L’interview de Sophie Beaudouin-Hubiere
Ancienne vice-présidente de la commission des affaires économiques, puis WHIP de cette même commission, Sophie Beaudouin-Hubiere a choisi de rejoindre la commission de la défense. Elle nous explique pourquoi.
Vous avez très récemment intégré la commission de la défense et des forces armées : pourquoi ?
Ce changement de commission est en fait un échange avec mon collègue de Haute-Vienne, Pierre Venteau. Je le sais très engagé et compétent sur les questions agricoles, il voulait intégrer la mission sur les coopératives agricoles et pour cela, devait intégrer la commission des affaires économiques. Sur notre département, nous travaillons très régulièrement main dans la main, et je suis très attachée au sens du collectif. Cet échange de commission était donc naturel.
Au-delà, les sujets traités en commission de la défense m’attirent depuis un moment déjà même si je ne méconnais pas les raisons qui font que nombre de mes collègues ne souhaitent pas appartenir à cette commission.
Ma circonscription compte deux industries qui fournissent l’armée, également la question mémorielle m’a toujours attirée ainsi que les impératifs et autres impacts des actions militaires extérieures de notre État.
Par ailleurs, d’ici la fin du mandat, il n’y aura plus de texte à la commission des affaires économiques, alors que j’intègre la commission de la défense au moment où cette dernière est saisie portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les Harkis.
Ce texte est important, il a été voulu par le Président de la République, il fait appel aux valeurs de notre république, de notre État, c’est un honneur d’être membre de la commission qui va le porter.
En regardant votre historique de député, on constate que vous avez été vice-présidente de la commission des affaires du 08/02/2018 au 30/09/2019, pourquoi avoir quitté cette fonction ?
J’ai quitté cette fonction en septembre 2019, car la présidence du groupe parlementaire m’a proposé de devenir Whip (coordinatrice) de la commission des affaires économiques. Ce n’est certes pas une fonction institutionnelle, pour autant elle est d’une grande importance, donne finalement plus de « pouvoir » au député qui l’occupe que le poste de vice-président. Et surtout cette fonction me permettait de mettre au service du groupe, de la commission, de mes collègues, certaines de me compétences. J’ai auparavant travaillé dans le coaching et les ressources humaines. Être coordinateur du groupe au sein d’une commission, c’est en quelque sorte assurer la gestion des ressources humaines de la commission, s’assurer de nommer, sur les missions, sur les textes, les députés les plus en adéquation avec le sujet. C’est aussi faire en sorte que chaque député de la commission trouve sa place, son moment d’expression sur les sujets qui lui sont chers, c’est enfin sur chaque texte, sur chaque moment politique important être étroitement associé au travail avec le Gouvernement, les ministres et leurs cabinets. Cette fonction fait que vous êtes en permanence au cœur de l’activité parlementaire.
Vous êtes rapporteur au fond du projet de loi portant suppression de surtranspositions de directives européennes en droit français. Première remarque : le texte semble totalement à l’arrêt. Pourquoi ?
Dans un premier temps le texte n’a pas trouvé sa place dans l’agenda parlementaire, pour autant il est capital dans ce qu’il reprend un des engagements de la campagne de 2017. Au final, petit à petit, au fil de l’activité législative, une grande partie des dispositions du texte ont été intégrées dans les différents textes que nous avons votés. Nous avons eu à cœur de faire de la dé-surtransposition chaque fois que cela était possible.
Vous êtes membre de la commission spéciale chargée d’étudier le projet de loi portant réforme des retraites. Peut-on admettre ouvertement ce texte ne verra pas le jour, du moins ni sous sa forme actuelle ni sous cette législature ?
Je crois effectivement que nous pouvons l’admettre. D’abord parce que le calendrier législatif est contraint d’ici à la fin de la session parlementaire. Ensuite, le premier examen nous a montré qu’il restait des choses à travailler, à modéliser. Les débats que nous avons vécus début 2020 nous poussent à revoir la copie, à arriver avec des modélisations solides, à repenser peut-être les questions de l’âge pivot. Et, si je suis convaincue qu’il ne faut pas reculer sur la question des régimes spéciaux, il n’en demeure pas moins que nous devons être plus clairs, précis, sur les modalités de leur extinction. Avant de reprendre un texte de cette nature, que je crois absolument nécessaire, il nous faut reprendre le dialogue avec les organisations syndicales notamment.
Parmi vos fonctions, vous êtes membre du groupe de travail sur les moyens de contrôle et d’évaluation. Que fait ce groupe de travail ?
Ce groupe de travail fait partie des groupes de travail que François de Rugy avait créés alors qu’il était président de l’Assemblée nationale, dans l’optique d’avoir des préconisations pour moderniser le fonctionnement de l’Assemblée.
Nous avons mené de nombreuses auditions, avons investigué auprès de parlements étrangers pour voir quels étaient leurs moyens de contrôles et d’évaluation, nous avons aussi réfléchi à ce que devraient être des missions de contrôle et d’évaluation des politiques publiques efficientes.
Pensez par exemple que les QAG sont un exercice de contrôle de l’action du Gouvernement…
Nous avons remis un rapport, mais ces groupes de travail ont été éteints avec le changement de président de notre assemblée, je le regrette.
Vous êtes titulaire de deux organismes extraparlementaires : la commission départementale prévue à l’article L. 2334-37 du code général des collectivités territoriales et la commission de la coopération intercommunale. Que fait-on à la commission départementale prévue à l’article L. 2334-37 du code général des collectivités territoriales ? Cette fonction est-elle chronophage ?
L’Etat attribue des subventions dans chaque département permettant aux communes et intercommunalités de financer pour partie des projets (travaux dans des écoles, infrastructures sportives, travaux sur les infrastructures d’eau et d’assainissement par exemple).
La commission se prononce sur les attributions de subventions pour les projets supérieurs à 100 000 euros. La commission se réunit deux fois par an, et nous examinons les projets un à un, nous pouvons faire évoluer le pourcentage de subvention allouée. Pour le temps passé, ces deux réunions annuelles sur une demi-journée ne peuvent être considérées comme chronophages, pas plus que l’examen de tous les dossiers (même ceux inférieurs à 100 000 euros) reçus en amont de la commission.
En fait, une partie du temps consacré est du temps masqué. En effet, je profite de mes rencontres et autres échanges avec les maires de ma circonscription pour faire le point sur leurs projets, voir avec eux quels sont les dossiers qu’il faudra soutenir. Je le ferais tout autant si je n’étais pas membre de la Commission DETR. (seuls deux députés et deux sénateurs siègent dans cette commission départementale, j’ai la chance d’en faire partie), je suis pleinement connectée et intéressée à tout ce qui se passe sur ma circonscription, donc je ne saurai réellement peser le temps que ça mobilise.
Quasiment la moitié des députés sont membres d’organismes extraparlementaires, mais il ne paraît pas y avoir de publicité sur le rôle de ces organismes ni sur la charge de travail que cela représente. Ne pourrait-on pas centraliser les informations afin que les citoyens aient une meilleure visibilité sur l’investissement que cela représente ?
Cette volonté de toujours plus de transparence… je ne saurai répondre. Je crois surtout que si chaque Français avait reçu dans son bagage d’instruction de vraies connaissances sur le fonctionnement de nos institutions, nous n’aurions pas en permanence besoin de justifier de l’occupation de notre temps.
Pour ma part, il n’y a pas un jour où je ne travaille pas, et je dois avouer que parfois mes journées sont très longues (ou mes nuits très courtes selon la façon dont on choisit de regarder le sujet), devoir justifier de chaque minute de mon temps.
Revoyons d’abord les programmes d’instruction civique.
Tous les députés interviewés se voient demander une photo pour illustrer leur interview. Pourquoi avez-vous choisi celle-ci et que dit-elle de votre mandat ?
Ce que dit cette photo, pour commencer c’est que je suis dans l’écoute de mes concitoyens, des acteurs de mon territoire. Elle a été prise dans une start-up en proche périphérie de Limoges qui fabrique des amphores en céramique, ainsi mon intérêt va partout sur ma circonscription, pas seulement sur la ville centre.
Cette photo raconte que je me nourris de leur vie, de leur réalité pour faire remonter leurs problématiques, vérifier que les politiques publiques trouvent bien leurs déclinaisons jusqu’aux principaux intéressés.
Je consulte avant un texte, je vérifie après comment il se met en œuvre, sur le terrain.
Si j’ai choisi une photo dans une entreprise c’est aussi parce que je crois toujours à cette volonté défendue pendant la campagne de 2017 de l’émancipation des individus. Et ce sont les entreprises qui créent de l’emploi et de la richesse.
Si nous devons aider les plus fragiles, nous devons aussi accompagner chacun sur le chemin de la réussite et de l’autonomie, et ça passe par des entreprises qui réussissent, qui innovent, qui distribuent de la valeur. Il est important que le travail, quel qu’il soit, soit source de fierté.
Et pour finir, c’est aussi parce que je suis très fière des entreprises de Haute-Vienne. Ici, nous sommes discrets, méconnus, parfois mésestimés. Or, il y a là des aventures entrepreneuriales incroyables, source de beaucoup de fierté qui rayonne au-delà même des frontières nationales.
On arrive à la fin de votre premier mandat de député : comptez-vous vous représenter en 2022 ?
La fin du mandat est à la fois proche et assez lointaine. À ce stade, je mets tout en œuvre, comme depuis le premier jour de ce mandat, pour être en capacité de me représenter le moment venu.