Antalya a les faveurs des entrepreneurs Russes fuyant les sanctions occidentales
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Fuir les sanctions occidentales : la Turquie comme porte d’entrée avec la bienveillance de l’Europe

On savait déjà que certains pays ne jouaient pas le jeu des sanctions occidentales (Union européenne et États-Unis) infligées à la Fédération de Russie en raison de la seconde guerre en Ukraine. Mais, on manquait de données statistiques pour se faire une idée. 

Parmi les États qui continuent d’accueillir avec bienveillance les Russes, la Turquie est une place de choix et cela se confirme avec les données de la Chambre de commerce d’Antalya pour 2023. Antalya est une station balnéaire de Turquie, très accueillante. Elle était déjà prisée des Russes dans les années 2000 et 2010. En raison d’un refroidissement des relations diplomatiques entre Moscou et Ankara, les Russes s’étaient rabattus vers d’autres lieux de villégiatures, notamment Malaga, Ibiza et plusieurs stations balnéaires de Majorque. À titre de comparaison, en 2019, on comptait 1.1 million de touristes russes à Majorque, selon l’Institut National de la Statistique.  

En dehors du côté estival, la Turquie a mis en place des facilités d’installation pour les entrepreneurs Russes, comme cela était expliqué dans le jeu des ombres : les ingérences étrangères à ciel ouvert. D’après les chiffres de la Chambre de commerce d’Antalya, en 2023, les Russes ont créé 255 entreprises.

Est-ce beaucoup ? En tout, 791 entreprises à participation étrangère ont été créées en 2023. Les Russes représentent donc 32.23 % des créations. Ils sont suivis par 83 entreprises allemandes, 64 iraniennes, 53 ukrainiennes et 42 azerbaïdjanaises. 
Selon les données du ministère de l’Intérieur pour 2023, les trois villes les plus plébiscitées par les résidents étrangers sont Istanbul, avec 557 341 étrangers avec permis de séjour régulier, Antalya, avec 116 889 étrangers et Ankara, avec 69 322 personnes. Les Russes sont fortement présents, avec 100 761 ressortissants, titulaires d’un permis de résidence. 

En 2022, les ressortissants russes étaient les plus nombreux à être titulaires d’un permis de résidence : 153 693 et en 2021, seulement 66 717. 

Cela n’est pas étonnant : la Russie est devenue le second partenaire commercial de la Turquie en 2023. Pour le premier semestre 2023, les échanges commerciaux se montent à 351.1 milliards de dollars et la Turquie constitue un point d’entrée pour les marchandises européennes, avant d’être acheminées vers la Russie. Pour éviter les difficultés bancaires, les transactions sont opérées en roubles russes et livres turques, via Credit Europe Bank N.V. et Ziraat Bank. Par ailleurs, la Turquie est le troisième acheteur de pétrole russe. 

Cela interroge sur les relations diplomatiques que la France et l’Union européenne peuvent entretenir avec la Turquie. Emmanuel Macron avait rencontré Recep Tayyip Erdoğan en juillet 2023, lors du sommet de l’OTAN, dont la Turquie est membre. Cette dernière a confirmé qu’elle souhaitait toujours faire partie de l’Union européenne. Mais, en dehors de toutes les difficultés objectives déjà présentes dans le dossier de candidature de la Turquie, on ne peut pas dire qu’Ankara fasse preuve de bonne foi en aidant la Fédération de Russie à contourner les sanctions occidentales, notamment celles décidées par les instances européennes. 


Mise à jour du 22 janvier 2024 à 16 h 50

Il n’y a pas que la Turquie qui serve de porte d’entrée aux entreprises russes souhaitant échapper aux sanctions occidentales : il y a aussi le Kazakhstan. Selon Halyk Finance, une institution bancaire et financière du pays, les données 2023 font état d’une augmentation significative du nombre d’entreprises russes délocalisées dans ce pays. Elles sont plus de 23 000 à la fin de l’année 2023, soit le double par rapport à 2021. Les domaines d’activité des entreprises en question sont l’agriculture et le secteur minier, suivi par des entreprises en conseil. Pour les entreprises russes, cela permet de jouer sur les deux tableaux : le Kazakhstan est intégré dans SWIFT et dans SPFS. Notons également que le Kazakhstan a pris des mesures incitatives envers la Fédération de Russie, pour que les entreprises s’y installent.