Ils n’ont parrainé personne : les parlementaires s’expliquent
93. C’est le nombre de parlementaires – députés, sénateurs et parlementaires européens – qui n’ont accordé leur parrainage à personne, pour l’élection présidentielle. Une seule question : pourquoi ? Tous ont été contactés et leurs raisons sont diverses, aussi bien pratiques que politiques.
Les parrains exclus d’office
On l’oublie parfois, mais pour être député européen français, il n’est pas nécessaire d’être citoyen français. Mais, il faut l’être pour parrainer. Chez Sandro Gozi, on le dit ouvertement : en raison de sa nationalité italienne, il ne peut pas parrainer qui que ce soit. Mais s’il avait pu, il aurait envoyé son parrainage à Emmanuel Macron.
Même problématique pour Caroline Roose : « En effet, je n’ai pas donné mon parrainage et j’en suis frustré d’ailleurs, car j’aurai donné mon parrainage à Yannick Jadot. Je suis de nationalité belge élue en France parce que domiciliée en France. Je suis en cours de demande de naturalisation ».
Les parrains maudits par les services postaux
Ne parlez plus jamais de Chronopost à Irène Tolleret : elle a envoyé son parrainage au Conseil constitutionnel via ce service, pour un coût de 24 €. Parrainage perdu par Chronopost. C’est peu dire que l’élue européenne est furieuse contre le prestataire. Sans cette péripétie, son parrainage aurait dû être inscrit dans la liste des soutiens à Emmanuel Macron.
Elle n’est pas la seule. Perrine Goulet a connu une aventure similaire : « J’ai souhaité accorder mon parrainage à Emmanuel Macron. Le courrier a été expédié en recommandé avec avis de réception, lundi 28 février. Il n’est malheureusement pas arrivé au Conseil constitutionnel à temps (vendredi 4 mars à 18 h) et la Poste indique actuellement que le courrier est égaré ».
Les parrainages refusés pour cause de forme ou de fond
Pour être enregistré, un parrainage doit répondre à des règles de fond, mais également de forme. C’est ce qui est arrivé à Fabien Matras « J’ai adressé le 08 février dernier un parrainage au soutien de Monsieur Emmanuel Macron qui a bien été réceptionné par les services du Conseil constitutionnel. Lors de l’ouverture de l’enveloppe envoyée par la Préfecture du Var, j’ai endommagé celle dédiée à l’envoi du parrainage. En conséquence, j’ai utilisé une enveloppe officielle à entête de l’Assemblée nationale avec le CERFA valide et rempli correctement. Malgré la conformité du formulaire officiel, le Conseil constitutionnel a rejeté comme invalide mon parrainage au motif que l’enveloppe était un modèle différent de celui acheminé par le ministère de l’Intérieur vers les élus habilités à présenter des candidats à l’élection présidentielle, à savoir le modèle préalablement validé par le Conseil constitutionnel. Mon parrainage a bien été comptabilisé, mais a été déclaré invalide pour cette raison. L’enveloppe dédiée est citée par la loi même si elle est mentionnée avec la possibilité d’utiliser un mail. Il semble donc que le législateur n’ait pas souhaité en faire un point capital puisqu’il laisse deux possibilités. Sachez également que le Conseil constitutionnel, avec qui j’ai échangé sur le sujet une semaine avant la clôture des parrainages, a refusé de m’offrir la possibilité d’envoyer à nouveau mon parrainage (pour le même candidat) dans la bonne enveloppe afin de corriger l’erreur initiale. Or cela, rien ne l’interdît dans les textes à ma connaissance ».
D’autres parlementaires ont vu leur parrainage retoqué pour des questions de fond et regrettent la disqualification.
L’abstention de parrainage
Certains parlementaires ont préféré s’abstenir de tout parrainage, dans le but de garder une certaine neutralité. La publication des parrainages est partiellement en cause : le contexte local ferait qu’afficher un parrainage serait assimilé à un soutien actif. Les élus des territoires concernés passeraient plus de temps à justifier leur parrainage auprès de leurs administrés qu’à travailler sur les dossiers de fond. En somme, cela rajouterait un sujet dans le sujet.
Françoise Gatel ne dit pas autre chose : ulcérée par la culpabilisation des maires qui n’ont pas parrainé, elle fustige cette déconnexion avec le terrain « pour les maires, il peut être difficile de faire comprendre qu’un parrainage n’est pas un soutien ». Elle souligne que l’amplification médiatique d’un parrainage peut être difficile à vivre, y compris pour la population, qui peut être gênée d’être assimilée à tel ou tel candidat. « L’initiative de François Bayrou [NDLR : la banque des parrainages] est intéressante, car elle répond à un souci démocratique. Si certains candidats, populaires dans les sondages, n’ont pas leur signature, on risque d’avoir une troisième mi-temps démocratique désagréable. ». Est-ce pour cela qu’elle n’a pas accordé son parrainage ? La réponse est plus politique.
Le refus de parrainage
Initialement partie pour empêcher une troisième mi-temps démocratique désagréable comme elle le dit elle-même, Françoise Gatel a finalement refusé de parrainer les candidats en défaut de signature. La raison ? Vladimir Poutine. « Mon sens de la démocratie s’arrêtait envers les candidats qui avaient des amitiés envers Poutine ». Dans son viseur : Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Éric Zemmour, qui ont franchi la ligne d’arrivée à la dernière minute.
Elle n’est pas la seule à avoir sondé les candidats et leur programme. Jeanine Dubié n’y a pas trouvé les éléments indispensables « «je n’ai pas donné de parrainage, parce qu’une candidature de rassemblement de la gauche laïque et républicaine me paraissait indispensable – ce qui n’a pas abouti ».
Son de cloche presque identique chez Guylène Pantel « Je n’ai pas apporté mon parrainage en raison du fait que le combat que je porte quotidiennement et qui donne du sens à mon engagement politique, à savoir la sauvegarde de la qualité de vie en ruralité, est totalement mis en marge des programmes des prétendants progressistes à l’élection présidentielle ».
Réformer le système ?
Faut-il changer les règles du jeu ? « La publication des parrainages partait d’une bonne intention, mais on n’a pas anticipé les conséquence » souligne Françoise Gatel. Pour elle, on doit garder le système actuel des parrainages, mais réfléchir collectivement à une manière d’améliorer le système, notamment pour échapper à l’intox perpétuelle de certains candidats concernant les parrainages.