estimations varient beaucoup selon les personnes auditionnées, allant de 300 euros à 1 700 euros par mètre carré ».
Certaines communes sont plus touchées que d’autres. Marseille, par exemple, fait face à un défi colossal. Sur ses 470 écoles, 188 nécessitent une rénovation majeure, soit 40 % du parc scolaire, pour un budget prévisionnel de 845 millions d’euros.
Des investissements sans retour immédiat
Contrairement aux logements ou aux bureaux, dont la rénovation peut s’accompagner d’un retour sur investissement, les écoles n’ont pas vocation à générer des profits.
Elles sont toutefois exposées aux mêmes incertitudes : fluctuation des prix de l’énergie, évolution des normes environnementales, et, bien que rarement évoqué ouvertement, calcul électoral.
S’ajoute à cela un calendrier contraint. Là où un acheteur de logement peut attendre deux ans avant de s’installer, les travaux dans les écoles doivent s’adapter au rythme scolaire. La fenêtre d’intervention est réduite à quelques semaines par an.
Des collectivités asphyxiées financièrement
La capacité des collectivités à agir est également entravée par des arbitrages budgétaires nationaux.
L’État a réduit leurs dotations de fonctionnement et supprimé la taxe d’habitation, amputant leurs ressources.
Fin juin 2025, la Cour des comptes a publié un premier tome sur les finances publiques locales. Le constat est sévère : « En 2024, les collectivités contribuent fortement à la hausse du déficit public total, malgré leur part limitée de ce dernier. C’est la conséquence d’un effet de ciseaux croissant entre des dépenses de fonctionnement et d’investissement dynamiques et des recettes qui progressent, mais moins fortement. »
Les magistrats soulignent aussi que « le besoin de financement des collectivités a plus que doublé en 2024 ».
Le piège du patrimoine historique
Autre difficulté, souvent sous-estimée : de nombreux établissements sont des bâtiments classés.
Une consultation du portail open data du ministère de la Culture permet d’identifier les écoles, collèges et lycées protégés au titre des monuments historiques. Parfois, seule une façade ou un élément architectural est concerné.
Mais on ne rénove pas une école classée comme un immeuble construit en 2010. Les contraintes patrimoniales alourdissent les délais, les coûts et les procédures.
Une urgence climatique vite oubliée
Comme fréquemment, la solution passe par des arbitrages budgétaires. Mais d’ici à l’automne, l’épisode caniculaire sera oublié. L’attention se portera de nouveau sur la réduction des déficits publics et la préparation des élections municipales.