Valéria Faure-Muntian et son équipe - Copyright Guillaume Brunet
Actualités

L’interview de Valéria Faure-Muntian

Membre de la commission des finances et présidente du groupe d’amitié France-Ukraine, Valéria Faure-Muntian revient sur le déroulement d’une commission mixte paritaire ainsi que sur la situation de l’Ukraine.


Vous avez été rapporteure sur trois textes différents. De ce fait, vous avez participé aux commissions mixtes paritaires inhérentes à ces textes. Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne une commission mixte paritaire (CMP) ? 

Présentée sous une forme dite d’un « échantillon » représentatif, la commission mixte paritaire est composée de sept sénateurs et de sept députés. Ayant fait partie d’un processus législatif, la CMP a pour objectif de concilier des points litigieux d’un texte législatif, en particulier ceux, qui n’ont pas été votés conformes entre les deux chambres.

Lors d’un débat en séance publique, le président Le Fur avait laissé sous-entendre que la CMP était un lieu de pression idéal pour les représentants d’intérêts. De votre point de vue, est-ce exact ?

Chaque commission permanente fait le choix de ses représentants pour participer aux arbitrages et négociations lors de la CMP. Ce ne sont pas les lobbys qui les choisissent, ce sont bien les commissaires eux-mêmes. S’agit-il d’un lieu plus propice ? À mon avis, pas plus que lors de l’ensemble du processus de l’examen du texte de loi.

Aujourd’hui, sauf les auditions relevant du secret défense, quasiment tout est public : les séances en commission, les séances publiques, etc. Sauf les CMP : ce secret des délibérations est-il encore pertinent ? Il n’y a pas de compte rendu ni de captation vidéo durant les CMP : pourquoi ?

Lors de la commission mixte paritaire, il s’agit d’abord d’une négociation et d’un arbitrage sur des points des détails. Les textes en négociation sont ceux, préalablement déposés, officiellement dans chacune des chambres et votés. Il n’est donc pas nécessaire de refaire une procédure formelle de dépôt d’amendements ni de comptes rendus.

Vous êtes présidente du groupe d’amitié France-Ukraine. Pourquoi avez-vous voulu la présidence de ce groupe d’amitié ? 

Grâce à mes origines, ma connaissance du pays fut un atout non négligeable à la présidence. Par ailleurs, un groupe d’amitié est un outil diplomatique important, qui permet d’avoir un impact sur les relations bilatérales. J’ai voulu saisir cette opportunité pour œuvrer sur le renforcement de la coopération entre les deux pays.

Restons un instant sur les élections de 2019. Si on regarde une carte de l’Ukraine, on constate que les régions de Lviv, Khmelnitski, Ternopil et Kiev ont voté massivement pour Petro Porochenko, alors que son bilan n’était pas brillant. Avez-vous une explication ? 

En tant que parlementaire française, je n’ai pas à commenter le bilan du président Porochenko. Je n’ai pas suffisamment d’éléments en ma possession pour juger avec finesse le tissu électoral ukrainien. Un vote peut présenter de nombreux aspects. Il peut s’agit d’un vote d’adhésion, de confiance. Il peut également s’agir d’un vote sanction pour un autre candidat. La psychologie électorale est suffisamment complexe pour essayer de l’analyser de manière superficielle.

De la même manière, Iouri Boiko a pris une partie des votes dans la région d’Odessa et a balayé ses concurrents dans le Donetsk et le Lougansk. On a l’impression que les clivages électoraux, qui sont une transposition d’autres clivages, sont encore très profonds. Au-delà de la réconciliation du pays, l’Ukraine est confrontée à une série de défis qui paraissent très ambitieux. Qu’est-ce qu’il faudrait pour qu’elle les relève avec succès ?

Les clivages territoriaux, les disparités économiques entre les régions, ainsi que la différence d’analyse quant à l’annexion de la Crimée ou le conflit qui perdure dans le Donbass, pour relever ces défis de nombreuses actions sont nécessaires. La plus urgente à mon sens c’est le pouvoir d’achat, dont le niveau gangrène la cohésion sociale. Pour son amélioration l’Ukraine doit se doter d’un programme économique ambitieux pour la croissance de son PIB avec l’assainissement de sa dette souveraine et la création des conditions pour les investissements étrangers.

Vous êtes membre de la délégation française à l’Assemblée parlementaire de la coopération économique de la mer Noire. En quoi ce sujet concerne la France ? 

Le Parlement français, depuis 28 novembre 2002, bénéficie d’un statut d’observateur auprès de l’Assemblée parlementaire de la Coopération économique de la mer Noire. Dans le cadre de ce rôle, la France n’est pas concernée directement. Cependant, la France reste très intéressée par la stabilité de cette région, ainsi que par son évolution économique.

COP 26 oblige, arrêtons-nous sur la convention de Bucarest de 1992. Son objectif était de protéger la mer Noire. Vu le nombre d’installations industrielles qu’il y a autour, on a quasiment toutes les sources de pollution imaginables, qui non seulement détruisent les écosystèmes, mais en plus, viennent polluer l’intérieur des terres. La France pourrait-elle être un acteur majeur d’une remise à jour de la convention de Bucarest ? 

Je ne pense pas que la France, dans son rôle d’observateur, peut être à l’origine, mais nous pouvons jouer un rôle de moteur dans le de déclenchement de la réflexion. L’assemblée parlementaire de la coopération économique de la mer Noire est confrontée à un certain nombre des difficultés liées à la géopolitique locale et a connu des instabilités en terme économique et politique, ainsi que des droits humains. L’écologie, la préservation de la faune et de la flore, bien que des sujets fondamentaux aujourd’hui, ne me semblent pas faire partie des priorités. J’aimerais en effet que cette instance soit investie plus sérieusement par certains acteurs et que la durabilité des usages des ressources et des milieux naturels soit à l’ordre du jour.

Tous les députés interviewés se voient demander une photo pour illustrer leur interview. Pourquoi avez-vous choisi celle-ci et que dit-elle de votre mandat ?

Un mandat réussi, c’est tout d’abord la force du collectif : parti, militants, groupe parlementaire, gouvernement, administration, etc. Là, je suis avec une partie de mon équipe qui compte pour beaucoup dans ce principe.

Question posée à tous les députés interviewés : comptez-vous vous représenter en 2022 ?  

C’est bien trop tôt pour le dire.