Encadrement de l’influence : l’exemple d’une bonne législation
Le système médiatique est ainsi fait qu’on se remémore plus souvent les coups d’éclat et les éléments négatifs de l’Assemblée nationale et du Sénat que des évènements positifs. Les personnes qui ont assisté à l’examen de la proposition de loi visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux ont été surprises de constater à quel point les débats sereins, respectueux et constructifs. Autant la réforme des retraites était programmée pour très mal se passer, autant la proposition de loi sur les influenceurs ne pouvait que bien se passer. Au point qu’on pourrait en donner la recette.
Un objectif commun
L’objectif de ce texte était simple : réguler l’activité de l’influence en ligne. Beaucoup de dérives ont été observées ces dernières années, avec des conséquences tout à fait réelles. Au début de la XVIe législature, plusieurs députés ont déposé des propositions de loi visant à encadrer cette activité, chacun apportant son point de vue et ses idées.
Faisant fi des étiquettes politiques, ils ont réuni leurs idées en un texte commun. Cela arrive plus souvent qu’on ne le pense, mais, il est vrai aussi que la focale médiatique porte trop souvent sur les projets de loi — donc les émanations du Gouvernement et non sur les propositions de loi — les idées des parlementaires.
Du côté des parlementaires, cela consiste aussi à mettre son ego de côté. On a pu le constater hier en séance publique : les députés qui se sont exprimés et qui ont porté des amendements ne sont pas ceux qui sont les plus connus ou qui ont une activité médiatique débordante. Cela contribue aussi à apaiser les débats, puisque ceux qui sont dans l’hémicycle sont présents pour travailler et non pour générer du clic et du reach.
Prendre le temps nécessaire
Le corapporteur Delaporte l’a souligné en séance publique ainsi que durant un space qui s’est déroulé dans la soirée du jeudi 30 mars 2023, organisé par le Collectif AVI. Les députés ont pris le temps nécessaire pour écrire le texte.
Ils ont pris le temps de mener des auditions, d’écouter les parties prenantes, de faire des concertations avec Bercy et ce n’est qu’une fois que le texte avait une rédaction cohérente qu’il a été mis à l’ordre du jour.
Conséquence immédiate : par rapport à d’autres textes, il y a eu peu d’amendements, 201 exactement. Sur ces 201, 169 ont été discutés et 51 ont été adoptés, provenant de tous les bancs. Une autre raison de cette bonne tenue des débats est peut-être à chercher du côté de l’exécutif.
Le Gouvernement en retrait
Bercy a mené des concertations de son côté et a édité un guide pratique pour les influenceurs. L’ARPP a aussi contribué — même si cette autorité n’est pas le Gouvernement — en mettant en place une certification de l’influence responsable. Il y a eu un apport intellectuel de la part de l’exécutif ainsi qu’un coup de pouce de procédure. En effet, le texte bénéficie de la procédure accélérée.
C’est assez rare pour le souligner, dans ce cas de figure, la procédure accélérée se justifie. Non pas en raison de l’urgence absolue, mais, parce qu’il n’y a pas de réelle difficulté, qui ferait qu’on aurait besoin de légiférer pendant des mois.
Si le Gouvernement a été représenté aux bancs par Olivia Grégoire, il est globalement resté en retrait, du moins médiatiquement. Ce faisant, les députés n’ont pas eu l’impression qu’on leur tenait la plume. Ce qui tend à prouver que si on laisse les parlementaires gérer leurs textes, cela se passe bien.
La suite de la PPL influenceurs
La première étape a été franchie avec une adoption à l’unanimité du texte. La version adoptée à l’Assemblée nationale est disponible ici. Elle doit maintenant aller au Sénat. On ne sait pas encore quand elle sera inscrite à l’ordre du jour. Néanmoins, comme elle est en procédure accélérée, il est probable que la chambre haute ne la laisse pas moisir dans un coin.
Elle ira sur le bureau de la commission des affaires économiques. Dans le space du jeudi 30 mars 2023, Arthur Delaporte appelait de ses vœux la nomination de deux corapporteurs (majorité/opposition) comme à l’Assemblée nationale. Après son examen en commission des affaires économiques, elle ira en séance publique. Il est probable que les sénateurs ajoutent certains éléments.
Ce qui débouchera sur une commission mixte paritaire, composée de sept députés et sept sénateurs, donc Guillaume Kasbarian en tant que président des affaires économiques, Stéphane Vojetta et Arthur Delaporte en tant que corapporteurs.
La conclusion est simple : il est parfaitement possible de légiférer en bonne intelligence, de manière sereine, pour peu que chacun y mette du sien.