Flux croissant de voyageurs russes en France révélé par des données inédites
En dépit des sanctions économiques, les Russes continuent leurs voyages à l’étranger, y compris au sein de l’Union européenne. Source de cette information, qui devrait intéresser nos dirigeants ? Les données mobiles.
Retour en arrière : suite au déclenchement de la seconde guerre en Ukraine par la Russie, l’Union européenne a édicté une série de sanctions économiques envers la Fédération de Russie, appelée train. Nous en sommes actuellement au douzième.
Mais, comme le reconnaît l’Union européenne elle-même, « le contournement [NDLR des sanctions] reste substantiel et systémique ». La preuve avec les données de circulation des Russes à l’étranger. Les chiffres ne sont pas issus du ministère du Tourisme ou des Affaires étrangères, mais des opérateurs de téléphonie mobile.
La part des Russes voyageant à l’étranger a augmenté de 21 % par rapport à 2022. Raison de cette augmentation ? La levée progressive des restrictions liées au COVID. La part varie en fonction des opérateurs : 25 % pour MTS, 17 % pour MegaFon et pourcentage inconnu pour Tele2. Si les pays de la Communauté des États indépendants (CEI) sont toujours prisés, ce sont les pays hors CEI qui connaissent une augmentation. En tête de liste : la Turquie, dont on sait qu’elle est une alliée objective de la Fédération de Russie. À défaut de pouvoir circuler librement et facilement vers certains États de l’Union européenne, les Russes se sont rabattus vers la Riviera Turque. Viennent ensuite l’Abkhazie, la Biélorussie, les Émirats arabes unis — probablement Dubaï — et le Kazakhstan.
On ne possède pas le détail des raisons des voyages, mais on peut constater que parmi les États qui arrivent en tête de classement, figurent ceux qui sont aussi plébiscités pour contourner les sanctions économiques et le bannissement de SWIFT.
Faisant écho à des opérations de propagande déjà bien entamées durant les années précédentes, les Russes se sont aussi beaucoup rendus dans les États d’Amérique latine, dont Cuba. Cela n’est pas une surprise : Russia Today et d’autres outils de propagandes, dont Sputnik, ont commencé à déployer leurs canaux vers les pays d’Amérique du Sud. Notons que Rafael Correa, ancien président de l’Équateur, officie toujours chez Russia Today, avec une émission dédiée « Conversation avec Correa coups d’État ». Le réseau MIR/MDR commence aussi à s’y implanter.
La Chine fait également partie des pays les plus visités, tout comme l’Inde, mais aussi la Thaïlande.
On aurait pu croire que le flux de voyageurs vers des pays de l’Union européenne se serait tari, aussi bien en raison des sanctions économiques que de la propagande du Kremlin faisant des pays membres des agents du néofascisme et du nazisme. Il n’en est rien et la part a même augmenté de 8 %. En tête, l’Italie, avec une augmentation de 30 % pour les abonnés de MTS. Elle est suivie de la France, de l’Espagne et de l’Allemagne. Chez MTS, la France a enregistré la plus forte augmentation de trafic : 61 %.
Ce qui pose la question : comment des Russes ont-ils pu venir en France, apparemment sans difficultés ? Les données des opérateurs téléphoniques ayant été anonymisées, il n’est pas possible de savoir ce qu’il en était réellement de ces voyages, mais cela prouve une nouvelle fois que les sanctions économiques ne sont pas respectées et que les flux financiers entre la France et la Russie existent toujours.
Quant aux sanctions portant sur le secteur des médias, on s’interroge également. Si le cas de Xavier Moreau a été évoqué dans la presse française, ce dernier réside en Russie. Ce n’est pas le cas d’Alexis Poulin, qui vit en France. Ce dernier était encore chez Sud Radio il y a quelques jours ainsi que sur Russia Today, en visioconférence.
Ce dernier y tient une chronique deux fois par semaine, appelée « le point avec Alexis Poulin ». On ne sait pas s’il s’agit d’un pur bénévolat ou d’une activité rémunérée. En effet, en dehors de son média « le monde moderne », Alexis Poulin n’a pas de société de communication.
Il n’est pas le seul Français résidant en France à travailler pour Russia Today : la chaîne propose à intervalles irréguliers des micros-trottoirs et des reportages effectués en France, par des journalistes français.
Le législateur aura du pain sur la planche pour contrer les ingérences russes, car les élections européennes approchent à grands pas.