Une commission spéciale contre les ingérences étrangères voit le jour au Parlement européen. Si la résolution suscite un consensus relatif, l’extrême droite européenne, elle, vote contre... tout en rejoignant ses rangs.
L'Europe

Ingérences étrangères : l’extrême droite dit non, mais participe quand même

La lutte contre les ingérences étrangères s’organise au sein du Parlement européen. Sous l’impulsion d’Ursula von der Leyen, la création d’un « bouclier européen de la démocratie » prend forme avec l’instauration d’une commission spéciale, votée le 18 décembre 2024. Cette nouvelle structure, dotée d’un mandat d’un an, est chargée d’évaluer les failles démocratiques de l’Union et de proposer des mesures pour protéger ses institutions contre les ingérences extérieures, notamment russes. Cependant, le vote pour sa création a révélé des divisions politiques, et l’attitude de l’extrême droite européenne intrigue.

Une mission au cœur des défis démocratiques

Présentée par Roberta Metsola, présidente du Parlement européen, cette résolution met en garde contre les ingérences malveillantes orchestrées par des régimes autoritaires et des acteurs non étatiques. Selon la résolution, ces manœuvres exploitent la désinformation, influencent les élections, polarisent les sociétés et ciblent des infrastructures critiques. Parmi les principaux accusés : la Russie, largement impliquée dans une guerre informationnelle contre l’Europe, intensifiée depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022.

La mission de la commission s’annonce ambitieuse : renforcer la cybersécurité, promouvoir l’éducation aux médias, développer des outils pour contrer la désinformation et protéger les processus électoraux. La coopération avec des pays proeuropéens comme l’Ukraine et la Moldavie est également mise en avant, tout comme la régulation des plateformes numériques, souvent accusées de servir de terrain de jeu pour ces ingérences.

L’extrême droite européenne : entre rejet et intégration

Bien que consensuelle, la résolution n’a pas convaincu l’extrême droite européenne. Tous les eurodéputés affiliés à ces partis ont voté contre la création de la commission. Malheureusement, le principe du paritarisme politique oblige le groupe Patriotes pour l’Europe à y envoyer des représentants. C’est ainsi que Fabrice Leggeri et Virginie Joron, deux figures du Rassemblement national, rejoignent cette nouvelle commission.

Leur position reste tranchée : « Cependant, cette commission semble aussi viser à renforcer la propagande européiste », a déclaré Fabrice Leggeri. Virginie Joron, quant à elle, estime qu’il s’agit d’un « renforcement de la propagande européiste ».

Au groupe ECR, les quatre eurodéputés français, qui appartiennent au parti créé par Marion Maréchal ont aussi voté contre et on remarque Nicolas Bay et Marion Maréchal ont donné exactement la même explication de vote. Ils ne partagent pas les mêmes collaborateurs parlementaires, mais ils ont la même plume.

Les explications de vote de Nicolas Bay (à gauche) et de Marion Maréchal (à droite)
Les explications de vote de Nicolas Bay (à gauche) et de Marion Maréchal (à droite)

Les ombres de Trump et des cryptomonnaies

Les critiques contre cette commission ne s’arrêtent pas à l’Union européenne.

Certaines figures, comme Sarah Knafo, affichent une proximité troublante avec des réseaux d’influence étrangers, qui ne nous veulent pas du bien. Cette eurodéputée, qui a voté contre la résolution sans explications, a été vue à l’investiture de Donald Trump et lors du Crypto Ball, un gala réunissant des élites pro-Trump et des promoteurs de cryptomonnaies.

Sarah Kanfo au Crypto Ball - Compte Instagram de l'eurodéputé
Sarah Kanfo au Crypto Ball – Compte Instagram de l’eurodéputé

Elle multiplie les contacts avec des organisations influentes comme le Claremont Institute ou la Fondation Heritage, deux institutions réputées pour leur proximité avec l’actuel président américain.

Donald Trump a fait savoir qu’il souhaitait que l’Union européenne revienne sur certaines dispositions, notamment le Digital Services Act et le Digital Markets Act. Il menace également la communauté d’augmentation des droits des douanes.

Un défi pour l’avenir démocratique

Si les ingérences russes ou chinoises sont désormais bien documentées, de nouvelles formes d’influences émergent. Comment la commission spéciale abordera-t-elle ces enjeux ? Entre les cyberattaques, les manipulations médiatiques et les influences économiques occultes, le défi est colossal. Mais le paradoxe reste frappant : ceux qui s’opposent à cette commission y siègent dorénavant.

L’Europe réussira-t-elle à se doter d’un véritable bouclier contre les menaces hybrides ? Ce « bouclier de la démocratie » devra avant tout prouver qu’il est plus qu’un slogan. Si les rapports des précédentes commissions d’enquêtes sur les ingérences étrangères, au Parlement européen sont intéressants à lire au coin du feu, on ne peut pas dire qu’il y ait eu de réelles avancées.