Jean-René Cazeneuve à un match de rugby - Photo par José Cruz
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L’interview de Jean-René Cazeneuve

Élu en 2017 dans la première circonscription du Gers, Jean-René Cazeneuve est député LREM, membre de la commission des finances et président de la délégation aux collectivités territoriales.


Vous êtes président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation : à quoi sert cette délégation ?

La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a été créée en 2017 à l’Assemblée nationale, alors que chez nos homologues du Sénat, elle existe depuis plus de 20 ans ! Son rôle est de défendre les intérêts des collectivités territoriales dans l’élaboration de la loi.

Les questions relatives aux collectivités territoriales sont très fréquemment transversales et de nature à intéresser plusieurs commissions. C’est pourquoi la délégation regroupe des députés appartenant à toutes les commissions qui apportent chacun leur expertise.

Le rôle de la délégation est d’autant plus important que beaucoup se sont inquiétés — avec la fin du cumul des mandats et des députés-maires — que les députés se « déconnectent » des réalités des élus locaux.

En tant que président de la délégation, quel est votre rôle ?

En fonction des textes de loi, la délégation effectue de très nombreuses auditions, des rapports d’informations et des avis sur ces textes. La délégation intervient sur toute loi qui touche aux collectivités territoriales. Cela nécessite de la coordination et des choix : sur quel texte travaille-t-on en priorité, quels sujets méritent un rapport d’information, etc. Si le choix est souvent collégial, il faut bien que quelqu’un tranche.

C’est pourquoi la DCT est structurée comme les commissions permanentes : un président et 4 vice-présidents.

Si un texte a un effet négatif sur les collectivités territoriales, par exemple, un changement de fiscalité, est-ce que la délégation dont vous êtes président peut frontalement s’y opposer ? Est-ce qu’une délégation a les mêmes pouvoirs qu’une commission permanente ?

Depuis 5 ans, les textes votés et les mesures prises ont plutôt eu des effets positifs sur les collectivités territoriales (10 Md€ de soutien à leurs finances face à la crise, maintien du niveau des dotations, etc.)

Une délégation n’a pas tout à fait les mêmes pouvoirs — ni le même fonctionnement, qu’une commission permanente.

Le travail de la délégation vis-à-vis des textes se fait davantage en amont, dans la construction des lois. Quand on considère qu’un projet de loi à venir aura un impact négatif sur les collectivités territoires, on émet un avis.

La DCT est un organe transpartisan, qui regroupe des élus de toutes les sensibilités politiques. Bien souvent, on se rend souvent compte que malgré nos divergences politiques, nous tombons d’accord sur les sujets impactant les collectivités.

Une commission spéciale dite Commission spéciale LOLF – LFSS, dont l’intitulé complet est Commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques et la proposition de loi portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l’information du Parlement sur les finances publiques ainsi que la proposition de loi organique et la proposition de loi relatives aux lois de financement de la sécurité sociale, a été créée. Quel est son intérêt ? Pourquoi une commission spéciale alors que les textes budgétaires arrivent obligatoirement à la commission des finances, dont vous êtes membre ?

Nous avons besoin de modernisation la gestion des finances publiques. La LOLF, par exemple, a 20 ans ! En 20 ans, beaucoup de choses ont changé, et cela nécessite d’y adapter notre gestion des finances publiques. Le travail mené par cette commission spéciale est un travail de fond, qui vise à moderniser en profondeur la LOLF et la LFSS. Pour la LOLF, par exemple, elle repose sur une logique trop verticale de fonctionnement de l’État qui a depuis évolué pour faire davantage de place à la coordination avec les territoires.

C’est un travail différent de celui de la commission des finances qui examine chaque année le PLF — mais ne travaille pas à modifier notre manière de gérer les finances publiques.

Depuis votre arrivée à l’Assemblée nationale, vous êtes rapporteur thématique sur le projet de loi de finances — avances aux collectivités territoriales. Que fait un rapporteur thématique précisément ?

Chaque année, le projet de loi de finances est le texte le plus conséquent que nous étudions. Afin d’examiner cette hydre à neuf têtes, le texte est découpé en plusieurs parties thématiques qui sont confiées à différents rapporteurs, selon leurs expertises. On a un rapporteur sur le logement par exemple, un autre sur les affaires maritimes, un autre sur le commerce extérieur. Ce découpage du PLF permet de s’assurer que chaque sujet spécifique est traité par un rapporteur spécial expert dans la matière.

Vous êtes membre de deux organismes extraparlementaires : le Comité national d’orientation et de suivi du fonds de soutien mentionné à l’article 92 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 et le Comité des finances locales. Que fait-on dans ces organismes ?

Le comité des finances locales est une instance paritaire : 11 élus locaux et 11 représentants de l’État. Une de ses missions principales est de fixer l’évolution de certaines parts de la dotation globale de fonctionnement (dotation de l’État attribuée aux collectivités territoriales). C’est aussi un organe consultatif qui est sollicité par le Gouvernement sur tout projet de loi ou disposition réglementaire à caractère financier concernant les collectivités locales. Il se réunit à peu près tous les deux mois selon un rythme calé sur la loi de finances et l’adoption des budgets locaux.

Le fonds de soutien, quant à lui, est alloué aux collectivités territoriales et à certains établissements publics ayant souscrit des contrats de prêt ou des contrats financiers structures à risque — dits des « emprunts toxiques ». Le comité d’orientation et de suivi de ce fonds associe les assemblées parlementaires et les collectivités locales, qui supervise et oriente par ses avis les modalités d’intervention du fonds.

Il a été instauré suite à l’affaire Dexia, une banque qui vendu des emprunts toxiques à des milliers de communes, départements et régions de France il y a plus de 10 ans. Heureusement, le travail de ce comité est quasiment fini, car les collectivités ont aujourd’hui été sauvées de la banqueroute qui les menaçait.

Est-ce que ces deux fonctions sont chronophages ? En tant que député, pourquoi en êtes-vous membre ? Qu’est que cela vous apporte ?

Ces fonctions ne sont pas les plus chronophages de mon mandat, loin de là. L’essentiel de mon temps est plutôt tourné le développement du Gers. J’entretiens un dialogue permanent avec les acteurs associatifs, économiques et sociaux de ma circonscription, ainsi que les élus locaux. C’est ce qui mobilise l’essentiel de mon temps de député. En second viennent les travaux de commissaire aux finances et de président de la DCT.

Il y a une réelle synergie entre les différentes fonctions que j’exerce au sein de ces deux comités et la présidence de la DCT. Elles sont complémentaires, car elles traitent toutes des finances locales sous différents aspects.

Vous êtes également membre de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite. Ce texte a été le plus mouvementé de la législature et la conclusion de son examen à l’Assemblée nationale ne s’est pas faite dans des conditions optimales. Objectivement, regrettez-vous l’utilisation de l’article 49 alinéa 3 par le Premier ministre ?

Je pense qu’il faut dépassionner le débat autour de l’usage du 49-3. On en parle comme si c’était une entorse à tous nos principes démocratiques, alors que c’est au contraire un article de la Constitution. Il permet au Gouvernement d’engager la responsabilité du gouvernement sur un projet de loi ou une partie de celui-ci.

Sur la réforme des retraites, il y avait une obstruction au débat phénoménale. La France Insoumise a assumé de faire ce qu’ils ont appelé du « zadisme parlementaire », plutôt que de débattre, ils ont tout bloqué, déposant quelques 23 000 amendements pour la plupart identiques, ineptes ou provocateurs et 700 000 – 700 000 ! — sous-amendements dans le même goût.

Cette stratégie assumée d’obstruction parlementaire était intolérable, et le recours au 49-3 a permis de mettre de côté ce « non-débat » et de continuer le processus législatif.

Le texte est toujours bloqué — si on peut dire les choses ainsi — pensez-vous qu’il fera son retour à l’agenda parlementaire avant la fin de la législature ?

On ne peut que constater que cette réforme est plus nécessaire que jamais aujourd’hui.

Il s’agit d’un sujet absolument essentiel : nous devons assurer la pérennité de notre système de retraite, et cela passe par une réforme en profondeur de celui-ci. Cette réforme est urgente, aussi j’espère qu’on pourra s’y remettre dès que possible.

Si on ne la fait pas avant la fin de la mandature, il faudra la faire au début de la prochaine.

Vous êtes également président du groupe d’amitié France-Géorgie. On a beaucoup d’amis en Géorgie ? À quoi servent réellement les groupes d’amitié ?

La France a des amis partout dans le monde !

La tradition démocratique française est un modèle pour de nombreux pays. Pour des démocraties plus jeunes que la nôtre, comme c’est le cas de la Géorgie, la France fait figure d’exemple. Il est primordial d’assurer le dialogue et les échanges avec ces pays.

À ce titre, les groupes d’amitié permettent d’entretenir un lien entre les Assemblées de différents pays. Cette dynamique interparlementaire contribue au rayonnement de notre pays partout dans le monde ainsi qu’aux bonnes relations diplomatiques de la France.

Chaque député se voit demander une photo pour illustrer son mandat. Pourquoi avez-vous choisi celle-ci et que dit-elle de votre mandat ?

L’image qui illustre le mieux mon mandat est une image… De rugby ! En l’occurrence, la dernière victoire en date du Rugby Club d’Auch sur le Lombez Samatan Club, deux équipes de ma circonscription. (Et si vous cherchez bien, vous me verrez dans les tribunes, tout à gauche !)

Ne voyez dans le choix de cette photo aucune métaphore guerrière, mais plutôt un témoignage de la place qu’occupe ce sport dans ma vie et mon mandat. Depuis toujours, je vais au stade où l’intensité des combats sur la pelouse n’a d’égale que la chaleur des effusions dans les tribunes.

Aller au stade le dimanche pour voir les équipes du Gers, c’est mon moment à moi, mon plaisir de la semaine. Mais c’est aussi un excellent moyen d’exercer ma fonction de député tout en continuant à être moi-même : dans le Gers, tout le monde va au stade le dimanche ! Dans les tribunes, on rencontre les citoyens, les agriculteurs, les chefs d’entreprise, les commerçants, les ouvriers, les élus locaux — bref, tout le monde.

Cette photo illustre également mon mandat, car, j’en suis persuadé : si tous les hommes politiques avaient fait 10 ans de rugby, la politique s’en porterait bien mieux !

Question rituelle de cette période : comptez-vous vous représenter en 2022 ?

Chaque chose en son temps ! Pour l’instant c’est le PLF, on a encore du travail. En Gascogne, quand on est au cœur de la mêlée, on ne réfléchit pas trop à l’après : on se remonte les manches et on fait le boulot.