Fabien Gouttefarde à la bibliothèque de l'Assemblée nationale
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L’interview de Fabien Gouttefarde

Conseiller juridique pour l’office national des anciens combattants et des victimes de guerre, Fabien Gouttefarde est député LREM de la deuxième circonscription de l’Eure.
Membre de la commission de la défense, il travaille principalement sur les thématiques militaires. 


Avant de devenir député, vous étiez conseiller juridique au sein du Ministère des Armées. Qu’est-ce qui vous a donné envie de quitter celle que l’on surnomme la grande muette pour la grande bavarde ? 

Ce n’est pas tout à fait comme ça que j’envisageais mon passage depuis ce qu’on appelle « l’administration active », en centrale, au ministère de la Défense, au monde de la politique. Il s’avère que j’étais depuis mes 18 ans environ, passionné par la politique nationale, observateur attentif de l’actualité politique et l’apparition d’une personnalité originale dans le monde politique m’a poussé à passer de l’autre côté, à militer. Je ne vois d’ailleurs pas ce choix comme un renoncement à une carrière dans la fonction publique ou dans le privé, mais plutôt comme un passage, un aller-retour, entre deux mondes qui doivent se nourrir l’un l’autre. 

Vous avez intégré la commission de la défense à l’Assemblée nationale. Dans votre cas, on peut dire que c’était votre premier choix ? 

Tout à fait. En juillet 2017, nous avons dû faire trois choix de commission, dans l’ordre de nos préférences, au sein de notre groupe parlementaire. J’ai eu mon premier choix. Celui de la commission de la défense n’est, il est vrai, pas le plus prisé, car c’est globalement un monde peu connu. Mais, on y fait des choses passionnantes. Les parlementaires se spécialisent souvent, et c’est normal, en fonction de leur parcours professionnel ou de leurs goûts pour certains domaines. 

Certaines voix s’élèvent pour que les députés aient plus de prérogatives en matière de décisions militaires. En effet, constitutionnellement, le président de la République est le seul décisionnaire sur ce sujet. Plaideriez-vous pour une extension des pouvoirs de la commission de la défense ? 

Oui et non. Je serai favorable à un plus grand pouvoir, et donc à des compétences plus fortes en matière de contrôle de l’action gouvernementale en matière de défense, mais tout en conservant la force et la réactivité de notre modèle de décision. Ainsi, je suis favorable à un meilleur contrôle des exportations d’armement sur la base des préconisations du rapport de mon collègue Jacques Maire sur ce sujet, de la même manière que je considère que l’Assemblée devrait plus fréquemment être consultée sur l’autorisation des OPEX [NDLR Acronyme pour opérations extérieures], et pas seulement une seule fois, après six mois d’entrée sur le théâtre. Mais, je ne souhaite pas revenir sur la faculté qu’a le président de la République de pouvoir engager nos troupes, sur sa seule décision, et dans un laps de temps extrêmement court. L’opérationnalité, c’est la force de notre modèle, reconnu de manière internationale. 

Vous êtes président du groupe d’études action humanitaire et à ce titre, vous portez une proposition de loi relative à la préservation de l’espace humanitaire. En quoi le groupe d’étude vous a-t-il aidé à préparer et à concevoir ce texte ? 

Le groupe d’étude à l’Assemblée nationale sur l’action humanitaire, comme ses quatre-vingts homologues (environ) sur beaucoup d’autres sujets, sert à être l’interface entre les professionnels d’un domaine (ici l’action humanitaire) et les parlementaires. Il sert à échanger régulièrement avec les ONG sur leurs problématiques, les enjeux du secteur. Assez tôt dans le mandat, nous avons échangé sur les conséquences de la lutte contre le terrorisme sur l’activité des associations humanitaires. C’est sur la base de ces échanges, et de cas pratiques, concrets, venant de Handicap International, d’ACF, de la Croix rouge, etc. que nous avons pu rédiger cette proposition de loi. 

Avez-vous bon espoir que ce texte sera examiné et définitivement voté avant la fin de la législature ?

Cela va être compliqué, mais je ne perds pas espoir. Il est vrai que mon groupe va privilégier, dans le temps qui nous reste (février 2022) [NDLR : les travaux de l’Assemblée nationale se clôtureront vraisemblablement à la fin du mois de février 2022, en raison de l’élection présidentielle et des élections législatives], les textes qui ont déjà été soumis au Sénat, et qui doivent terminer la navette. 

Parlons des instances internationales : à quoi sert l’Assemblée parlementaire franco-allemande ? 

Elle sert à instaurer un dialogue entre les parlementaires des deux côtés du Rhin et à asseoir ainsi un « habitus » d’échanges, de partages, sur les politiques publiques de nos deux pays. Elle vise aussi à arrêter des positions communes, sur la base de déclarations, sur bon nombre de sujets politiques, telle que la défense européenne, par exemple. 

Restons sur les questions internationales : vous avez fait partie de la commission spéciale Brexit (Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne de son nom complet). Même s’il est trop tôt pour spéculer sérieusement sur le sujet, pensez-vous qu’il soit possible que le Royaume-Uni revienne sur le Brexit et réintègre l’Union européenne ?

Oui, je le crois, mais il est peu probable que cela soit l’œuvre de ma génération. C’est une question à poser à mes enfants (11 et 15 ans) et aux enfants des parlementaires britanniques. 

Vous êtes membre de 16 groupes d’amitié, ce n’est pas un peu beaucoup ?

Il faut bien comprendre quelles sont les priorités dans un agenda de parlementaire. Il y a les travaux au sein de la commission à laquelle on appartient, la présence dans l’hémicycle, la présence en circonscription, le travail au sein d’un groupe d’étude et, seulement après, le groupe d’amitié… ce qui fait que l’activité de ces groupes est très variable. On s’y investit surtout quand on est dans le « bureau » du groupe [NDLR Le bureau est composé du président, des vice-présidents et des secrétaires. Ils sont tous députés.]. Le COVID les a quasiment tous « congelés » pendant deux ans. Mais la diplomatie parlementaire est importante. Elle est souvent sous-estimée. On aurait ainsi peut-être pu voir venir certaines choses sur le sujet du contrat australien avec Naval Group si on avait développé plus de liens avec nos homologues dans le Pacifique. 

D’ailleurs, que fait-on dans les groupes d’amitié ?

Je préside le groupe d’amitié avec le Yémen. Dans ce cadre, nous auditionnons des chercheurs spécialistes de la zone, des diplomates, notre ambassadeur, son homologue en France, les ONG travaillant là-bas… cela permet de sensibiliser les membres du groupe à la situation d’un pays.

Pourquoi avoir demandé la présidence du groupe France-Yémen ?

Parce que je suis passionné de relations internationales, de sujet de défense, de lutte contre le terrorisme et que je pensais (à raison) que lier les sujets de ma commission avec cette zone géographique, ainsi que le groupe d’études sur l’action humanitaire, faisait sens. 

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué durant votre mandat de député ?

Ce qui me marque le plus au terme de ce mandat, c’est la densité de travail qu’ont les parlementaires, proportionnellement contraire à la reconnaissance de nos citoyens et les trop faibles moyens dont nous disposons pour réaliser nos missions garanties constitutionnellement. Nous avons été trop mesurés dans la réforme de notre assemblée. Nous devons collectivement aller bien plus loin. Sans compter que nous légiférons beaucoup trop, pour des résultats pas toujours suffisamment tangibles pour nos concitoyens. 

Tous les députés interviewés se voient demander une photo pour illustrer votre mandat. Pourquoi avez-vous choisi celle-ci et que raconte-t-elle des presque cinq ans qui viennent de s’écouler ?

J’ai voulu choisir une photo «  à contre-pied ». J’imagine que beaucoup de collègues ont ou pourraient proposer des images de parlementaires dans l’action, au contact des concitoyens, sur des marchés… moi, je souhaitais rappeler que le travail du parlementaire est aussi d’une certaine manière, assez monacal. Il consiste dans la lecture et l’écriture. L’attachement aux mots est la chose centrale. Cette photo est prise dans l’endroit que je préfère à l’Assemblée. La bibliothèque. On y croise rarement d’autres parlementaires, quelques chercheurs. C’est un havre de paix et de calme. Cette photo est tout autant ce vers quoi le travail parlementaire devrait revenir, celui de l’étude, sérieuse, comparative et reliée au monde (la mappemonde sur la photo) de l’édification de la loi. Rappelez-vous, un (pas très) ancien a bien écrit un ouvrage dont le titre était : « Des hommes qui lisent »… [NDLR Titre d’un ouvrage d’Édouard Philippe, ancien Premier ministre]

C’est la question rituelle : comptez-vous vous représenter en 2022 ? 

Je compte surement demander l’investiture à la « Majorité présidentielle » [NDLR La République En Marche s’est récemment renommée Majorité Présidentielle] dès lors que le Président Macron sera candidat… et gagnera…