
Christine Engrand et Andy Kerbrat privés d’indemnités durant deux mois
Ce mercredi 7 mai 2025, le Bureau de l’Assemblée nationale a sanctionné Andy Kerbrat et Christine Engrand, en les privant d’indemnités parlementaires pour deux mois.
Une sanction inédite pour des faits hors de l’hémicycle
S’il est impossible de « virer » un député pour un comportement répréhensible, l’Assemblée nationale peut néanmoins prononcer des sanctions disciplinaires.
Il est assez rare — pour ne pas dire inédit — qu’un député soit sanctionné pour des faits survenus en dehors de l’hémicycle et encore plus pour des questions liées aux frais de mandat. Pourtant, le Bureau de l’Assemblée nationale a décidé, ce mercredi 7 mai 2025, de suivre les recommandations du déontologue parlementaire.
Frais de mandat détournés : le rapport du déontologue
Dans son dernier rapport, ce dernier recommandait que les députés ayant détourné l’usage de leurs frais de mandat — l’équivalent de frais professionnels — ne soient pas uniquement tenus de rembourser les sommes en question, mais qu’ils fassent également l’objet d’une sanction disciplinaire.
Des noms connus et un troisième inconnu
Trois députés étaient visés, bien que leurs noms n’aient pas été officiellement dévoilés. Le lecteur averti comprenait toutefois qu’il s’agissait d’Andy Kerbrat et de Christine Engrand. Pour cette dernière, Mediapart avait révélé qu’elle avait utilisé ses frais de mandat pour régler des abonnements à des applications de rencontre ou pour faire garder ses chiens.
Quant à Andy Kerbrat, il les aurait employés pour financer une dépendance aux stupéfiants. Depuis, il n’a plus reparu à l’Assemblée, étant en arrêt maladie.
L’identité du troisième député concerné reste inconnue : ni nos confrères ni la décision officielle du Bureau ne l’ont mentionnée. La question reste donc entière : ce député a-t-il échappé à une sanction parce que son cas est demeuré confidentiel, ou parce qu’il a agi de bonne foi ?
La plus lourde sanction prévue par le règlement
Pour Andy Kerbrat et Christine Engrand, la sanction est claire : ils ont écopé de la peine la plus lourde prévue par le règlement de l’Assemblée nationale, à savoir la censure avec exclusion temporaire.
L’article 73 du règlement précise : « La censure avec exclusion temporaire emporte de droit la privation, pendant deux mois, de la moitié de l’indemnité parlementaire allouée au député. Elle entraîne l’interdiction de prendre part aux travaux de l’Assemblée et de reparaître dans le Palais de l’Assemblée jusqu’à l’expiration du quinzième jour de séance qui suit celui où la peine a été prononcée. »
Une peine qui tend à devenir plus fréquente
Cette sanction est rarement appliquée. Sous la XIIIe législature, elle avait été prononcée contre Maxime Gremetz. Elle a disparu lors des XIVe et XVe législatures. Durant la XVIe, Grégoire de Fournas — pour une injure raciste — Sébastien Delogu — pour avoir brandi un drapeau en hémicycle — et Thomas Portes — pour une photographie polémique — en avaient fait les frais.
Christine Engrand et Andy Kerbrat deviennent ainsi les premiers députés sanctionnés par une exclusion temporaire depuis le début de la XVIIe législature.
Il est d’ailleurs probable qu’une partie de l’argumentation pour sanctionner les deux députés se soit basée sur la « jurisprudence » Thomas Portes. En effet, si sa photographie avait provoqué un tumulte dans l’hémicycle, tout le monde avait compris que c’est son comportement en dehors de l’hémicycle qui était réellement sanctionné.
Des conséquences immédiates pour les deux députés
Andy Kerbrat, déjà absent depuis plusieurs mois, continuait toutefois de participer aux scrutins grâce à une délégation de vote confiée à Ségolène Amiot. Celle-ci devient désormais caduque pour les quinze jours à venir.
Christine Engrand, elle aussi sanctionnée, devra rester en circonscription. Elle ne pourra participer ni aux séances publiques, ni aux commissions, ni aux votes pendant quinze jours.
La mesure la plus significative reste néanmoins la privation de la moitié de l’indemnité parlementaire durant deux mois.
Exemplarité et sanction dans les urnes
Reste à savoir si cette sanction, aussi exceptionnelle soit-elle, marquera un tournant dans la manière dont l’Assemblée entend faire respecter l’exemplarité de ses membres — ou si elle demeurera l’exception qui confirme la règle du silence. On est en droit de se poser la question dans la mesure où le nom du troisième député n’est toujours pas sorti et que manifestement, il n’a pas été concerné par la sanction prononcée ce jour par le Bureau.
L’autre question qui se pose est celle de la sanction électorale. Bien qu’il le nie farouchement, Emmanuel Macron pourrait dissoudre l’Assemblée nationale dans les prochaines semaines, le délai d’un an touchant à sa fin. Quelle sera l’attitude des électeurs si Christine Engrand et Andy Kerbrat se présentent de nouveau aux suffrages ?
Comme le précise la décision du Bureau, la sanction devra être votée par les députés en séance publique. Andy Kerbrat a réagi sur X (anciennement Twitter) par un communiqué de presse.
Article mis à jour le 7 mai 2025 à 15 h 05
Les députés ont voté à main levée et à l’unanimité la sanction envers Christine Engrand et Andy Kerbrat. La Présidente de l’Assemblée nationale a indiqué que la proposition de sanction envers les deux députés avait accepté lors du bureau à l’unanimité.
La sanction est effective dès maintenant.