Le magazine Frontières cible les collaborateurs parlementaires
Dans son premier hors-série, « Invasion migratoire — les coupables », le magazine Frontières s’en était pris à nos confrères de StreetPress, de Mediapart, de Blast, mais aussi à des avocats. Il avait publié les noms d’une soixantaine d’avocats, accusés d’être responsables de la « submersion migratoire ».
Le CNB (Conseil National des Barreaux) avait saisi le parquet et des plaintes ont été déposées.
Après la publication, plusieurs avocats ont fait l’objet de menaces très explicites et de cyberharcèlement.
Dans un numéro à paraître demain, 9 avril 2025, Frontières s’en prend cette fois-ci nommément aux collaborateurs parlementaires.
Cette édition, intitulée « LFI le parti de l’étranger », annonce la couleur : « Nous avons enquêté sur leurs collaborateurs, leurs réseaux, leurs relais militants, analysé leurs votes à l’Assemblée nationale, leurs discours et leur stratégie numérique, disséqué une galaxie idéologique désormais structurée et influente, bien que largement passée sous les radars ».
Cette publication suscite de vives inquiétudes chez les collaborateurs parlementaires. Un rassemblement unitaire, réunissant plusieurs syndicats de collaborateurs parlementaires aura lieu le mercredi 9 avril 2025, à 13 h 30 dans le jardin des Quatre-colonnes.
Les collaborateurs parlementaires (des députés ou des sénateurs) sont des salariés de droit privé. S’ils peuvent partager tout ou partie des convictions de leurs députés employeurs, cela n’est pas une vérité absolue. Bien que leurs noms soient indiqués sur les fiches des députés sur le site de l’Assemblée nationale, ils sont bien souvent anonymes et n’ont pas nécessairement d’activités militantes. Quand bien même, un collaborateur parlementaire bénéficie au même titre que les autres salariés de droit privé, du droit à la liberté d’expression, de manifestation et d’association, à partir du moment où il ne trouble pas l’ordre public.
Jointe par téléphone, la secrétaire générale de la CGT-CP fait part de son inquiétude « on connaît les méthodes de Frontières et le précédent avec les avocats nous montre qu’on a raison d’être inquiet. On l’est encore plus pour les collaborateurs qui sont en circonscription. Aujourd’hui, un collaborateur parlementaire ne bénéficie pas de la protection fonctionnelle, comme peut l’avoir un élu. Pourtant, nous sommes aussi pris pour cible ».
À la précarité de leur emploi — que la dissolution a aggravé — et aux conditions de travail assez déplorables vient s’ajouter une mise en danger potentielle. D’autant qu’il est déjà arrivé qu’un collaborateur parlementaire soit physiquement agressé en raison de son emploi, notamment durant le mouvement des Gilets Jaunes.
Reste à connaître la réponse institutionnelle qui pourrait être faite. Le dialogue social avec Lise Magnier, chargée des questions relatives aux collaborateurs parlementaires paraît être actuellement suspendu.
Se pose aussi la question de la présence de Frontières au sein de l’Assemblée nationale. En effet, à partir du moment où un média est reconnu comme tel et que ses journalistes sont détenteurs d’une carte de presse, ils peuvent bénéficier d’une accréditation temporaire pour accéder au Palais Bourbon. Pensé pour être le plus égalitaire possible, ce système comporte manifestement des failles. Un média mettant en danger des collaborateurs parlementaires a-t-il sa place à l’Assemblée nationale ?
Il est probable que Naïma Moutchou doive très rapidement se pencher sur cette question. En effet, elle préside la délégation chargée de la communication, de la presse et du patrimoine artistique et culturel. À ce titre, c’est à elle qui revient de faire des propositions sur ce sujet.
Les syndicats de collaborateurs parlementaires ont fait paraître une tribune dans l’Huma, disponible ici.